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Société

LETTRE OUVERTE : « Boko Haram, porteur du masque de l’horreur » – Une Nigériane témoigne

[English version below]

La secte islamiste Boko Haram mène depuis plusieurs semaines des raids meurtriers particulièrement violents dans le Nord du Nigeria. Face à ces exactions, une jeune Nigériane prend la plume et s’exprime.

« Tout a commencé en 2001, avec des cours de religion dispensés dans l’État de Borno par un prêcheur islamique, feu Mohammed Yusuf. Ses enseignements prônaient l’application de la Charia à travers tout le pays. Avant que Boko Haram devienne le groupe terroriste violent et extrêmement dangereux que l’on connaît aujourd’hui, c’était donc un mouvement socio-religieux non-violent, dont les membres étaient issus de tous les milieux. C’était une secte islamique comme n’importe quelle autre. Au-delà de leur désir fondamental d’islamiser le Nigeria par la loi islamique, le groupe se distinguait par sa critique du gouvernement particulièrement inefficace à l’époque. Mais entre cette époque et 2009, il n’y avait aucune forme de violence ni de terrorisme de sa part.
On peut s’interroger : pourquoi ce groupe, apparemment pacifique, est devenu la terreur permanente de la nation entière ?
Comment Boko Haram a-t-il bien pu devenir si « puissant » ? Et pourquoi semblent-ils désormais impossible à stopper ?

J’aimerais d’abord parler de ce que signifie Boko Haram.
Boko est un mot Haoussa qui désigne une école publique, et Haram peut se traduire par « abomination » en arabe. Surprenant mais vrai, toutes les écoles que Boko Haram a attaquées sont justement des écoles publiques. Je me rappelle encore avec émotion ce jour où toutes les chaînes de télé annonçaient la première série d’explosions. Tout le monde avait peur, c’est à ce moment que le chant #prayfornigeria (« priez pour le Nigeria ») a commencé à devenir populaire. Au début, on pensait tous que ces attaques avaient un but religieux. Les bombes visaient avant tout les églises, les écoles et les postes de police, faisant de nombreuses victimes. C’est cette année 2009 qui a marqué le début de ce fléau. Boko Haram se déplaçait aussi vite que l’éclair, laissant sur son sillon des flots de sang innocent. Nous, les Nigérians, surtout ceux du nord, nous savions que nous n’étions pas en sécurité, mais cette partie du pays reste notre maison, et nous étions forcés de la regarder se faire saccager et de voir nos proches perdre la vie sans raison. C’était devenu une routine ; les fusillades, les attaques et les explosions ne surprenaient plus personne. On avait parfois l’impression que tout le monde s’attendait à un drame, partout et tout le temps. On se demandait juste quelle ville ou quel village allait être attaqué la prochaine fois. Les assauts ne se sont pas arrêtés : Maiduguri, Mubi, Kano, ou même Abuja [la capitale ndlr] qu’on présentait pourtant comme bien protégée et sécurisée.

Vu le tour que prennent les événements, on pourrait s’attendre à ce que les médias nigérians s’impliquent activement pour faire toute la lumière sur ce groupe. On pourrait s’attendre à ce qu’ils fassent le tri entre bonnes et mauvaises informations avant de les donner au public du pays. Cependant, lorsque ce sont des médias étrangers qui vous informent sur ce qui se passe chez vous avant même les médias nationaux, vous comprenez qu’il y a un problème.
Pire encore, les informations sur le même événement peuvent être totalement différentes selon le média. En fait, à un certain point, personne ne savait plus rien de ce qu’il se passait vraiment, on ignorait même le nombre de personnes tuées, disparues ou enlevées. Tout s’était mélangé.

Certes, le Nigeria n’est pas le plus libre des pays, notamment en termes de liberté d’expression et de la presse, mais pourquoi ne pas essayer de changer les choses ? Pourquoi ne pas essayer de bousculer le statu quo ? La critique ne se limite pas aux médias ou au gouvernement, elle s’adresse aux Nigérians eux-mêmes.

Boko Haram est-il vraiment si impénétrable ou nous sommes-nous posés les bonnes questions ? On ne peut pas devenir aussi puissant sans un solide réseau de soutiens, notamment financiers. Ce réseau, particulièrement dans le cas de Boko Haram, est dense et étendu. Quand je dis qu’il est vaste, c’est qu’il va des élites politiques aux magnats richissimes de l’économie en passant par ceux qui appliquent la loi, ceux qui doivent nous défendre et même les pauvres Nigérians qui ne peuvent rien offrir de mieux que leur corps pour véhiculer la mort.
Au fil du temps, la secte a évolué, et cette transformation a été assez révolutionnaire. Ils ont utilisé ce vaste réseau pour étendre leurs tentacules de l’horreur au plus profond de la société, dans tous ses secteurs.

Grâce à un mélange parfait d’argent, de manipulation, d’incitation et de stratégie, Boko Haram a transformé le Nigeria en ennemi de lui-même. Ce qui n’a pas rendu le combat plus facile et ne le facilitera jamais, désormais, plus personne ne connait plus rien ni personne.

Le prochain attentat-suicide pourra venir de cette petite fille qui vend ses arachides à la sauvette dans votre rue. Le soldat qui vous tuera dans cette embuscade pourra bien être votre voisin de palier que vous connaissez depuis dix ans.

Le Boko Haram que nous voyons à la télévision ou sur Youtube ne représente que quelques pions du jeu. C’est aux échelons et aux rangs les plus secrets et puissants de la société qu’il faut chercher pour trouver les pièces maîtresses. Boko Haram se veut prêt à prendre le pouvoir et contrôler le pays, leurs besoins ont changé, et leur idéologie aussi. Il s’agit vraiment et véritablement des véritables porteurs du masque de l’horreur.

Nous sommes à présent en 2015. Les Nigérians sont à genoux depuis le début, et j’ai l’impression qu’à chaque fois que nous nous levons, c’est pour compter nos morts. Les pertes deviennent impossibles à compter, 118, 130, 234, 2000… Personne ne sait qui et où sont les prochains sur la liste. C’est le signal. N’est-ce pas le moment pour nous de nous lever droit sur nos pieds et de regarder l’ennemi dans les yeux ?

Une Nigériane inquiète. »

L’auteure, originaire du nord du Nigeria, a quitté le pays en 2011 pour poursuivre ses études. 

Boko Haram: Wearers of the mask of horror…

« It all started with some religious teachings in Borno State in the year 2001 by an Islamic cleric, the late Mohammed Yusuf. These teachings advocated for the Sharia Law to be implemented throughout the country. Before Boko Haram became the violent and extremely dangerous terrorist group that it is today, it was a non-violent socio-religious group with members from all works of life. It is an Islamic sect, almost like any other.

However, beyond the fundamental desire to Islamize Nigeria through the full implementation of the Sharia Law, the group also condemned the government at the time especially because it was a rather inefficient one. However, between this time and 2009, there was no form of violence or act of terrorism by this group. One begins to wonder, how did this seemingly ‘peaceful’ group become a living terror to the entire nation? How did Boko Haram become ‘so powerful’? And now, why does it seem like they are unstoppable?

Firstly, I would like to give a break down of the meaning of Boko Haram. Boko is an Hausa word that largely translates into a school owned by the government and Haram is an Arabic word meaning ‘abomination’. And very strangely but true, all of the schools that have been attacked by Boko Haram are government schools. I remember vividly when the news of the first set of explosions was all over television, everyone was scared and that was when the #prayfornigeria chant started gaining its momentum. At first, we all thought it was religious; churches and schools and police stations were bombed and people died in their numbers. The year 2009 was the year that marked the beginning of this plague. BH moved like lightning and they left too much innocent blood in their wake. Nigerians, especially the northerners, we knew that we were not safe, but this part of the country is our home and we are being forced to watch it being destroyed and our loved ones paying the ultimate price for nothing. It became routine, the gun battles, attacks and explosions was no longer news to anyone. It almost felt like everyone was expecting something to happen somewhere and somehow at some point in time…the question became which city, town or village would face the fire next? Maiduguri or Mubi or Kano or even Abuja that is supposed to be highly secured and protected.

Given the turn of events, one would expect the Nigerian media to be actively involved in the process of exposing this group through the dissipation of correct and adequate information to the Nigerian public. However, when foreign media tells you what is happening in your country before the media houses in your country, then you know that there is a problem. This is even made worse by the fact that the information provided might be entirely different in terms data even though it is on the same subject or event. In fact, at a certain point, no one knew what was going on anymore, we did not even know the amount of people that died or got lost or were kidnapped. Everything has become so mixed up. It is understandable that Nigeria is not the most liberal place with regards to press liberties etc. However, I have reason to believe that challenging the status quo, controversy and stirring up the right kind of conversation are reasons that the press exists. Why can’t the Nigerian press try, make an attempt to do the right thing for once regardless of oppositions? This is not limited to the Nigerian media or government, it concerns Nigerians themselves.

Has BH become so impenetrable or have we just not asked the right questions? It is impossible to become so powerful without a solid network of supporters, both financially and otherwise. This support network, especially for Boko Haram is very widespread and tight. From the political elites to the wealthy controllers of the nation’s economy to the law enforcement and defense bodies and even to the poor impoverished Nigerians who have nothing to offer other than their bodies as carriers of death. Over time, the sect has evolved and this transformation has been quite revolutionary. They have used their network to extend their tentacles of horror deep into the society, into every sector. With a perfect blend of money, manipulation, incentive and strategy, Boko Haram has essentially made Nigeria an enemy of itself. This has not made the fight any easier and it won’t because no one knows anything or anyone anymore. The next suicide bomber might be the little girl that hawks groundnuts in your street and the soldier that will kill you in that ambush might be your next door neighbor that you have known for ten years. The Boko Haram we see on our television and watch in youtube are merely pawns in the game and within the most secret and most powerful echelons and cabals in the Nigerian society lies the kings and queens. BH is headed for a complete take over and control, their need has changed and so has their ideology. Boko Haram, they are really and truly the wearers of the mask of horrors.

It’s now 2015. Nigerians have been going on their knees from the beginning and to me it seems that each time we get up, it is to count our losses. These losses are becoming uncountable, 118, 130, 234, 2000… no one knows who or where is next. This is the call…

Isn’t it time for us to stay right on our feet, wait and look right into the eyes of this enemy?

A very concerned Nigerian. »

The author comes from the North of Nigeria and left her country in 2011 to start her studies.

Image : BBC.

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