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Société

Tous les chemins (de pensées) mènent-ils à Rome ?

“TOUS LES HOMMES PENSENT À L’EMPIRE ROMAIN”. Mais que se cache-t-il derrière cette nouvelle tendance TikTok cumulant des millions de vues ?

Il y a quelques semaines, Gaius Flavius de son pseudo, anonyme d’Instagram, a dévoilé le lourd secret de tant d’hommes… « Mesdames, vous n’avez pas conscience de la fréquence à laquelle les hommes pensent à l’Empire romain. Demandez à votre mari/copain/père/frère – vous serez surprises par leurs réponses ! » Mais qu’en est-il réellement ?

La théorie est vite relayée sur X (ex-Twitter) avant d’exploser les stats sur TikTok et devenir une nouvelle tendance aux millions de vues ces derniers jours.
Les témoignages s’enchaînent sur la plateforme, cumulant les vues, likes et commentaires. L’algorithme s’enflamme et il est presque impossible d’échapper à cette succession d’histoires, confessions en familles ou entre ami.es qui se répètent et se regroupent. 

La Tiktokeuse Theyaresam_ cumule plus de 5,5 millions de likes en racontant avoir voulu tester la trend avec son mari et que cela se serait terminé en une conversation de 45 minutes sur tous les différents empires, remontant le temps jusqu’au Big Bang.  

Questionnés par leurs amies, femmes, sœurs, les hommes semblent un à un vérifier cette étonnante théorie d’une obsession romaine masculine. 
Les réponses oscillent entre plusieurs fois par mois jusqu’à exploser les records de l’improbable avec du plusieurs fois par jour.

Mark Zuckerberg s’est lui-même amusé de la tendance qu’il confirme par ses goûts en matière de prénom pour ses enfants : 

“Je ne sais pas si je pense trop à l’Empire romain. Je me demande ce que mes filles Maxima, August et Aurelia en pensent.”




L’empire romain, une obsession machiste ?

Pour ne pas parler “à la place de” il suffit de se plonger dans les sections commentaires des différentes plateformes pour tenter de comprendre cette surprenante monomanie. Un utilisateur d’Instagram caché derrière une photo de profil Trump (ce qui en dit déjà long sur le personnage) l’affirme :

Pas que Rome. Être un homme c’est vouloir créer. Construire. Ou détruire et conquérir. C’était tout ça Rome. Les hommes rêvent d’empires.


Volontairement ou non, les hommes répondant à la tendance paraissent dessiner leur propre caricature. L’empire romain réveillerait en eux leur instinct de “guerriers” et ils se transformeraient en une armée de petits Russel Crowe dans Gladiator. On oublie les jupettes dévoilant de jolies gambettes, la Rome antique renvoie à la tradition, aux hommes autoritaires, forts et protecteurs. 
Mike Duncan, un auteur américain spécialisé dans l’histoire de Rome, explique ce phénomène genré par un intérêt particulier des hommes pour la guerre.

Il est beaucoup question de batailles, d’armées et de généraux. C’est pour les mêmes raisons que l’on voit beaucoup de pères s’intéresser à la Seconde Guerre mondiale, à la guerre de Sécession ou à l’ère napoléonienne : il y a quelque chose qui attire les hommes vers ce genre de choses militaires

(entretien avec le magazine Rolling Stone) 

Parce qu’un homme, un vrai, ça aime la bagarre

Plusieurs commentaires rappellent aussi qu’au-delà de la puissance militaire, la technologie, l’architecture, la politique ou même le langage font largement partie de notre culture. Au cinéma, dans la littérature ou même dans les références faites par les politiciens, l’empire romain est toujours bien présent. La BD Astérix, le film Gladiator, la série Roman Empire, le jeu vidéo Age of Empire y font des allusions directes mais on trouve aussi des inspirations plus éloignées dans d’autres films cultes comme Star Wars ou ceux mettant en scène la mafia. 

Dans un article du journal L’Entrepreneur, il est expliqué la nouvelle tendance des dirigeants d’entreprise à se tourner vers le stoïcisme, un courant philosophique et de pensée antique qui prône la sagesse et la vie loin des passions. La dynamique rappelle aussi la mobilisation des thématiques antiques dans les séminaires de management, de dépassement de soi et des vidéos YouTube « masculino-masculine » sur “comment devenir le meilleur entrepreneur de la galaxie”. (Revenons à Mark Zuckerberg et aux prénoms de ses enfants très connotés).

Mais est-ce que l’on peut vraiment parler de TOUS les hommes ? 

N’exagérons pas, dans les commentaires, “d’irréductibles gaulois” réfutent cette théorie et affirment n’y avoir jamais pensé. La fascination de l’Empire romain est surtout présente en Occident où elle a marqué l’histoire du territoire et fait partie du contenu pédagogique de nos écoles. 

L’effet “tendance” a aussi probablement joué, difficile de résister à la tentation de faire partie de la meute, de se joindre au clan et de grossir ses propres statistiques en exagérant sa réponse. Lorsqu’on te demande si tu as pensé à quelque chose, tu as tout de suite très envie d’y penser. Et ne faisons pas de “réseau-centrisme”, qu’en est-il de tous les hommes qui ne sont pas sur les réseaux ? Ont-ils leur droit de regard sur cette nouvelle catégorisation de leur genre ? 

Finalement, si on veut résumer, c’est plutôt une affaire de gars cis, hétéros et blancs. La réponse au pourquoi de cette obsession n’est donc pas qu’une dichotomie du genre. D’ailleurs, c’est à croire que les femmes n’existaient pas dans l’Empire Romain : si on exclut Cléopâtre et les prostituées, rares sont nos représentations culturelles qui nous permettent de visualiser des femmes en action. 

Pour répondre à la tendance, les femmes laissées pour compte par la trend essayent de trouver leur point de connivence. Plusieurs sujets ont été proposés sur Tiktok. Il a d’abord été tenté un sexisme décomplexé avec le “à quelle fréquence penses-tu à la marque Sephora” qui a plutôt floppé.
Puis on est parti du côté du pseudo-romantisme naturel et inné des femmes avec les “à quelle fréquence penses-tu à ton ex-meilleur ami” ou à “la période de la Régence aux UK” (période des romans de Jane Austen, inspirant les célébrées Chroniques de Bridgerton).
Mais le consensus s’est plutôt trouvé du côté du TikTok de Melissa_u aux 1,6 millions de vues : “À quelle fréquence penses-tu à la potentialité d’être agressée ou tuée ?”.

De quoi revoir nos priorités.

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