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Musique
Par Laura Aronica

Lauryn Hill actualise « I Find it Hard To Say (Rebel) » suite aux violences policières envers les Afro-Américains

L’histoire qui va suivre n’est rien qu’une anecdote à propos d’un morceau de musique. Mais c’est aussi le récit d’un éternel recommencement.

« J’ai écrit ce morceau à propos de l’affaire Amadou Diallo ».

C’est ainsi que débute « I Find it Hard To Say (Rebel) », un morceau présent sur MTV Unplugged No. 2.0, le deuxième album de Lauryn Hill sorti en 2002. Avant de chanter, la tête d’affiche des Fugees parle. Elle fait référence au meurtre, le 4 février 1999, d’Amadou Diallo, tué lors d’une intervention policière dans son hall d’immeuble du Bronx, alors qu’il sortait faire les courses. Il aura fallu que deux des quatre officiers présents déchargent en entier leurs armes sur ce gringalet de 22 ans, sans défense ni casier judiciaire, pour que l’équipe s’estime hors de danger et cesse enfin les tirs.

Au moment des faits, Lauryn Hill craint la réaction du public. « J’avais peur de déclencher une émeute » ajoute-t-elle dans l’introduction du morceau, comme pour s’excuser de le sortir trois ans trop tard. Son ex-acolyte Wyclef Jean, lui, n’a pas attendu. Erykah Badu non plus.

Si à l’époque, la prise de position est un peu plus délicate, car moins balisée, elle est désormais commune aux États-Unis – dans le rap et bien au-delà. La parole s’est libérée et chacun y va de ses trois minutes qui dénoncent, de Jay Z et sa playlist « pour survivre » au dernier featuring de Nas, en passant par les Run The Jewels ou Kendrick Lamar (dont le titre « Alright » est devenu, presque malgré lui, un hymne d’espoir et de protestation).

La version originale du morceau.

Tamir Rice, Trayvon Martin, Eric Garner, Mike Brown, Alton Sterling, Philando Castile… et combien d’autres, non médiatisés ? Dix-sept ans ont passé, mais les noms de victimes afro-américaines de violences policières continuent à se greffer à ceux d’Amadou Diallo, de Nicholas Heyward (tué en 1993, à 13 ans, parce qu’un policier a pris son pistolet en plastique pour une arme réelle) ou de Malcolm Ferguson (mort en 2000, à 23 ans, à trois blocs du building d’Amadou Diallo et dans les jours qui ont suivi l’acquittement des policiers impliqués dans l’affaire).

En dépit des preuves vidéo et des statistiques accablantes, ils viennent grossir la liste des victimes et se muent parfois même en hashtags, taillés pour exprimer la colère et le deuil sans que rien ne change.

C’est dans ce contexte que Ms. Lauryn Hill a dévoilé ce week-end sur scène, à Brooklyn, « I Find It Hard To Say (Rebel) » dans une nouvelle version, à l’occasion de sa participation au concert caritatif Tidal X : 1015, organisé par Jay Z. Via Twitter, elle vient de rendre public son enregistrement studio, assorti d’un message : “Vieux morceau, nouvelle version, même contexte, encore plus pertinent aujourd’hui (…) Je suis fatiguée et malade d’être fatiguée et malade ». 

La lecture de l’article du New York Times publié le lendemain de la mort d’Amadou Diallo, le 5 février 1999, ne fait que conforter ce sentiment d’impuissance et de lassitude. Le texte du quotidien de référence débutait comme suit :

« Un immigré d’Afrique de l’Ouest sans casier judiciaire a été tué hier par quatre officiers de la police new-yorkaise qui lui ont tiré dessus à 41 reprises sur dans le hall de son immeuble du Bronx, rapporte la police ».

Si cela sonne bien trop familier, c’est que ces quelques mots, aujourd’hui, sont devenus presque génériques. C’est aussi le cas du titre de Lauryn Hill, qui n’avait finalement pas besoin de ce petit coup de jeune tant ses paroles sont éloquentes et se font, à 14 ans d’intervalle, témoins de l’inertie des États-Unis.

« J’ai du mal à vous dire que tout va bien. Ne me regardez pas comme si tout allait bien, chantait-elle déjà à l’époque. Mes yeux sont capables de voir au-delà de vos faux-semblants. Mais ce que vous ne voyez pas, ce sont toutes les conséquences ». À bien y repenser, la reprise de Lauryn Hill – aussi sympathique soit-elle – laisse en fait un petit goût amer. Et pour une fois, on se prend à souhaiter qu’un morceau que l’on aime se retrouve, bien vite, complètement dépassé.

Photographie à la Une © James Devaney/WireImage

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