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Société

La bande originale du prochain film de Spike Lee est-elle réactionnaire ?

Spike Lee s’était-il imaginé que son prochain film, Chi-Raq, lui attirerait tant de foudres ? Le réalisateur avait déjà pris soin de répondre aux critiques à propos de cette comédie musicale, où le réalisateur tente d’ériger le crime et la violence de Chicago en satire. Certains, comme le montre Vox, accusaient déjà le réalisateur d’exploiter les problèmes de la population noire de Chicago pour faire de l’argent. Aujourd’hui, on lui reproche d’être réactionnaire…

En cause : le clip vidéo de la bande son du film et réalisée par Spike Lee lui-même, intitulé « WGDB » (« We Gotta Do Better »). Les paroles sont un peu particulières, comme le montre Deadspin :

Everybody’s talking about Brother Bill Cosby / It looks like our favorite dad was drugging girls (Tout le monde parle du frère Bill Cosby / Mais il semble que notre père préféré droguait des filles)

But please not let us forget about little Amari / An innocent victim of this cruel world. (Mais s’il vous plaît, n’oublions pas le jeune Amari / Une innocente victime de ce monde cruel)

Only seven years of age and he was shot / But it wasn’t by a racist nor a cop (Âgé de 7 ans à peine et tué / Mais ce n’était pas par un raciste ou un flic)

You see it was by someone the same color as myself / We’re the only race that shoots and kills themselves. …(C’était par quelqu’un de la même couleur que moi / Nous sommes la seule race qui se tire dessus et s’entretue)

Everybody’s talking about Meek Mill and Drake / Everybody’s mad because Cecil the Lion was shot. (Tout le monde parle de Meek Mill et Drake / Tout le monde est furieux parce que le Lion Cecil a été tué)

But where was the compassion for those murdered in Chicago / When will it end? When will it stop? … (Mais où était la compassion pour ceux tués à Chicago / Quand cela va-t-il prendre fin ? Quand cela va-t-il s’arrêter?)

We gotta do better / What’s the use of saying Black Lives Matter if we’re gonna kill ourselves? (Nous devons faire mieux / Quel intérêt de parler de « Black Lives Matter » si nous nous entretuons?)

We gotta do better / What’s the use of saying ‘I can’t breathe’ if we’re choking ourselves? (Nous devons faire mieux / Quel intérêt de dire « Je ne peux plus respirer » si nous nous étouffons nous-mêmes?)

Pour résumer, la chanson reprend l’idée conservatrice selon laquelle la brutalité policière attirerait trop l’attention des médias et de la société, occultant le problème de la violence des noirs sur les noirs.

Sauf que la phrase « We’re the only race that shoots and kill themselves » (« Nous sommes la seule race qui se tire dessus et s’entretue »), ne colle pas à la réalité… Selon les chiffres récemment publiés par le FBI, en 2014, environ 90% de la population noire victime d’homicide a été tué par une personne noire. Et plus de 82% de blancs victimes d’homicides ont été tués par une personne à la peau blanche. Les agressions entre les personnes de même race ne sont donc pas réservées aux noirs, sont en réalité la forme de violence la plus commune aux États-Unis.

Dans son dernier livre, Ghettoside, la journaliste Jill Leovy, montre comment le taux d’homicides commis par des personnes noires sur des personnes noires et les violences policières sur la communauté noire, sont deux réalités intrinsèquement liées. Pour elle, la question n’est pas de savoir si les violences policières envers la communauté noire est un problème plus important que la violence entre ces personnes, mais plutôt de comprendre comment nous en sommes arrivés à une justice pénale dans laquelle les deux sont un problème.

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