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Judith Godrèche, porte-parole du MeToo Français : “quand on prend la parole, l’addition est lourde”

Réalisatrice et comédienne, Judith Godrèche a endossé le rôle de militante féministe en faisant partie des premières à dénoncer les abus et le sexisme dans le milieu du cinéma. Dans Clique, elle salue le courage d’Adèle Haenel, s’insurge contre la présence de Kevin Spacey à Cannes et raconte comment son engagement lui a retiré toute opportunité de carrière.

Élever la voix

Judith Godrèche navigue dans le milieu du cinéma depuis ses treize ans. Sa carrière prend un autre tournant à partir de 2017 : avec 92 autres femmes, elle accuse Harvey Weinstein d’agression sexuelle au début du mouvement MeToo, puis écrit et réalise la série Icon of French Cinema pour dénoncer le sexisme de son milieu en 2023. L’année suivante, elle porte plainte pour viol contre les réalisateurs Benoît Jacquot et Jacques Doillon, avec qui elle a travaillé dans les années 90. Pour celle qui a “grandi devant les caméras”, cet engagement n’avait rien d’une évidence. “La peur de parler n’a pas disparu. Mais ce que j’avais à perdre était moins important que le besoin de parler, la vérité a pris possession de moi. J’ai pris la parole sans me poser la question de l’après.” Par l’exemple, elle est devenue l’un des principaux porte-voix du mouvement MeToo en France.

Quand l’actrice Adèle Haenel gagne son procès pour agression sexuelle contre le réalisateur Christophe Ruggia, Judith Godrèche est présente dans la salle d’audience : “il était important pour moi d’être à ses côtés, de la soutenir.” À l’annonce de la condamnation, elle exulte et applaudit, presque malgré elle. “C’est un pas de plus vers la fin de l’impunité. Je ne m’y attendais pas mais j’étais bouleversée, en partie parce que je sais que ça n’arrivera pas pour moi : les faits qui me concernent sont prescrits.” La réalisatrice élève aussi la voix pour saluer le courage de celles qui parlent – et qui en assument les conséquences. “La manière dont Adèle a pris le pouvoir m’impressionne : elle a décidé de quitter le milieu du cinéma sans attendre qu’on lui montre la porte.” 

Depuis qu’elle a endossé de facto le rôle de lanceuse d’alerte, Judith Godrèche assume. Comme lorsqu’en marge du Festival de Cannes 2025, l’acteur Kevin Spacey, visé par plusieurs accusations de violences sexuelles, se voit remettre un prix sur la Croisette par une organisation tierce. “Ça me choque. Évidemment, lui est ravi, il doit rêver qu’on le croie invité par le Festival de Cannes. Il est abject, je ne sais pas quoi dire d’autre.” Huit ans après, la réalisatrice continue de se battre pour les autres.

Silence et solitude

Depuis quelques années, plusieurs acteurs ont dit soutenir la lutte de leurs consœurs au cours de grandes cérémonies. Un signe que les mentalités évoluent ? Pour la réalisatrice, le constat est en demi-teinte. “Je trouve ça bien qu’ils prennent la parole, et tant mieux s’il est devenu politiquement correct de s’exprimer. Mais quand on parle alors que ça n’est pas encore le cas, on est un grain de sable dans la machine qui crée le désordre.” Judith Godrèche en sait quelque chose : depuis que son nom est devenu synonyme de MeToo, elle ne reçoit quasiment aucune proposition. “Je connais le prix à payer, l’addition est lourde. Pour une actrice, parler a un impact inévitable sur son rapport avec le monde du cinéma. On peut parler d’un vrai retour de bâton.« 

Après ses prises de position, Judith Godrèche a connu une traversée du désert. Elle reste particulièrement marquée par le silence de ses anciennes connaissances du monde du cinéma, ceux qui l’ont connue à l’époque où elle ne faisait pas de vagues. “Être soutenue, c’est comme s’entendre dire ‘tu existes’. Ce qui me manque, c’est d’entendre ça de leur part.

La réalisatrice est à l’initiative de la commission d’enquête parlementaire sur les abus commis dans le cinéma. Au cours des audiences, elle dresse le tableau d’un milieu qui stagne dans le statu quo et favorise l’omerta. “Je comprends ce silence, je n’ai pas parlé pendant 30 ans. Il est compliqué pour moi de demander des comptes aux autres, mais là, le silence dure depuis trop longtemps.” Pour Judith Godrèche, les conclusions de la commission doivent alerter au-delà du milieu de la culture : “il est question du rapport entre ceux qui ont du pouvoir et ceux qui n’en ont pas, parce qu’ils font face à un réalisateur, mais aussi à un prêtre, un prof… Le sujet c’est notre société, pas juste l’univers du cinéma.

Le témoignage de Judith Godrèche est à retrouver gratuitement et en intégralité sur l’application CANAL+.

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