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Arts
Par Laura Aronica

Le jeu d’échecs interdit de Marcel Duchamp

Près d'un siècle après sa création, un jeu d'échecs dessiné par l'artiste fait l'objet d'une controverse internationale impliquant la France et les États-Unis.

Los Angeles, 1963. Marcel Duchamp, 76 ans, en costume noir, défie aux échecs Eve Babitz, à peine majeure – et nue.
Cette photographie, témoin d’une époque, symbolise aussi la passion d’une vie : celle qu’entretenait Marcel Duchamp, célèbre artiste français du XXe siècle, inventeur du ready-made et contemporain de Picabia, vis-à-vis du jeu d’échecs.

Marcel Duchamp affronte Man Ray, en 1924, dans le film Entr’acte de René Clair.

Champion d’échecs de Haute-Normandie, souvent décrit comme un « fin stratège », le peintre et plasticien s’était créé son propre échiquier, qu’il avait dessiné lui-même en 1917. La légende raconte qu’il n’en reste, aujourd’hui, que quelques photographies en noir et blanc.

En hommage à Duchamp, les artistes américains Scott Kildall et Bryan Cera ont recréé l’objet à l’aide d’une imprimante 3D. Pour que n’importe quel internaute disposant de cette technologie puisse reproduire gratuitement l’échiquier, ils ont posté le fichier-source sur Thingiverse, un site de partage de modèles 3D.

Il n’en faut pas plus pour que les descendants de Duchamp se réveillent. En septembre 2014, par courrier, ils enjoignent Scott Kildall et Bryan Cera d’éradiquer toute trace de leur oeuvre. Le projet, disent-ils, viole les droits d’auteur de leur illustre parent. Les deux hommes tombent des nues, mais ils s’exécutent. Craignant les poursuites, ils effacent le fruit de leur minutieux travail de reconstitution. Maigre consolation : le site « Playing Duchamp » créé par Kildall, un jeu de simulation en ligne qui permet aux internautes d’effectuer une partie d’échecs imaginaire avec le fantôme du maître, peut rester ouvert.

Dans un long article, The Atlantic raconte l’histoire en détails et en expose les enjeux… car la petite histoire, devenue polémique internationale, soulève un passionnant débat juridique, susceptible de devenir récurrent. Aux États-Unis, le jeu d’échecs de Marcel Duchamp appartient au domaine public alors qu’il est toujours protégé en France, et ce jusqu’en 2039 – soit 70 ans après la mort de l’artiste. Le cas oppose aussi deux conceptions différentes du copyright : tandis que le droit américain prend surtout en compte la rémunération des auteurs, le droit français, lui, veut aussi contrôler la manière dont les oeuvres sont exploitées, et ce que cela implique pour leur image.

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Chess With Mustaches, Kildall & Cera

Finalement, les deux Américains ont décidé de rire de leur mésaventure. Ils ont donc créé un nouveau jeu d’échecs en 3D, Chess With Mustaches. Ce set de six pièces imprimables est une référence à « L.H.O.O.Q », célèbre pastiche de la Joconde imaginé par Marcel Duchamp. Et comme il s’agit d’un détournement et non d’une copie, aucun risque que ce projet-là soit censuré.

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L.H.O.O.Q, Marcel Duchamp, 1919.

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