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Musique
Par Laura Aronica

QUI ES-TU : 6LACK, jeune prodige d’Atlanta

Longtemps, 6lack – Ricardo Valentine à la ville – n’a été qu’un petit rappeur d’Atlanta au destin tout tracé et bien triste, pris entre les griffes d’un label qui ne voulait ni le faire grandir, ni le laisser s’en aller. Jusqu’à ce qu’il s’en libère, une bonne fois pour toutes. Depuis, le rappeur/chanteur a sorti un projet à la résonance mondiale, le bien nommé Free 6lack, collabore avec Jhené Aiko et invite The Weeknd à ses concerts. À l’occasion d’un passage éclair à Paris, il nous en dit un peu plus sur lui.

Clique : Tu as 24 ans, tu as grandi à Atlanta et tu es en train de te faire ta place sur la scène musicale mondiale. Toi, comment te présenterais-tu ?
6lack : Plutôt réservé, décontracté, calme, et malgré cela toujours très expressif et sensible. En gros, bouillonnant, mais de façon dissimulée.

C’est pour ça que tu as un ours tatoué sur la main ?
Oui, je pense que que l’ours représente cette notion de force tranquille. J’aime cette idée de dégager une certaine puissance sans avoir besoin de se montrer au volant d’une voiture de luxe ou des habits de folie. Tout en restant normal, en fait.

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Cet ours, on le retrouve aussi sur la couverture de ton album, Free 6lack. Je sais qu’il s’appelle Bam Bam. Comment l’as-tu rencontré ?
Il était deux jours sur le tournage du clip de « Prblms ». Au début, la communication n’a pas été simple. Lorsqu’on l’introduisait dans une pièce, tout le monde avait le souffle coupé. Lui, il regardait autour de lui, puis secouait la tête et faisait demi-tour. Ca a duré six heures. Le premier jour a été entièrement gâché. Le lendemain, on a changé de lieu et l’ours s’est ouvert à nous. On s’est dit que c’était le moment d’en profiter et on a décidé d’en faire aussi la couverture de l’album.

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La couverture du premier album de 6lack, Free 6lack, sorti le 18 novembre dernier chez LVRN/Interscope Records.

Cet album s’appelle Free 6lack. Ce chiffre 6 a une importance particulière pour toi.
Oui, le quartier où j’ai grandi à Atlanta est surnommé « Zone 6 ». Au-delà, ce chiffre me suit tout le temps. Je suis né en juin, c’est aussi mon chiffre en numérologie. Les gens « 6 » sont toujours en train de vérifier que les autres, autour d’eux, vont bien : ça me correspond. Je pense que j’ai réalisé mon lien avec ce chiffre assez tôt, que je le pressentais, et que ça a juste été confirmé lorsque j’ai vraiment commencé à m’intéresser à tout ça.

J’ai l’impression que tu es très intéressé par la spiritualité. Tu parles souvent de pressentiments, tu es très inspiré par la numérologie… Tu dis aussi avoir ressenti que « Prblms » allait être un succès, en écrivant ce morceau.
Oui ! J’ai senti qu’il allait avoir un chemin différent des autres.


6lack (et Bam Bam) dans le clip de « Prblms ».

D’ailleurs, tu as une histoire hors du commun. À Atlanta, il y a quelques années, tu as été confronté à de gros problèmes avec ton label de l’époque. Tu as même dormi dans la rue. Aujourd’hui, tu es en tournée mondiale. C’est comme ça que tous les médias te présentent : l’ancien sans-abri devenu star. Est-ce que ça te gêne ?
Ça ne me dérange pas plus que ça. C’est vrai que j’ai traversé une tonne de choses et du moment que c’est la vérité, si les gens veulent mettre ça en avant plutôt que ma musique, c’est leur choix. Je m’en fiche.

Qu’est-ce que tu veux faire plus tard, après tout ça ?
Je pense qu’avec Free 6lack je donne au monde un résumé, une synthèse de ce que je suis capable de faire. Par la suite, j’ai envie de rentrer dans les détails et de m’assurer que j’approfondis tout ça. Je ne veux rien faire de fou ou partir dans une direction complètement opposée. J’ai donné aux gens une idée de mon parcours, de ce que j’ai traversé, et maintenant je veux leur en dire plus, mieux leur expliquer qui je suis.

C’est important de rester proche des gens ?
Je ressens une espèce de responsabilité profonde, un devoir de faire les choses comme ça. C’est assez rare qu’on parle au public des choses « normales », des vrais problèmes des relations amoureuses. Quand tu ouvres ces portes, que tu parles de ces choses-là, tu te connectes avec les gens d’une manière différente. Les gens eux-mêmes gravitent autour de toi de manière différente aussi.

Les gens qui m’écoutent n’écoutent pas seulement la musique, ils l’appliquent à leur propre vie. Lorsqu’ils me rencontrent ils savent un peu qui je suis : si tu t’identifies à n’importe lequel de mes morceaux, on se ressemble un peu.

Les problèmes du quotidien t’importent donc beaucoup. La politique aussi du coup ?
Je parlerai toujours de ce qui se passe autour de moi à travers ma musique. Pour l’instant, j’ai choisi de me concentrer sur les histoires d’amour, mais ça ne veut pas dire que je ne vais pas explorer d’autres terrains plus tard. 

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Ton père était musicien. Que faisait-il ?
C’était aussi un rappeur. Et je pense que même s’il était rappeur, la majorité de mes influences musicales viennent plutôt de ma mère. Elle écoutait de la musique lorsqu’elle m’emmenait à l’école, et c’était plutôt du R&B. Ils avaient chacun leur manière d’envisager la musique. Tu les rassembles et ça donne… moi.

Quelles sont ces influences ?
Mon père adorait le freestyle. Comme moi. 

On peut savoir son nom de scène ?
On va attendre que quelqu’un le découvre ! Plus tard dans la vie.

Ok !
Mais tu sais, il rappait vraiment beaucoup et il était là le jour où j’ai enregistré ma première « line » de rap. Je devais avoir trois-quatre ans. Ca donnait : « Quand je serai grand, je veux être quelqu’un ». Je ne sais pas avec quoi je l’ai fait rimer d’ailleurs. (rires)

Alors, tu es quelqu’un maintenant ?
J’aimerais bien le croire, oui ! Je ne savais pas ce que je voulais faire évidemment, à cet âge-là. Mais je savais déja que, quoiqu’il arrive, je voudrais influencer les gens.

6lack et Jhené Aiko, qui ont collaboré sur « First Fuck ».

Tu parles souvent de ton label. En gros, tu as été « emprisonné » par un ancien label pendant cinq longues années et tu t’en es libéré, d’où cette notion de liberté qui revient dans tous tes textes. Mais tu ne racontes jamais vraiment ce processus de libération. Comment as-tu fait ?
Au moment où ça n’allait pas avec mon ancien label, j’ai dû me mettre sous le radar. J’étais vraiment enfermé. Et à ce moment-là, alors que je ne pouvais pas trop me montrer au public, j’ai enregistré, enregistré, et enregistré de nouveaux morceaux. La dernière année, j’ai dû enregistrer 200 nouveaux morceaux. Je ne faisais que ça, du matin au soir, dès mon réveil. Et puis j’ai fini par me trouver un bon avocat qui m’a aidé. Jusqu’à ce que je sois enfin opérationnel, j’avais eu le temps de me constituer un projet solide.

Mais donc un jour tu t’es levé et hop, c’était fini, tu n’avais plus peur de ton label ? Comment as-tu trouvé la force d’aller chez un avocat, de te battre et de te sortir de cette situation ?
J’étais plus jeune, et je n’étais pas au courant de tout ce que j’avais comme ressources pour me sortir de là. Je voulais me sortir de là, mais je ne faisais rien pour. Un jour, j’ai décidé d’agir et j’ai pris rendez-vous chez cet avocat. Il m’a pris en main. J’ai appris comment me sortir de là, et aujourd’hui je me sens paré à tout problème de ce type.

Comment tu te sens ?
Sans contraintes. Du coup j’aime l’idée de vivre au jour le jour. J’ai l’impression qu’il faut que je sois en pilote automatique et que je vive à fond, sans trop me poser de questions. Et puis je me pose de temps en temps quand même.

Tu as le temps pour ça ?
Pas trop. Ça arrive rarement mais dès que j’ai une minute, je mets tout en perspective. Ça m’arrive quand je rentre chez moi, à Atlanta.

Tu as dit qu’Atlanta était le centre du monde. Moi je dis – je plaisante – que Paris est le centre du monde !
Eh bien je pense que tout le monde devrait penser ça de l’endroit d’où il vient ! Mais en ce qui concerne la musique, Atlanta a été au cœur de nombreuses choses récemment. Tu peux entendre partout des mélodies et des instrus directement inspirées de ses sonorités.

Le clip « Prototype » d’Outkast (2003), duo pionnier du rayonnement mondial d’Atlanta. Pour plus d’interviews d’artistes de cette ville, rendez-vous (entre autres) sur Clique x Future, Clique x Young Thug ou sur notre Qui es-tu : Abra?

C’est une influence générale, parce qu’Atlanta a tellement de sons différents, d’expressions musicales diverses… Que ce soit en Hip-hop ou en R&B. Disons que c’est compliqué de contourner son influence aujourd’hui.

Qu’est-ce qui t’inspire le plus à Atlanta ?
C’est un peu bizarre, mais je pense que ce qui m’inspire c’est la quantité de musique qui sort d’Atlanta. C’est parti d’Outkast, nous avons eu la snap music, puis T.I., Ludacris, puis Future, et entre-temps tellement de choses… Il y a tellement tellement de choses, et tout est tellement différent !

Admettons que tu fasses partie de Clique et que tu nous proposes quelqu’un à interviewer. Qui choisirais-tu ?
C’est facile : Marian Mereba, c’est une chanteuse folk. C’est aussi l’une de mes personnes préférées. Elle a fait les chœurs de « Learn Ya » sur mon projet. Ce serait mon article !

Marian Mereba, « Go To London » (2013)

Qu’est-ce que je trouve comme musique si je fouille dans ton téléphone ?
Beaucoup de Sade et… beaucoup de moi.


Sade, « No ordinary Love » 1992)

Tu écoutes ta propre musique ?
Oui. Je dois être sûr de l’aimer ! Je peux aimer un de mes morceaux une semaine, et le détester la suivante. Je dois être sûr d’être sur le bon chemin, et de ne pas me lasser de mes propres morceaux.

Tu aimes toujours tes premiers titres?
Pas tellement. Très peu d’entre eux ont passé le test du temps. Mais tant mieux, ça veut dire que je grandis.

Photo à la une : Laura Aronica (Clique)

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