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Clique x Ernest Pignon-Ernest – Part. 1 : Résister

Mouloud Achour s’est entretenu avec l’artiste plasticien Ernest Pignon-Ernest. Pour Clique, il se livre sur un combat de toute une vie qu'il résume en un mot : résistance.

Ernest Pignon-Ernest est l’un des initiateurs de l’art urbain en France. En 1966, sa carrière démarre avec la création d’images éphémères exposées sur les murs des grandes villes. Après une longue carrière, il fait polémique le 27 janvier 2016. Lors d’une vente aux enchères au profit de Reporters Sans Frontière, 36 couvertures de Libération sont « revisitées » par des artistes. L’ambassade d’Israël interdit alors la vente de la version d’Ernest Pignon-Ernest.

« J’ai choisi la une de 2004 pour la mort d’Arafat, et sur ce fauteuil vide, j’ai fait un croquis de Marouane Barghouti. » Il se souvient être l’auteur du premier portrait de Mandela. À l’époque on lui avait dit qu’il faisait « l’apologie d’un terroriste. Maintenant Mandela est sanctifié, mais en 1984 ce n’était pas le cas. »

Selon Ernest Pignon-Ernest, les deux hommes sont tout à fait comparables. Pour étayer son propos l’artiste revient sur l’histoire moins connu du leader sud-africain.

« Nelson Mandela a un moment été le chef de la lutte armée de l’ANC. Un moment il a fallu qu’il passe à la lutte »

Il continue ensuite en proposant des idées pour un futur processus de paix israélo-palestinien. Selon lui, Barghouti est le meilleur interlocuteur en vue d’un avenir pacifique. Il a « appris l’hébreu en prison. Il reconnaît les frontières de d’Israël. Il n’est en aucun cas un représentant du Hamas. Ce refus de le prendre en compte témoigne du refus au fond de vouloir avancer vers la paix » ajoute-t-il.

L’artiste se désolidarise d’avance de toute récupération possible par une certaine « fachosphère ». Il s’écarte de toute proposition de pétition ou manifestation, pour « ne pas mélanger (son) nom à celui de certaines personnes pas claires dans le message qu’elles véhiculent ».

Selon l’artiste, il est important en ce moment de faire référence à la « résistance ».

Pour lui, « les gens qui votent pour le Front National, votent pour les héritiers de la collaboration ». Le fruit de notre protection sociale, de notre système de santé et de notre éducation sont hérités du Conseil National de la Résistance. »

« En votant Front National, les ouvriers qui ne s’informent pas et ne lisent pas les journaux, crachent sur leurs parents. Il trahissent l’héritage de leurs parents. »

Si Ernest Pignon-Ernest critique le gouvernement, il a cependant répondu à l’appel de François Hollande, qui l’invitait à investir la façade du Panthéon. C’est « son admiration pour Geneviève de Gaulle et Germaine Tillion » qui l’a poussé à accepter. Il a connu ces deux femmes, et a voulu  « les rendre présentes et non pas les représenter ». Pour lui, la façon de les dessiner comptait énormément.

C’est ainsi que la conversation se tourne vers le dessin. Il était très proche et admiratif de Cabu et Wolinski. Naturellement, Charlie Hebdo vient dans cette échange. Mouloud lui demande si depuis les derniers événements il lit toujours le journal.

« Je lis régulièrement Charlie Hebdo » confie-t-il.

Il se remémore certains des souvenirs qu’il a pu partager avec son ami défunt, Cabu. Ce dernier voulait apprendre à Ernest Pignon-Ernest à dessiner comme lui. Pour l’encourager il disait à son ami artiste plasticien « qui peut le plus peut le moins ».

Ce petit aparté permet à Ernest Pignon-Ernest de se rappeler la joie de vivre de son ami. Même quand il se savait menacé, Cabu en riait, confie l’artiste.

Tout a basculé le 7 janvier 2015 et plus récemment, le 13 novembre 2015 au Bataclan et sur les terrasses parisiennes. Il se livre à Mouloud à ce sujet en essayant de trouver les mots.

« J’ai eu du mal à y croire. Pour les dessinateurs ou pour l’épicerie casher, on peut se dire que ce sont des gens stupides mais qu’ils avaient un objectif – ou du moins quelque chose en tête. Alors que le Bataclan et les terrasses de café, ça me laisse sans voix… Ça m’a complètement bouleversé. »

On lui avait d’ailleurs demandé de réagir à ce propos, mais il refuse.

« Ça me semble indécent, ajoute-t-il. »

Le terme « résister » est l’un des mots qui décrit au mieux cette entretien comme le souligne Mouloud. Mais comment résister à cette nouvelle menace ?

« Il faut résister à ce qu’on nous suggère : une guerre civile. Que ça se retourne contre le musulmans de France. À Mouloud d’ajouter que ceci est le projet politique de Daesh. Désormais la résistance, c’est de savoir éviter ça »

Pour conclure, il partage avec Mouloud la fin d’un poème que son ami André Velter lui a récemment envoyé :  « mécréants de tous les pays unissez-vous ».

Malgré son athéisme profond, Ernest respecte les religions. Il dit de la religion     « que c’est un mythe pour apaiser les relations dans les sociétés et faire face à la peur de la mort »

Après avoir discuté des sujets marquant de notre société, Mouloud Achour se concentre sur des projets plus précis du gouvernement.

La proposition de déchéance de nationalité, selon ce petit-fils d’immigré italien, « n’est ni plus ni moins que de la démagogie accentuée par un manque de rigueur et de tenue des valeurs, une proposition du Front national ». L’artiste comprend la réaction de Christiane Taubira lorsqu’elle a quitté le gouvernement.

Selon lui la France, la République et ses valeurs sont « liberté, égalité, fraternité auxquelles il faudrait ajouter hospitalité et laïcité ». Il ajoute que « la classe politique actuelle est dénuée de curiosité intellectuelle et de sens de l’Histoire ».

À la suite de cette échange, l’artiste rappelle qu’il n’est en aucun cas un politique mais un « simple » peintre autodidacte. Les deux intervenants s’entendent d’ailleurs sur cette dernière qualité.

Article initialement publié le 21 juin 2016

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