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Société

On est allé à un match de catch littéraire

Paris, 14 juillet 2015, 21h30.

C’est la fête, vive la nation ! Vive le bleu, le blanc, le rouge ! Le bleu de l’encre, le blanc des larmes, le rouge du sang.

Il y a 17 ans et 2 jours, à quelques km d’ici, chacun d’entre nous devenait champion du monde de foot. Il y a plus longtemps, encore plus près, la Bastille fut prise. Ce soir, rue de Reuilly dans le 12ème, c’est un autre championnat, un autre combat qui va être mené, une autre lutte. Pas une lutte libre, mais presque une lutte livre.

En 2002, au Pérou, naissait, dans l’esprit du journaliste et auteur Christopher Vásquez, la Lucha Libro.

Son envie : organiser un concours d’écriture qui permettrait à de jeunes écrivains d’être vus, lus et édités.

8 ans plus tard, le temps d’organiser tout ça et d’acheter des tas de masques de catch mexicain (Lucha Libre), la première rencontre a lieu à Lima et remporte un énorme succès. Aujourd’hui encore, dans des bars pop de la capitale péruvienne, textes et cerveza coulent à flots.
La traduction VF non littérale de la Lucha Libro est le Catch Littéraire.

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Cette performance d’impro masquée a débarqué en France il y a quelques années, se produisant régulièrement dans des bars pop de la capitale, l’Ogresse en tête.
Les soirs de matchs, ce sont des troupes de supporters, de curieux et de piliers de contes qui se réunissent dans la cave aménagée. La bière est hyper locale, le public est hyper chaud, à 50 dans une cave, tu m’étonnes.

À l’origine et à l’organisation, on trouve une bande de copains des mots, de copains des bois, de copains tout court. Ensemble, ils proposent diverses animations ludiques et littéraires, comme le Blind-Text > n’importe qui a 1 minute pour lire un extrait de n’importe quel texte ; le public doit alors trouver la nature ou le titre du texte, sa provenance ou son auteur. Ensemble, ils orchestrent une fois par mois des ateliers jeux d’écriture bon enfant et efficaces. Ensemble, ils éditent un fanzine texte-image, Cactus Calamité, au gré de leurs rencontres, voyages et autres expériences. Ensemble, ils catchent, arbitrent, et jugent littérairement. Ensemble, ils forment l’EISPI, l’École Internationale Supérieure de Poésie Intercontemporaine !

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La nuit ne va pas tarder à tomber sur la cour de la Caserne de Reuilly. Un premier match, et le noir fera bientôt ressortir les écrans d’ordis vidéo-projetés sur le mur du bâtiment. La Gare XP, association d’artistes et de techniciens du spectacle, accueille ce soir, mardi 14 juillet 2015, cocorico, en ce lieu feu Manufacture Royale des Glaces et Tribunal aux armées de Paris, la dernière rencontre de Catch Littéraire de la saison.

In the Stone, d’Earth Wind & Fire, débarque dans les enceintes, le micro de l’arbitre est allumé, le chronomètre pend à son cou, le public est assis, ça sent les grillades, l’air est doux et il fait encore jour. Gong !

Déroulement d’un match de catch littéraire.

Sur scène, face public, 2 catcheurs masqués et costumés sont attablés.
Sur chacune des tables : un ordinateur sur lequel est ouvert un fichier texte vierge.
Les fichiers texte sont vidéo-projetés sur un écran dos aux catcheurs, face public.

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Un arbitre aux cheveux gominés et à la verve acérée se charge de l’introduction et de la présentation des concurrents. Chronomètre dans une main et bâton de gong dans l’autre, il est également chargé de lancer les débuts et fins de manches.

Le match commence par 1 minute d’écriture libre. Chaque catcheur amorce alors un texte, thème et style de son choix.
À la fin de cette première manche, une contrainte est tirée au sort par le public.

Les contraintes sont nombreuses et touchent autant au fond qu’à la forme du texte. Exemples : la contrainte « Et avec ceci ? » > le texte est un dialogue avec la boulangère. La contrainte « Minitel rose » > le texte doit être érotique. La contrainte « Be Kind Rewind » > le texte doit être le récit inversé de la manche précédente. La contrainte « Obscure clarté » > le texte doit comporter au moins 3 oxymores. Etc.

UmbertoKO

Pendant la seconde manche qui dure 3 minutes, les catcheurs doivent continuer leur texte en y intégrant la contrainte.
Idem pour la troisième manche, ainsi que pour la quatrième et dernière manche.

Chaque catcheur est doté d’un super pouvoir qu’il peut déclencher à tout moment en criant « Chiasme ! » ou « Zeugme ! ». Ce super pouvoir est une contrainte infligée à son adversaire en plus de la contrainte tirée au sort.

{Les supers pouvoirs, au même titre que les costumes / attitudes / musiques d’entrée sur scène…, sont des attributs propres à chaque catcheur. Leurs looks, gimmicks, styles d’écriture et attributs font de chacun d’entre eux/elles des personnages bien à part, que le public a envie de supporter, huer ou épouser. C’est un peu comme les Spice Girls : y’en a qui kiffent Scary et qui ont du mal avec Baby, et y’en a qui sont in love de Ginger et puis c’est tout.}

Au « gong ! » final, après 10 minutes d’écriture, les catcheurs se lèvent, vont s’asseoir à la table de leur Némésis d’un soir, et lisent leur texte au micro.
Chaque texte lu, c’est l’heure des votes à mains levées.

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Une soirée Catch Littéraire comporte 3 matchs : 2 demi-finales et 1 finale. Les gagnant(e)s des demi-finales s’affrontent en finale. Le winner de la night repart avec la gloire et la ceinture officielle de la non-officielle FFCL, Fédération Française de Catch Littéraire.

Pour épauler l’arbitre, un juge de ligne et un technicien opèrent dans l’ombre, toujours prêts à dégainer définitions de figures de style et petite musique stressante.

Gong ! C’est parti. Seg Wick et Mother Faulkner font chauffer leurs claviers. Sur l’écran sur le mur, les lettres se transforment très vite en mots, qui eux-mêmes se transforment en phrases. Les textes se jouxtent, la joute est textuelle. On passe de l’un à l’autre, poésie contemporaine VS. récit d’aventure. Les textes se mêlent l’un à l’autre et aux rires et remarques du public. Et aux odeurs de grillades. Ping-pong et fautes de frappe, ça rebondit et ça tape, sur les laptops les doigts s’excitent. L’heure est à la tension et à la deuxième pinte, il fait nuit maintenant, bientôt la lecture va exposer l’art, bientôt l’artifice va exploser.

Le délire, la ferveur et le bouche-à-oreille séduisent de plus en plus. Aujourd’hui, les catcheurs littéraires sont plus de 15. Parmi eux, foule de jeux de mots : Mohammed Alu, Umberto KO, Mike Tisane, La Princesse de Crève, Nihilitzsche, Sandy Georges, Mad Marx, Marguerite Tarace, Gustave Flowdbière, Guillaume Appalénaire, Isidore Ducatch, j’en passe et des meilleurs.
Le choix d’un blaze original est la première étape à franchir pour les wannabe catcheurs. La deuxième : envoyer un mail à contact@eispi.fr et attendre une date.

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Ça y est, game off, ce soir encore, ça a boxé avec les mots. Le grand vainqueur n’est pas Ärsenik Lupin mais Mother Faulkner, qui a battu Calamity Kane en finale. Pipe au bec et ceinture de champion à bouts de bras, il part en coulisses, finie la mascarade ! Dehors, on range les chaises et débranche le vidéoproj. Dedans, le concert de Schlaasss va commencer. Dans un couloir, on croise Virginie Despentes. Et même si elle est certainement là pour bouger la tête sur de l’electro-punk, ça fait vachement plaisir littérairement parlant !

Bonus vidéo :

Le Catch Littéraire sera de retour à Paris en Septembre, dates et infos sur la page Facebook de l’EISPI.

par Charlotte DEMONQUE.

 

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