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Société
Par Fanny Marlier

Saint-Denis : le calvaire des familles délogées par l’assaut

Après l’assaut du 18 novembre à Saint-Denis, 71 personnes dont 26 enfants délogés, dorment toujours dans un gymnase, alors que le bras de fer entre la mairie et la préfecture est engagé. Leur volonté : obtenir une promesse de relogement et être officiellement reconnues comme victimes du terrorisme.

Des piles de vêtements sont jonchées sur le sol. Des lits de camps verts kaki sont alignés contre les murs. Dans un coin à gauche de l’entrée, quelques duvets sont roulés en boule, tandis que sur les cages de gardien de but, des serviettes de bain, suspendues, sèchent. Au milieu du grand terrain de basket, un tapis de gymnastique a été disposé avec des jouets d’enfants. Assis autour d’une petite table, trois hommes discutent, l’air désabusé.

Ce mercredi 25 novembre, le gymnase Maurice-Baquet de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) abrite une scène de lendemain de catastrophe. Sauf que la situation dure depuis sept jours, et que les habitants de la rue de la République de Saint-Denis se disent tous « fatigués ».

Avant l’assaut, Sabine* habitait un deux-pièces, au deuxième étage du bâtiment C du 48 rue de la République, avec son fils de deux ans et sa mère. Juste en-dessous du squat où habitaient les terroristes présumés. Dans le cadre de l’enquête sur les attentats du 13 novembre, le Raid avait donné l’assaut dans cet appartement, le 18 novembre. Échanges de tirs et explosions ont retentit pendant plusieurs heures.

Cela fait une semaine qu’elle attend une promesse de relogement. « On nous a proposé d’aller dans des hôtels ou des foyers, mais je n’ai pas accepté. On veut juste rentrer chez nous », déplore cette jeune mère de famille à la voix enrouée par le froid. Comme elle, la presque totalité des occupants évacués a refusé la solution transitoire proposée par la préfecture : nuits d’hôtels pour les célibataires, centres d’hébergement d’urgence pour les familles, et promesse de relogement.

Depuis le lendemain de l’évacuation, la ville et la préfecture se renvoient la balle. Considérant que l’assaut était une décision de l’Etat dans le cadre d’une opération de défense nationale, la municipalité réclame que les 71 personnes soient entièrement prises en charge par l’Etat. « Il ne faut pas oublier qu’elles sont aussi des victimes du terrorisme », rappelle Stéphane Peu, adjoint au maire chargé de l’urbanisme. Depuis une semaine, il se rend tous les jours au gymnase Maurice-Baquet. Seulement voilà, la préfecture ne semble pas cet avis, rappelant qu’à la suite de catastrophe, « l’hébergement relève de la compétence communale ».

Après plusieurs réunions d’urgence, mardi 24 novembre, aucune solution pérenne ne semblait avoir été trouvée. Chacune des parties restent campées sur leurs positions. Et le ras-le-bol général ne désemplit pas. Les habitants de la rue de la République ont tous peur d’être oubliés un fois qu’elles auront évacué le gymnase.

« Cela va faire près de 15 ans que j’habite cet immeuble. En 2008, il y a eu un incendie, on a été logés pendant trois jours dans un hôtel, et ensuite on nous a renvoyés dans nos appartements sinistrés. C’est pour ça qu’on a refusé cette fois. On a peur d’être oubliés, on veut des promesses concrètes », raconte Pricilla, cette jeune maman de deux petites filles, les yeux cernés par la fatigue et emmitouflé dans sa doudoune.

C’est finalement le lendemain, mercredi 25 novembre, que la situation s’est enfin décantée. L’experte mandatée par le tribunal administratif de Montreuil pour expertiser l’immeuble du 8 rue Corbillon (l’immeuble en question est à cheval entre la rue de la République et la rue Corbillon), a rendu ses conclusions. Le constat est sans appel, puisqu’elle a reconnu :

« la présence d’un péril imminent sur la totalité du bâtiment et à l’impossibilité de réintégrer l’ensemble des logements et des commerces de l’immeuble, quels que soient la cage d’escalier ou le bâtiment ».

Au même moment, le député de Seine-Saint-Denis François Asensi (Front de Gauche) a posé à Sylvia Pinel, ministre du logement, la question suivante :

« Suite à l’intervention salutaire des forces de l’ordre à Saint-Denis, 29 familles sont à la rue. (…) La République a l’obligation d’assistance et de relogement. Un devoir d’humanité qui se fait attendre. (…) L’État doit prendre ses responsabilités, et assurer leur relogement. Que compte faire pour cela le gouvernement ? ».

La ministre s’est alors engagée à assurer le relogement « pérenne des habitants de l’immeuble de la rue du Corbillon à Saint-Denis ». Rassurés, Pricilla, Sabine et les autres ont accepté de partir en résidences hôtelières. « Ce que voulaient les gens, on ne l’obtenait pas de la préfecture, donc on l’a finalement eu grâce à cette question posée au gouvernement », conclut Stéphane Peu.

Joint par téléphone, Didier Leschi, le préfet délégué pour l’égalité des chances, a lui assuré que la réponse la ministre du logement, n’était rien d’autre que celle que la préfecture donnait jusque là . « L’État ne s’est pas plus engagé que je ne l’ai été depuis le début », a-t-il déclaré. M. Leschi s’est aussi rendu sur place à plusieurs reprises afin de trouver une solution avec les habitants.

Pour autant, l’avenir des habitants de la rue de la République est encore incertain. « Nous n’avons toujours pas été reconnues en tant que victimes du terrorisme », rappelle Pricilla. Bien qu’ils aient pu se rendre dans leurs logements ce jeudi 26 novembre afin de récupérer quelques affaires, ils ne savent pas encore quand est-ce qu’ils pourront réintégrer leur appartement.

*Son prénom a été modifié

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