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Société
Par Laura Aronica

« Monsieur Manatane », immortels carnets

Diffusés sur Canal + entre 1997 et 1998, ces sketchs de trois minutes sont le reflet de leur auteur : délirants et irrévérencieux. Ils sont aussi devenus, dès leur première saison, l’un des symboles de l’esprit de la chaîne.

Créé et incarné par Benoît Poelvoorde, testé dans la série « Jamais au grand jamais » de Canal + en 1996, Monsieur Manatane a eu autant de vies que la série compte d’épisodes – 48. Il a été cycliste, admirateur n°1 de Willy Heudin (« noble Viking » qui, « à ce titre », s’abreuve de plomb en fusion, « viole, pille, écartèle les prêtres et tabasse des boucs avec une batte ») et a poussé la chansonnette en « très vieil albanais » avec Slobodan, son « gamin » de 25 ans adopté quelques mois plus tôt.


Maître de l’humour noir, Monsieur Manatane s’est fait aussi bien exorciste de garde, sauveteur de « vedettes possédées par le démon », que perturbateur d’enterrements qui impose à la fouille endeuillée l’histoire drôle du « curé qui puait de la bite » (« Il faut se mettre à la place du membre… car il faut savoir qu’à l’époque les soutanes étaient excessivement chaudes. N’est-ce pas Monsieur l’Abbé ? »).

Il a même incarné la Mort elle-même. Faucille et combinaison lycra, elle enfourche sa mobylette pour se rendre au travail – « Oulah, je suis un peu retard moi ». À son arrivée à l’hôpital, elle ne manque pas de saluer les futurs défunts : « Salut René, on se voit tout à l’heure ? ».

Il est allé partout. Au festival de Cannes, au Japon, en Afrique et même dans le futur. Du problème de digestion à la grève de la faim, il a affronté petits et grands drames – et a engendré, en passant, un enfant né « avec une tête de godasse » :

L’aura du personnage ne faiblit pas avec le nombre des années. Comme celui de Pierre Desproges, Monsieur Cyclopède, le « Monsieur » de Benoît Poelvoorde reste même plutôt actuel. Le sketch sur la fin du monde en est peut-être le meilleur exemple : il le propulse à notre époque, en 2017. Sa femme et lui, seuls rescapé d’un désastre qui vient de décimer l’humanité entière, survivent avec des moyens de fortune.

Sans ciller – ça le fait même sourire – Monsieur Manatane raconte, face caméra, que sa famille a fondu… Mais il manque de défaillir et ses yeux roulent lorsqu’ils rencontrent un panneau abandonné, porteur d’une terrible « faute » : « Ils ont osé ! (…) fulmine-t-il. Il faut deux L à Zola ! ». Imaginez son effroi, aujourd’hui, s’il venait à apprendre les malheurs de l’accent circonflexe, menacé par la « réforme » dédiée à la simplification de l’orthographe.


D’ailleurs, 20 ans plus tard, qu’est-il devenu ? Aux dernières nouvelles et selon une source au moins aussi sérieuse que lui (Le Gorafi), Monsieur Manatane aurait été élu à l’Académie Française, consécration d’une longue et belle carrière d’écrivain.

Joli revirement : nous en étions restés aux conclusions du 29ème épisode. Au terme du sketch, enfoncé comme d’habitude dans son fauteuil tournant, Jean-François Manatane annonçait sa démission et une reconversion dans un tout autre domaine : « J’ai cru comprendre que tout le monde ne partageait pas vraiment mon humour fascinant. J’ai donc décidé d’arrêter, et de me consacrer au ski nautique ».

– Rendez-vous jeudi 25 février à 18h, sur Clique.tv, pour l’interview de Benoît Poelvoorde  – 

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