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Julian Starke, réalisateurArts

QUI ES-TU : Julian Starke, pilote du projet « French Waves » sur l’électro à la française

Julian Starke est un jeune réalisateur français féru de musique électronique. Une passion qu’il partage dans « French Waves », fusion entre un film documentaire, une web-série, une tournée, un site-web interactif et des masterclasses. La première projection du film - suivie d'une soirée - est prévue ce soir au Grand Rex à Paris, avant sa diffusion sur la chaîne CStar. Rencontre.

Qui es-tu ?
Je suis Julian Starke, j’ai 25 ans. J’ai grandi à Strasbourg et je suis le réalisateur de French Waves.

Peux-tu me raconter ton parcours ?
Il y a six ans, j’ai monté le collectif Pain Surprises avec des amis de Strasbourg. On est arrivé à Paris la même année et on venait tous de domaines différents. Moi j’étais à l’ESEC en école de cinéma, d’autres venaient d’écoles de mode, de design, de journalisme… Le premier projet qui nous a rassemblé était une soirée un peu bizarre où on faisait des défilés de mode, on tournait des teasers à l’avance pour annoncer la soirée, on faisait une mise en scène en vidéo. Puis petit à petit, j’ai commencé à réaliser des clips pour des artistes qui venaient à nos soirées, un court-métrage, des pubs etc. Et il y a trois ans, Félix de Givry, un ami du collectif, a été choisi pour jouer dans Eden (de Mia Hansen-Løve, NDLR). Quand j’ai lu le scénario, j’ai vu des liens entre l’énergie collective qu’il y avait dans la French Touch à la fin des années 90 et mon collectif. C’est de là que l’idée de French Waves a démarré.

Comment « French Waves » a pris forme?
Au départ je voulais faire un documentaire de 15 minutes. Je ne savais pas quelle forme ça allait prendre. Puis petit à petit, je me suis rendu compte qu’il ne fallait pas faire qu’un film documentaire pour le cinéma ou la télé, mais qu’il fallait aussi des éléments sur Internet. J’ai donc pensé à la web-série.

Peux-tu nous expliquer le concept ? « French Waves », c’est à la fois un film documentaire, une web-série, des masterclasses et une tournée.
Le film, c’est l’histoire de la transmission entre différentes générations d’artistes. La web-série, c’est l’histoire d’un morceau par épisode, racontée par l’artiste en question. Et je voulais aussi raconter cette histoire de transmission à travers une tournée et des fêtes. On a donc organisé des soirées où on fait un plateau avec des artistes qui représentent leur génération.

Ce concept est plutôt novateur.
Oui, mais je pense que c’est un peu l’air du temps, c’est ce qu’on appelle le transmedia. Je n’aime pas trop ce terme mais il y a pas mal de projets du genre qui commencent à exister.

Moi j’écoute de la musique sur Internet, je regarde des clips sur Internet. Même avec Netflix, on mate des films et des séries grâce à Internet. Du coup, il me semblait logique et évident de réaliser un format court qui corresponde à ce qu’on a envie de regarder.

Dans la web-série, tu peux cibler un point ou un titre qui t’intéresse. J’aime l’idée d’explorer de nouvelles formes de narration. Et on a aussi un site internet interactif.

Qu’est-ce qu’il a de particulier, ce site ?
Dans la web-série et dans le film, il y a un point de vue un peu subjectif, qui est ma vision de la musique électronique…J’ai choisi la musique et les artistes qui me plaisent et j’ai raconté mon histoire avec eux, à travers eux et grâce à eux. Mais, il me semblait un peu étrange d’avoir un projet sur la musique électronique sans avoir une vision un peu globale et historique du passé et du présent, et une ouverture vers le futur. Du coup, on a créé ce site, en partenariat avec l’équipe de Tsugi, un magazine spécialisé en musique électronique. Des journalistes de Tsugi ont écrit les 200 évènements les plus marquants de la musique électronique. Il y a une frise chronologique dans le site, qui va de 1989 à 2017. J’espère qu’elle continuera à être alimentée.

Ceux que tu as interrogés pour la web-série sont-ils également présents dans le film documentaire ?
Pas tous. Rone, Jacques, Bob Sinclar, Philippe Zdar de Cassius et Fakear oui. Mais ceux ils ne racontent pas du tout la même chose. Dans la web-série, ils racontent vraiment un titre et dans le film, ils racontent la grande histoire.

Episode 1 : Rone, Bora Vocal ft Alain Damasio. Les épisodes de la web-série sont diffusés une fois par semaine sur Dailymotion.

Quelle est la grande histoire ?
Il y a deux parties dans le film. J’ai mis un point de départ à mon histoire à Détroit et Chicago, aux États-Unis, à la fin des années 1980, où sont nées la techno et la house. Ensuite, on arrive en France, avec les jeunes mecs de la French Touch au début des années 1990 qui reçoivent ces disques des États-Unis, et qui organisent les premières raves party. Ça devient ensuite un truc de niche et la police commence à s’en mêler et à interdire les fêtes.

Ça bouge dans les clubs, des disques deviennent un peu mainstream, des gens sortent du lot comme Daft Punk avec leur premier album, Homework. On a la bascule avec Laurent Garnier qui jalonne tout le film, et là on entre avec Rone sa tournée aux États-Unis, puis Superpoze, Fakear, Jacques.

Et sur cette deuxième partie sur les jeunes, on est plus dans leur présent, avec eux dans leur studio, en concert, en tournée. J’avais vraiment envie de filmer un moment dans leur vie d’artiste et de cristalliser en images. C’était pour moi une manière de raconter l’histoire qui est en train de se fabriquer, alors que sur la première partie, ce sont plutôt des images d’archives, des interviews ou des plans d’illustration. On dit souvent que le cordon ombilical de la French Touch a été coupé, parce que c’est un peu un poids pour les jeunes artistes. Ils se disent : « Il y a eu les Air, les Cassius, les Daft Punk, et nous aujourd’hui, on veut faire un truc aussi fat ».

Comme tu le soulignes, deux générations se rencontrent dans « French Waves ». C’était important pour toi ?
Oui. Réunir différentes générations était un peu l’idée de départ. Puis petit à petit, je me suis rendu compte que j’ai des goûts musicaux assez larges et ça a été assez compliqué parce qu’il y a plein de niches dans la musique électronique, et toutes ces différentes niches ne s’entendent pas forcément.

À quoi penses-tu quand tu dis : « Ces différentes niches ne s’entendent pas forcément » ?
Je vois par exemple des commentaires sur Internet par rapport au fait que j’ai choisi de faire un épisode sur Bob Sinclar, qui est un artiste un peu plus commercial que d’autres. Il y a donc des petites guéguerres de niches mais moi je m’en fous totalement. J’ai vraiment voulu explorer et ramener les artistes qui me plaisent, peu importe leur univers musical. C’est aussi pour ça qu’il n’y a pas de cohérence musicale ou de filiation directe. C’est vraiment un ressenti personnel.

 

Episode 2 : Bob Sinclar, Love Generation.

Le choix des artistes est donc complètement personnel ?
Oui, ce sont des musiques qui m’ont fait vibrer à un moment, ou que je trouvais narrativement intéressantes. Il y a par exemple un épisode de la web-série sur Valentin Stip qui a une démarche artistique hyper intéressante. On est allé dans la forêt, il a enregistré des bruits de branches cassées avec son téléphone et a fabriqué un son avec.

Avais-tu des critères dans le choix des artistes ?
Non, j’ai vraiment essayé d’explorer les différentes niches qui m’intéressaient. Et après, ça s’est fait un peu avec le hasard. Jacques par exemple, c’est un pote du collectif Pain Surprises que je connais depuis Strasbourg. Au début, comme c’était un ami, je ne voulais pas le mettre dans le projet. Entre temps, il avait sorti son disque, son projet de musique commençait à bien marcher donc au bout d’un moment, c’était évident qu’il ait sa place dans le projet.

Episode 3 : Jacques, Phonochose

Dans « French Waves », un esprit d’équipe, de potes, se ressent fortement.
Avec Jacques, on est amis depuis longtemps. Superpoze également. J’ai réalisé un clip sur son précédent album. Avec Erwan (Rone, NDLR), on est devenus amis pendant le tournage. On a fait une tournée ensemble aux États-Unis. Ça nous a vachement rapproché parce qu’on a passé deux semaines à faire des concerts, à tourner, à travailler très tard la nuit avec du son très fort, à faire les cons. J’ai lié pas mal d’amitiés pendant le tournage. Je pense que c’est important.

Les épisodes de la web-série ne sont pas diffusés chronologiquement. Pourquoi ?
Je me suis dit que si je les sortais chronologiquement, les gens pourraient croire qu’il y a une visée historique, pédagogique ou exhaustive alors que ce n’est pas le cas. Donc j’ai essayé de faire un parallèle avec un jeune puis un vieux. Rone-Bob Sinclar. Jacques-Motorbass. Ce sont des allers-retours temporels. Je fais tout dans ce sens là.

Certains évoquent une « génération 3.0 » des artistes de musique électronique. Qu’en penses-tu ?
Je ne suis pas fan de ce terme. Je t’avoue que je ne le comprends pas. Je ne sais pas si c’est 3.0 parce qu’il y a eu la French Touch 1, la French Touch 2.0… Si c’est dans ce sens-là, je trouve ça un peu réducteur, parce que le cordon ombilical est coupé et la French Touch peut être un poids pour certains artistes. C’est à la fois un héritage culturel hyper intéressant, foisonnant et enrichissant…Mais en même temps, comme historiquement c’est la première fois que la musique française fait un gros truc à l’étranger, c’est aussi un poids.

Mais peut-on dire qu’une nouvelle génération d’artistes de musique électronique est en train d’émerger ?
De ouf, de ouf ! J’en suis convaincu. Je sens qu’il y a des jeunes qui font une musique un peu différente, partout dans le monde. Notamment parce qu’on n’est moins dans l’urgence de créer quelque chose de nouveau. Peut-être qu’on prend plus le temps de regarder tout ce qui s’est fait avant, ce qui permet d’avoir une culture hyper pointue sur des microphénomènes musicaux et sociétaux de différentes époques, dans le monde. Chose qui était complètement impossible à l’époque parce qu’il n’y avait que des magazines et des magasins de disques. Du coup, ça donne quelque chose de nouveau.

En quoi cette nouvelle génération diffère de l’ancienne ?
Aujourd’hui, les contraintes sont différentes. Par exemple, un artiste qui accepte de jouer le jeu d’Internet et des réseaux sociaux, va se dire : « Ben tiens, il faut peut-être que je fasse de la vidéo, que je fasse un clip avec une petite GoPro ou mon téléphone ». Tous les outils sont différents mais la démarche reste la même. C’est aussi ce que j’ai voulu mettre en avant dans le film et la web-série. Les méthodes ont changé, les sons aussi. Après je pense qu’aujourd’hui, on a une musique un peu plus introspective, plus solitaire et un peu moins dansante et festive, comme dans les années French Touch où il y avait de la house et de la techno très joyeuse. C’est aussi lié à l’époque. On a plus envie d’un repli sur soi. Mais je pense que c’est une histoire de cycle et qu’on va repartir dans un truc plus joyeux.

Penses-tu qu’à l’avenir, on reviendra à des sons plus festifs ?
Oui, je pense. Ou bien un gros bordel qui va tout chambouler dans le monde. On va aussi arriver à des projets plus horizontaux, comme ceux de Jacques. Quand tu vas le voir en concert, c’est hyper visuel, tu comprends sa démarche. Et en même temps, avec sa coupe de cheveux, il a un peu créé un personnage donc quand tu le vois dans un clip, ça te fait marrer. Je pense donc qu’on va de plus en plus assister à des projets globaux, un peu comme j’ai essayé de faire avec French Waves avec différents supports et différents moyens.


Jacques, « Dans la radio »

Et d’où vient cet amour de la musique électronique ?
Ça vient de Justice que j’écoutais quand j’étais ado, au lycée. J’ai trop kiffé. Ça m’a mis une énorme claque. J’écoutais pas mal de rock et puis tout d’un coup il y a eu un truc d’un peu plus énervé, d’un peu plus violent avec une énergie qui correspondait bien à l’énergie que j’avais adolescent. Après Justice, je me suis intéressé aux Daft Punk. Puis quand on a commencé à booker des artistes avec le collectif, je me suis plongé là-dedans à 100%.

Julian Starke, réalisateur "French Waves"

 

Qu’est-ce que tu aimes dans la musique électronique ?
J’adore la techno pour sortir et pour danser, c’est vraiment un truc qui me stimule énormément. Parfois quand tu vas dans un club et que tu danses depuis longtemps, tu es dans une espèce de mood où tu n’as pas besoin d’alcool ou de drogues, où tu oublies la notion de temps, et là tu es dans la répétition. Il y a d’ailleurs plein de théories qui disent que cette notion de répétition provient des aborigènes. Et que les fondateurs de la techno s’en sont inspirés. Parfois, tu es dans cet état un peu chelou. Ca m’est arrivé avec Carl Craig, un mec de Détroit qui est pour moi le meilleur DJ du monde. Il est d’ailleurs dans la web-série. Mais chez moi j’écoute des trucs planants comme Rone, Superpoze, des trucs avec des mélodies assez simples, assumées mais qui t’embarquent dans des univers et qui te font voyager.

Vu que tu aimes beaucoup la musique, tu n’as jamais pensé en faire ?
J’ai déjà un peu mixé avec un pote, Petit Prince, mais c’est vraiment pour le plaisir. Je suis beaucoup plus attiré par les films et je n’ai pas envie de me disperser.

Il y a un artiste que tu écoutes en boucle ?
Oui, c’est « If Only » de Liem. Au bout de deux minutes, il y a une voix qui parle. Ça ressemble un peu à de la House Garage. Je l’ai écouté en venant ici et je vais sûrement l’écouter en repartant.

Liem, « If Only ».

La scène électronique française s’exporte plutôt bien à l’étranger, contrairement à d’autres genres musicaux. Comment expliques-tu ce phénomène ?
Il y a déjà la barrière de la langue qui est beaucoup moins forte dans la musique électronique que dans le rap par exemple, où le texte est quand même mis en avant à fond. Ce qu’il y a de cool avec les musiques instrumentales, c’est qu’il y a un truc universel où tu peux écouter ça dans n’importe quel endroit et il y a des chances que ça touche des gens. Et puis les gens ont envie de faire la fête partout dans le monde. On a fait une tournée en Uruguay et on est allé dans un tout petit village Hippie, « Punta del Diablo », à six ou sept heures de bus de Montevideo. On avait un contact là-bas et le mec avait une petite scène. On a donc fait une teuf French Waves et il y a eu 250 personnes dans ce tout petit village où tout le monde se mélangeait, vieux comme jeunes. Faire la fête, c’est une envie mais surtout un besoin.

Quelles sont les prochaines villes de la tournée?
Là on refait une tournée aux États-Unis. On va à New-York, Mexico, Austin. En mars, on va à Hong-Kong, Tokyo et en Chine. Puis pour cet été on a d’autres dates qui sont en train de se caler en Europe. Et j’ai vachement envie de faire des projections du film en France. À Strasbourg pour commencer puis Montpellier, Lyon, Bordeaux…partout où les gens sont chauds pour nous accueillir.

Quel message aimerais-tu véhiculer avec « French Waves » ?
C’est partager une passion pour toutes ces musiques. Mais aussi pour les artistes qui le font. Quand j’ai commencé le projet, notamment avec ceux de la première génération, c’était des idoles d’adolescent. Et je me suis rendu compte que derrière ces idoles et derrière l’image que je m’étais fait, il y a des gens et que finalement c’était des rencontres bien plus enrichissantes que ce j’aurais pu imaginer. Derrière chaque rencontre, j’ai appris quelque chose sur la vie et sur la création.

Qu’as tu retenu de toutes ces rencontres ?
La sincérité. Quand il y a une création, si ce n’est pas sincère, ça se ressent. Bob Sinclar par exemple est hyper sincère dans sa démarche. Il dit qu’il veut toucher le maximum de DJs et c’est ce qui fait le vibrer, qui l’anime.

Pour « French Waves », t’es-tu inspiré de certains réalisateurs ?
Ouais. Le truc le plus flagrant, c’est l’épisode de Para One qui a fait la bande originale de La Naissance des Pieuvres réalisé par Céline Sciamma, qui est aussi dans le film documentaire. On est retourné à Cergy Pontoise et j’ai repris exactement le même plan pour son interview combinée avec Para One. Une sorte d’hommage.

Para One, « La Naissance des Pieuvres »

Et qu’envisages-tu de faire pour l’avenir ?
J’ai envie de faire de la fiction avec un court-métrage sur la rupture amoureuse et un long-métrage. J’ai aussi envie de faire un onzième épisode de French Waves, sur Canblaster, un artiste du groupe Club Cheval, même si ce n’était pas prévu. C’est un mec qui a une démarche hyper intéressante. Il a fait la musique la plus rapide d’un jeu d’arcade.

Une saison 2 de « French Waves » peut-être ?
On est en train d’y penser. Mais si ça doit se faire, je choisirai des réalisateurs de cinéma qui réaliseraient eux-mêmes les épisodes. J’ai vraiment envie de me consacrer à la fiction.

Propos recueillis par Jadine Labbé Pacheco.

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