Changer les mentalités grâce à l'acting avec Mayane et Lina El Arabi

Dix ans ont passé depuis la révélation de Damso. En 4 albums dont 3 disques de diamant, le Belge s’est imposé comme une légende absolue du rap francophone. À l’occasion de la sortie de BĒYĀH, dernier opus de sa carrière assorti d’un film, Dems est l’invité de Clique. Il revient sur la période la plus sombre de sa vie, explique pourquoi il a choisi de quitter le game et révèle les nouveaux défis qui l’occuperont à l’avenir.
Débrouillard authentique
La vie de Damso a commencé dans la violence. “Je suis né en 1992, à Kinshasa, au Congo. C’était la guerre. Des tirs traversaient ma maison.” Sa famille parvient de justesse à fuir le pays pour s’installer en Belgique : “des gens ont trahi mes parents, ils ont dit aux rebelles de venir chez nous, qu’on avait des moyens. On a dû partir pour éviter le carnage.” Après avoir vu la mort de ses propres yeux – une expérience qui “forge” – Damso “comprend l’importance de la vie”. Que cette dernière est courte et bien trop fragile pour tergiverser : en commençant le rap, il assume son objectif de “niquer le game”.
À la moitié des années 2010, le rêve du jeune rappeur l’a éloigné de sa famille au point qu’il devient un “paria”, avec pour seul refuge la gare de Bruxelles. À la rue, il découvre la faim et l’égo qui l’amèneront bientôt au sommet. “Le soir j’écrivais, je dormais très peu. Dès que je trouvais un studio qui m’acceptait en fin de session, j’y allais. Parfois les ingés son dormaient, alors s’il y avait un dürüm qui traînait j’en profitais pour manger. C’était mon quotidien.” Seule certitude : sa musique est une mine d’or, et elle va le sortir de là. “Je n’avais pas de quoi me payer les transports, alors je devais protéger mon sac de la pluie : il y avait mon PC dedans, c’était mon bien le plus précieux.” Son talent crève les yeux et, dès fin 2015, sa carrière est lancée.
Tiré d’affaire, le rookie s’impose avec un rap entêtant aux lyrics souvent durs, pessimistes et d’une noirceur assumée. “Je ne me refuse rien derrière le micro. Ça sort tout seul, il y a des colères qui traînent : contre des anciennes copines, de la famille, ceux qui nous ont dénoncés pendant la guerre… C’est un exutoire.” Sa franchise et ses propos crus dénotent, même pour du rap : “je ne revendique rien, je décris. Ce qui peut paraître violent, c’est que je ne suis pas dans le déni. Mais l’honnêteté attire aussi.” Si cette singularité et les polémiques qui en découlent captivent le public, elles font de lui un artiste parfois incompris. “Je suis à l’aise avec ça depuis longtemps. Ce qui m’intéresse, c’est d’être authentique avec moi-même. Si on n’accepte pas ce que je dis, tant pis.” Une mentalité qui le suit encore aujourd’hui. Dans ses choix artistiques ou de carrière, le MC Belge n’a jamais eu peur de dérouter ou de décevoir. “Je ne veux pas finir dépendant du regard qu’on me porte. Chercher à se faire comprendre, à être aimé, c’est une drogue. C’est difficile d’en sortir.”
"Les gens ne prennent plus le temps d'avoir du silence"
Clique x Damso, à voir en intégralité ce jeudi 29 mai à partir de 20h sur l'application CANAL+ 👉 https://t.co/72bppVezWW pic.twitter.com/Ye03o4gkT7
— CLIQUE (@cliquetv) May 29, 2025
“La suite de Damso”
Après BĒYĀH, Damso arrête. Les albums, en tout cas : “je vais toujours écrire, la musique est mon premier amour. Mais les choses ont changé.” Après 10 ans passés au sommet, il a l’impression d’avoir fait le tour. Faire semblant serait manquer à son exigence d’authenticité. “Refaire ce que je maîtrise à 100%, ça ne me parle pas. Ce serait vendre de la merde, un truc vide qui ne me demande pas d’effort. Je veux mettre de moi dans ce que je fais, une vision, une intention.” C’est par un besoin de se dépasser, par l’amour de la punchline et de la compétition que Dems en est venu à aimer cette culture : “il y a moins cet esprit dans le rap actuel, il y a une nouvelle façon de faire. Je la respecte mais elle ne m’anime pas. Donc je vous laisse, moi, je vais tester d’autres trucs.”
Difficile de faire la même musique quand son vécu a changé du tout au tout. Le Damso qui avait Peur d’être père et crachait sa rancune envers la gent féminine est désormais heureux en famille et en amour. Son fils, très présent dans ses albums précédents, est totalement absent de BĒYĀH. “On a la meilleure des relations. Il est marrant, intelligent, confiant. Avec lui, je suis la meilleure version de moi. Il s’intéresse à ma carrière, il me demande s’il peut voir mon film, si c’est fait pour les enfants… Je suis un père comblé, j’ai guéri.” Artistiquement, il faut tout reprendre à zéro : “je ne sais même pas comment écrire quand on va bien.”
La trentaine passée, Damso s’est posé la même question que celle qui le travaillait dix ans plus tôt, quand il était à la rue : “je fais quoi maintenant ?” Un retour aux origines est au programme. “Au Congo, je veux aider à la réappropriation de leur culture par les personnes noires.” Pour lui, les jeunes connaissent si mal l’histoire de leurs pays que leur “manière de penser” est colonisée. Le rappeur veut changer les choses. “Les populations défavorisées pleurent toujours à la fin, quand c’est trop tard. Ça serait intéressant de voir un futur sans larmes.” En parallèle, Damso veut toucher à la littérature, au cinéma et au design. “La suite de Damso, c’est partout. Et je vais le faire, parce que je sais que je suis bon et que je vais bosser. Il n’y a rien de fou là dedans, comme quand j’ai dit que j’allais niquer le game.” Il le sait d’avance, certains y verront de la prétention. Pour lui, c’est à cette seule condition qu’il réussira : “c’est de la motivation, je dois y croire si fort que je me donne les moyens de le faire. Je n’y connais encore rien mais laissez-moi du temps, j’arrive.”
L’interview Clique X Damso est à retrouver gratuitement et en intégralité sur l’application CANAL+, sur la chaîne YouTube de Clique et en podcast sur Spotify, Apple Podcasts et Deezer.