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Est-ce que tweeter c’est tromper ?

Nous sommes allés à la rencontre de Nicolas Vanderbiest dont la spécialité est de débusquer les vrais et faux bad buzz sur Twitter.

Chaque jour, ou presque, Twitter s’indigne et commente des faits d’actualité. Nicolas Vanderbiest, 27 ans, assistant universitaire à l’Université Catholique de Louvain, a choisi de se livrer à l’analyse des phénomènes d’influence sur Internet.  Le chercheur décrypte donc le mécanisme du bruit médiatique en essayant de déterminer l’origine des polémiques.

Parfois ces controverses quittent l’espace virtuel et gagnent les médias dits classiques. Nicolas Vanderbiest essaie alors d’en déterminer l’origine : est-ce une stratégie de communication ou le résultat d’une mobilisation spontanée ?

Le chercheur est devenu un spécialiste pour débusquer « l’astroturfing» dont il donne cette définition : « C’est une technique qui consiste à simuler ou donner l’impression d’un mouvement ou d’une opinion populaire réels alors qu’il n’en est rien. »

Interrogé par le site Arrêts sur images, après l’attentat manqué du Thalys fin août, sur la récupération de cet événement par le FN, Nicolas Vanderbiest explique sa méthode de travail.

« J’ai un bouton sur lequel appuyer et qui va symboliser tous les échanges sous forme de points ».

Avant de détailler :

« Non, au départ j’ai juste un carré avec les points alignés, les uns sur les autres. J’applique donc un autre algorithme de spatialisation, qui va séparer tous ces groupes en regroupant ceux qui ont beaucoup de liens entre eux (qui se mentionnent ou se retweetent) et peu de liens externes avec les autres. Enfin, je demande à l’algorithme de mettre en couleur tous ces groupes ». Il parvient à transformer ces données sous formes de graphiques à points.

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Ce procédé, le jeune chercheur l’a utilisé, par exemple, pour étudier la polémique initiée par Nadine Morano. L’ex-ministre était invitée, le samedi 26 septembre dans l’émission de Laurent Ruquier « On n’est pas couchés ». La femme politique, qui s’est déjà illustrée dans le passé pour des propos controversés, a provoqué un nouveau tollé en déclarant: « « Nous sommes un pays judéo-chrétien. Le général de Gaulle le disait, de race blanche, qui accueille des personnes étrangères. » Elle ajoute : « J’ai envie que la France reste la France et je n’ai pas envie que la France devienne musulmane. »

En 2014, une mobilisation initiée sur Twitter a, en partie, porté ses fruits. L’émission « Pékin Express », diffusée sur M6, a choisi de faire vadrouiller ses aventuriers en Birmanie. Or ce régime persécute la minorité musulmane rohingya.

« La répression systématique de l’ethnie musulmane des Rohingyas dans l’État d’Arakan, situé dans l’ouest de la Birmanie, s’est poursuivie en 2014, en particulier à l’encontre de 140 000 déplacés internes rohingyas chassés de leurs maisons au cours des violences de 2012. » nous apprend un rapport d’Human Rights Watch publié cette année.

La mobilisation d’internautes, touchés par le sort de cette ethnie massacrée, menée par l’ONG Baraka city et soutenue par le blogueur influent Al Kanz, qui livre sur son site un pas à pas pour créer une « tempête de tweets », pousse plusieurs sponsors à se retirer, ne voulant associer leur image à une campagne négative.

 

« A l’origine de ces défections, une mobilisation sur Internet à base de tempête de tweets sous le mot-dièse #PekinExpress, de pétition (« victorieuse ») sur Avaaz, d’appels au boycott, de pages Facebook « contre Pékin express en Birmanie »dotée de plus de 12 800 mentions « J’aime »… nous explique le blog Big Browser.

 

M6 s’est défendue en rappelant que Pékin Express, émission de voyages et d’aventures, était un divertissement : « Les questions géopolitiques sont à même d’être traitées par l’information et non pas par un programme de divertissement comme Pékin Express […]. Qu’on nous targue de complicité de génocide, c’est assez blessant. »

 

Nicolas Vanderbiest s’est aussi penché sur l’affaire Tel Aviv sur Seine. Tout commence lorsque le blog Cool Israel annonce la tenue, dans le cadre de l’opération annuelle Paris Plages, d’une opération baptisée « Tel Aviv sur Seine », destinée à mettre à l’honneur la ville israélienne. L’article, publié le 3 août, promet une « atmosphère à la fois sportive et reposante… » en bord de Seine pour cette « journée culturelle et festive ».

Très vite, l’information circule sur Twitter et fait bondir des militants pro-palestiniens, choqués qu’une telle initiative soit organisée par la mairie de Paris. Une pétition demandant l’interdiction de l’événement a été mise en ligne sur Avaaz.org et recueille 25 082 signatures. Le texte motive son opposition ainsi : « Cette opération ne peut être considérée comme un simple événement culturel, alors qu’elle fait partie intégrante de la propagande Israélienne. Un an après le massacre de Gaza, Israël maintient le blocus, intensifie l’implantation des colonies, continue sa politique d’apartheid ainsi que les arrestations arbitraires de Palestiniens. » Les rédacteurs refusent, disent-ils, de voir la capitale devenir « le théâtre du blanchiment de la politique Israélienne (sic). »

Des politiques protestent à leur tour. Les élus du groupe communiste-Front de gauche demandent au conseil de Paris, eux aussi, l’annulation de la journée au profit d’une initiative de la ville qui «contribue à une paix juste et durable entre Palestiniens et Israéliens». Du côté de la mairie de Paris, on estime qu’il est hors de question de céder à la pression et d’annuler l’événement.

Le réseau social Twitter est devenu le réceptacle de la colère qui est relayée dans les médias. C’est sur les tweets postés que Nicolas Vanderbiest a décidé de s’appuyer pour déterminer si cette indignation avait une réelle assise populaire ou s’il ne s’agissait que d’un bruit artificiel, orchestré par une poignée de militants coordonnés. Le constat du chercheur, longuement développé sur son site, est sans appel. Pour lui, cette mobilisation sur internet repose sur une base purement artificielle.

Quoiqu’il en soit, le jour J, l’événement Tel Aviv sur Seine s’est tenu comme prévu et a été concurrencée par Gaza Plage, de l’autre côté du pont Notre-Dame. Ce contre-rassemblement a été organisé à l’appel de l’association Europalestine et plusieurs dizaines de personnes sont venues manifester contre la politique d’Israël et la guerre de Gaza menée un an plus tôt.

Aucun incident ne s’est produit, 500 policiers avaient été mobilisés pour éviter tout débordement. D’après la mairie de Paris, 11 000 personnes ont participé à l’événement, entourés de beaucoup de policiers et de journalistes…

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