Les plus grands chefs du monde serviront chaque soir 100 repas gratuits à Paris pour les plus démunis
Nabila Laajail et Fred Daudo sont les co-fondateurs de "Faith the Project", une association qui vise à lutter contre l'extrémisme et l'intolérance religieuse à travers une éducation multimédia, gratuite et factuelle du fait religieux dans le monde. Alors qu'ils viennent d'achever une initiative documentaire sur les routes de la Soie reliant la Turquie à la Chine, nous les avons rencontrés.
Documenter le fait religieux leur est apparu d’autant plus nécessaire après les attentats qui ont frappé la France en 2015. Inscrits dans une démarche citoyenne, le duo propose le festival Mosaïque de Soi(e), un cycle itinérant à Paris. Ils espèrent ainsi prêcher la connaissance de l’Autre par l’éducation. Car si l’on en croit le philosophe Averroès (ou le maître Jedi Yoda), l’ignorance mène à la peur, la peur à la haine et la haine à la violence. Le festival Mosaïque de Soi(e) retrace l’initiative de ce voyage documentaire multimédia pour donner à connaître l’Autre qui n’est autre que Soi.
Nous avons demandé à Fred et Nabila de nous parler des gens rencontrés sur leur route, et de commenter quelques-unes de leurs images...Clique : J’imagine que vous avez fait beaucoup de rencontres. Parlez-nous de ces personnes… Fred : Certains sont devenus des amis. Je repense à Yaşar, ce jeune Iranien de Tabriz, qui nous a tellement bien accueilli... Il nous a invités à dîner chez lui à maintes et maintes reprises. C'est un musicien hors-pair, il joue du tambour et du luth iranien. L'un de ses amis l'accompagnait au daf (tambour de tradition persane, NDLR). On passait des soirées exceptionnelles avec de très belles conversations. Il nous disait que l'on regardait tous la même chose : le monde et les personnes qui nous entourent. Et que la seule différence résidait dans le fait que nous portions des lunettes différentes. L'idée, c'est que l'on observe à la fin tous la même chose.
De gauche à droite : Samad, Nabila, Rayhan, YaŞar et Fred
Fred Daudon, Portrait de Gabriel, Monsatère Meryem Ana, Antili, Turquie, 2016.
Les syriaques orthodoxes font partie des Chrétiens d'Orient. Leurs rites sont écrits en syriaque, un dérivé de l'araméen, la langue que parlait Jésus. Sur ce plateau, il y a énormément de monastères et d'églises dont la majorité a, malheureusement, été détruite au cours d'événements terribles au moment du génocide arménien, un génocide dirigé vers tous les Chrétiens.Sur ce plateau, il reste des monastères avec une population qui diminue d'année en année. En arrivant au monastère Meryem Ana où tout semblait désert, je frappe à la porte et c'est Gabriel qui m'ouvre. Il a quinze ou seize ans, on commence à discuter. C'était l'une des rares personnes à parler anglais. Il m'a parlé de sa famille. Il m'a expliqué que sa mère travaillait dans un bourg voisin. Je lui ai demandé si je pouvais faire un portrait de lui sur la terrasse. C'était un jour assez ensoleillé. C'était agréable. On a pris un thé sur cette terrasse sur deux chaises en plastique. J'ai pris cette photo un peu comme elle venait pendant notre conversation.
Fred Daudon, Détail d'une crèche de Noël, Istanbul, Turquie, 2016. © Fred Daudon
En fait, c'est une crèche revisitée parce qu'on y voit des vêtements de migrants qui ont tenté la traversée de la Mer Méditerranée vers la Grèce. On voit des gilets de sauvetage récupérés de la traversée. L'enfant Jésus est enveloppé d'une couverture de survie.J'ai trouvé ça très fort comme image, une façon de penser aux migrants et simplement dire que nous sommes tous des Hommes avec un grand H. Cette photo parle beaucoup des malheurs qui frappent l'humanité, elle nous remet aussi à notre place. Je suis content que vous l'ayez choisie.
Fred Daudon, Des moines Shaolin faisant des mouvements de gong-fu, Dengfeng, Chine 2017. © Fred Daudon
Fred Daudon, Poulets halal, Linxia, Chine, 2017. © Fred Daudon
Ces poulets de toutes les couleurs, c'est à l'image de toute cette diversité. Halal parce qu'en Chine, il y a de graves problèmes notamment vis-à-vis des Musulmans. On nous a dit qu'à Linxia, ils étaient obligés de retirer toute pancarte contenant des écritures en arabe. Seules les écritures chinoises sont autorisées. Cette photo permet aussi de montrer la mort de la culture à travers ces poulets.Nabila : Cette photo, qui a l'air drôle de prime abord, dénonce aussi la situation de différentes minorités, notamment la musulmane. Fred : Au Xinjiang, j'ai voulu interviewer des Ouïghours (peuple musulman du Nord-Ouest de la Chine, NDLR) avec qui j'ai pu discuter mais ils refusent catégoriquement. Et même quand j'essayais de leur poser des questions directes, on me parlait du beau temps... L'un d'eux m'a même parlé du nombre de dents de sa petite-fille ! Tous sont fichés, il y a même des confiscations de Coran. C'est une situation de quasi-guerre civile. L'armée et les tanks sont dans la rue. Des postes de police, des rues fermées, des barrages filtrants... C'est un état de guerre où dans chaque grande ville patrouillent et paradent chaque vendredi, le jour de prière chez les Musulmans, des troupes militaires similaires à celles du 14 juillet en France. Cela se passe en plein centre-ville. Tous les accès au centre-ville sont fermés pour empêcher l’entrée à la mosquée principale. C'est l'une des pires situations que j'ai vues lors de ce voyage. Il y a tellement de caméras et de micros des autorités partout, ainsi que des Ouïghours qui font de la délation pour des questions économiques... La peur est partout. On a peur du voisin, on a peur pour sa famille. La peur est quotidienne. Ils préfèrent donc se murer dans le silence plutôt que de prendre des risques.
Fred Daudon, Un homme vendant des ballons devant l'entrée d'un temple taoïste, Dengfeng, 2017. © Fred Daudon
Affiche du film Ganesh Yourself
Extrait du film Ganesh Yourself
Ce que je peux dire, c'est qu'il s'agit de religion à l'heure de l'intelligence artificielle.Emmanuel Grimaud a filmé des gens qui prennent contrôle de Ganesh. Ils peuvent mettre leur visage à la place de celui de Ganesh et ils répondent aux questions que d'autres posent à Ganesh. Ils savent que ce n'est pas Ganesh, mais c'est intéressant d'un point de vue anthropologique d'étudier ce phénomène et de voir le lien entre une représentation divine, la représentation de soi et comment on communique. C'est une question intéressante car se posent également des questions de démographie. Quelle sera, par exemple, la religion la plus prépondérante en 2050 ? On voit de nouvelles religions basées sur l'intelligence artificielle. On atteint aussi le transhumanisme. On ne sait pas... Demain, on sera peut-être capables d'aller plus loin que la mort physique en remplaçant des parties de notre corps... De là découlent pas mal de questionnements sur les raisons qui nous poussent à croire aussi.
Pour en savoir plus sur le festival qui se tient jusqu'au 24 mars, rendez-vous sur l'évènement Facebook du projet ou sur www.faiththeproject.com.
Article de Sonia EL AMRI
Image à la une : Photo de Fred Daudo