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Par Adeline Grais-Cernea

CLOSET WITH… Lola Bessis

Une chose est certaine : il faut que j’arrête de poser des rendez-vous le lundi.
Ce n’est pas mon truc, je le sais et je ne comprends pas pourquoi je m’obstine à penser que c’est une journée comme les autres.
Pour moi, le lundi reste une extension du week-end et le fait est que je ne peux pas (JE NE PEUX PAS) être en forme ou opérationnelle, surtout en fin de matinée.

J’espère que Lola ne va pas faire les frais de mon inadaptation…
Je ne l’ai pas eue au téléphone directement, ni par e-mail – jusqu’à maintenant, j’ai été en contact avec son agent, uniquement – et du coup, je n’ai pas la moindre idée de son « ton », aucun a priori et mine de rien, j’aime bien avoir une pré-idée de la personne avec qui je vais m’entretenir.

L’application RATP m’indique de sortir du bus à Cité – Palais de Justice, mais bizarrement je n’en crois rien et descends un peu plus loin à Saint-Michel. Je fais bien et ça m’énerve de ne même plus pouvoir faire confiance à mon application.
Sur la grand place, un rassemblement de 15 personnes en colère me rappelle brièvement mes années fac dans le coin et c’est avec une larme à l’oeil que je repasse devant cette petite librairie où jadis j’avais trouvé une affiche originale de Roland Topor.

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Me voilà dans la rue de Lola. Numéro 6. Je franchis le porche. Regarde sur les boîtes aux lettres si j’y vois le nom qu’on m’a donné. Rien. Je retourne dans la rue. Doigts congelés, je vérifie sur mon portable que j’ai la bonne adresse. Magie du quartier latin : je ne capte pas. Je suis perdue. Un peu en retard. Je tente de téléphoner à l’agent. La ligne est brouillée. Je cherche partout. Manque partir quand je reçois enfin le bon numéro.
Pas du tout le 6, donc.

Quand Lola ouvre la porte, j’ai l’impression de rencontrer Alissa Milano (j’ai la manie des ressemblances), (mais il y a vraiment un petit quelque chose).
Je m’excuse d’être un peu en retard, mais Lola me réplique qu’elle terminait une conversation téléphonique : tout va bien, donc.

J’ai à peine le temps de poser mes affaires que mon hôte me lance en souriant :

« Alors, je pense que tu veux voir ma penderie ?  »

… et j’en suis presque gênée… L’impression d’être la dame des impôts qui vient explorer les comptes d’une inconnue trop coopérative.

Lola m’explique que cet appartement, dans lequel elle est installée depuis maintenant 2 ans avec son compagnon Ruben Amar (réalisateur, scénariste et producteur), est également leur lieu commun de travail. C’est un appartement sans couloirs. Les pièces se succèdent les unes les autres et communiquent ensemble. Après avoir passé le sas/entrée, on entre dans un grand espace cuisine donnant sur le salon, lui même donnant sur le bureau/salle à manger, donnant dans la chambre, donnant dans la salle de bain et re-donnant dans la cuisine. Je ne sais pas comment cela s’appelle en architecture d’intérieur, mais je trouve que c’est un gain de place formidable.

Si c’est plus pratique d’être face à face à leur table de travail lors des moments très interactifs de production, Lola affectionne plutôt le canapé du grand salon quand elle est en période d’écriture. De fait, elle m’avoue ne pas beaucoup sortir de ce qu’elle appelle « son quartier général ».

« J’essaye de me motiver, mais c’est vrai que je ne sors pas beaucoup. »

Je lui demande comment elle s’habille quand elle reste à la maison :
_ Est-ce que tu t’autorises à trainer toute la journée en jogging sur ton canapé (même si tu travailles) ou est-ce que tu fais l’effort de t’habiller tous les jours, de mettre des chaussures alors que tu restes chez toi etc. ?

_ Je ne reste pas en jogging chez moi parce que je n’arrive pas à travailler si je me sens en pyjama… Du coup je suis plutôt jean/chemise, ou jean/T-shirt – j’aime bien mettre des chaussures, mais comme en ce moment je bosse pas mal sur mon canapé, j’évite forcément…

_ Tu n’as pas une belle paire de charentaises, lui demande-je ?

_ J’ai une paire que mon grand-père m’a offerte et elles sont vraiment très confortables, je vais passer pour une vieille mémé mais bon… Sinon j’ai une paire hyper esthétique que j’ai achetée aux Puces de Saint-Ouen et que j’ai même fait ressemeler. 

Et Lola de me sortir alors une paire de petits chaussons bleus absolument ravissants qu’elle me dit ne jamais mettre par peur de les abîmer.

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« Je crois que je vais les accrocher au mur, en fait… »

Lola est vraiment charmante. Elle est petite, toute menu, un sourire très doux et des yeux pétillants. Elle sourit tout le temps, semble parfois timide face à ses propres réponses, baisse un peu la tête et puis revient instantanément avec le sourire.
Elle me raconte qu’elle a grandi à Paris, est allée faire ses études à Lille, un Erasmus à Londres, et puis enfin New-York où avec Ruben, ils ont tourné leur premier long métrage : « Swim Little Fish Swim« . Elle travaille aujourd’hui sur plusieurs projets dont un film, en cours d’écriture : l’histoire de deux frères qui partent à la recherche d’une ex-petite copine, le temps d’une nuit à Paris…

Lola ne lit pas trop la presse féminine, à part à la plage. Quand elle était petite, elle voulait devenir styliste, mais avoue ne pas être intéressée par ce qu’elle appelle les grandes marques, ou les marques trop mainstream. Non. Ce qu’elle aime, ce sont plutôt les pièces vintage, celles qui ont une histoire. Quand elle voyage elle aime chiner la pièce emblématique, celle qui lui rappellera son séjour, mais à côté de ça, elle avoue ne pas du tout être une « shopping girl » (être, surtout, un peu agoraphobe) et préfère largement commander ses fringues plus casuals sur Asos, Urban Outfitters, Topshop et Reformation (une marque qui n’existe pas ici mais qui livre en Europe).

_ Comment tu fais quand tu achètes en ligne, pour les tailles, etc. ?, je lui demande.

_ Je n’achète que dans des boutiques qui reprennent ou échangent. Je commande toujours plein d’affaires que j’essaye tranquillement chez moi et je renvoie pas mal de trucs! »

La penderie de Lola est très colorée et en dit long sur son caractère jovial.
À l’intérieur de l’armoire, un long portant sur lequel on trouve des combinaisons, des pantalons, des robes, quelques chemisiers et des manteaux. Ces pièces ont, pour la plupart, la particularité d’être très expressives, vives, bariolées, à motifs, très très colorées, oui. On sent une vraie bonne dynamique de style (si je puis dire ce genre de choses…). Dans le placard à côté : T-shirts, sweats et pullovers sont bien pliés, empilés les uns sur les autres. Lola me montre un second portant près de la porte d’entrée de sa chambre. Dessus, on trouve des jupes, des chemisiers, et par terre plusieurs paires de chaussures à talons qui jouent du coude.
Beaucoup de vêtements, qu’elle affectionne tout particulièrement, me sont alors officiellement présentés.
Des jumpsuits, des robes qu’elle me dit ne plus mettre énormément, un ensemble qu’une créatrice grecque, Christina Economou, lui a offerte et qu’elle reporte souvent, un mini haut d’esprit mexicain, qu’elle m’explique porter sous une salopette…

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Je sens qu’elle aime vraiment ça et qu’elle est contente de parler de toutes ces pièces, en m’expliquant d’où elles viennent une par une et comme si elle ne voulait oublier personne – comme une enfant à qui l’on demande quelle est sa peluche préférée et qui ne peux s’empêcher de vous mettre sous le nez toute sa marmaille – je suis plus que flattée, je me dis que ça lui fait plaisir.

Elle m’avoue s’habiller plus sobrement ces dernières années. Il faut dire que lorsque l’on demeure à Paris, on a vite tendance à retomber dans les noirs, gris, marrons… alors qu’à Londres, on se sent un peu plus libre, mine de rien.
Si autrefois, elle avait un look un peu enfantin (elle aimait surtout les robes, les noeuds, les pompons de toutes les couleurs etc.), aujourd’hui elle s’accommode d’un jean, d’un beau chemisier et va plutôt agrémenter sa silhouette de quelques bijoux, ceux de Marine de Diesbach ou Isabelle Marant, par exemple. Il y a quelques années, elle a commencé à mettre des boucles d’oreilles pendantes accrochées, non pas sur le lobe, mais sur le haut de l’oreille et a éveillé un certain intérêt auprès des chroniqueuses de mode.

Lola achète pas mal de fringues et – faute de place – se sépare régulièrement de ses habits : les propose à des copines ou les confie à une de ses amies qui s’occupe d’un vide-dressing professionnel, Open Dressing :

« Elle me prend pas mal de chose, c’est bien, ça fait un petit budget… pour racheter des nouvelles choses… Oui, dans le fond je ne gagne jamais de place… », ajoute-t-elle en riant franchement.

Nous regardons ensemble ses chaussures et je lui demande de me sortir celles qu’elle aime par dessus tout.
Elle prend vraiment le temps de réfléchir et choisit une paire de bottines qu’elle me raconte avoir récupérer à New-York, dans un théâtre qui fermait et qui bradait son stock de vêtements/costumes :

« Maintenant elles sont très abîmées. Je les ai faites retaper mille fois, en fait, elle m’auront coûté 100 plus cher que ce que je les avais achetées. »

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Pour le coup, que ce soit à New-York, Londres ou Paris, Lola marche beaucoup mais ne peut plus courir à droite à gauche en talons comme elle le faisait quand elle était encore étudiante. Elle pense son look via le prisme du confort, sans jamais négliger un certain caractère.
Elle me confie faire plutôt attention à l’image qu’elle peut renvoyer, surtout lors de rendez-vous professionnels où il lui parait évident qu’il ne faut pas qu’elle soit trop girly si elle veut être pris au sérieux.
Si avant, elle pouvait avoir un style plus années 50/60, aujourd’hui elle serait plus influencée par les années 80, avec des pantalons tailles hautes, des fringues stylisées, mais confortables en somme.

« Quand j’étais sur le tournage de mon film, comme je jouais dedans également, je passais souvent derrière la caméra en tenue de jeu, maquillée, apprêtée pour être filmée etc. J’avais l’impression que cela ne renvoyait pas l’image d’une réalisatrice… Dans mon prochain film, je ne serai pas en baggy pour autant derrière la caméra, mais je serai plus formelle : un jean, une chemise, des chaussures sobres. J’ai toujours un peu été l’excentrique du groupe, que ce soit dans ma famille, ou à l’école. Tout ça parce que j’aimais les vêtements un peu originaux, ou parce que je me maquillais etc. »

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C’est alors qu’elle me sort le manteau qu’elle met en ce moment… Le manteau qui résume tout alors qu’elle est présentement habillée d’un T-shirt tout simple rayé, et d’un jean noir. Une sorte de blouson / bombers tout bariolé de couleurs, avec plusieurs matières, totalement oversize pour elle :

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« C’est vrai que je suis plus sobre depuis un moment, sauf pour les manteaux. J’en ai de toutes sortes, je les porte vraiment longtemps. Celui-là je l’adore, je le mets tout le temps. Même ma grand-mère, me le pique, ça c’est nouveau. »

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« Il y a celui-ci aussi (elle me sort une veste longue en peau très structuré).
Il lui appartenait d’ailleurs avant – je lui avais emprunté pour me déguiser en hippie quand j’étais au collège – il est dans un sale état. Il faudrait que je trouve quelqu’un pour me le nettoyer, mais j’ai trop peur de le confier à qui que ce soit… « 

 

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Lola continue de me « présenter » ses vêtements en insistant qu’en ce moment son « truc » c’est le velours et me montre quelques pièces qu’elle affectionne tout particulièrement.

 

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C’est alors que quelque chose me paraît très étrange… Cela fait quelques minutes, en effet, que je sens comme une odeur qui ne devrait pas être là ; prise dans la discussion, je n’y prêtais pas spécialement attention, quand tout d’un coup, je laisse échapper malgré moi un : « Mais c’est quoi cette odeur? »

Je suis alors immédiatement confrontée à ma « propre » condition : je pue. (J’ai l’odorat très très développé, un rien me gêne.)
Et oui. Le lundi, je fais n’importe quoi.

Lola continue de me parler de la courbure de ses talons MIU MIU qu’elle adore…

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…mais c’est trop tard, je n’arrive plus à me concentrer.
Je me revois ce matin attrapant un sweat que je pensais propre alors que visiblement il avait servi très dernièrement à un semi-marathon…
Je suis décontenancée.

Visiblement Lola n’en est pas incommodée ou alors elle est vraiment très tolérante. L’entretien est terminé, ça tombe bien. Je photographie cette jeune femme adorable (au sens littéral du terme) qui sera en tournage le mois prochain pour la série France KBEK diffusé sur OCS et dans lequel est incarnera un personnage récurrent. À noter que courant 2015, elle sera également en tournage sur deux autres films (France et US) où elle tiendra le rôle principal.

J’enfile et mon Duffle-Coat et appelle immédiatement Mouloud :

« Je repasse chez moi avant de rentrer au bureau : je ne suis pas réveillée et je pue. »

Plus de rendez-vous le lundi matin, plus jamais.

 

 

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