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Musique
Sponsorisé par Levi's® Music Project

Clique by Gaël Faye avec Levi’s® Music Project

Que vous l’ayez lu ou entendu, vous avez sûrement du déjà dû croiser la prose de Gaël Faye. Clique a rencontré le rappeur et lauréat du Prix Goncourt Lycéen 2016 : l’occasion pour lui de nous parler de ses coups de cœur musicaux du moment, de ses inspirations, de la sortie de son EP Des Fleurs et de son implication dans le Levi’s® Music Project.

« Pour moi, le risque c’est de ne plus se rencontrer. On voit bien qu’aujourd’hui on a tellement d’outils qui permettent de faire croire que l’on se rencontre, mais finalement nous laissent dans des solitudes. On multiplie nos solitudes » raconte l’artiste.

 Clique by Gaël Faye

Après Hyphen Hyphen et Ofenbach, c’est donc cette année au tour de Gaël Faye de parrainer le Levi’s® Music Project, entouré de son groupe de jeunes aux allures de Ocean’s Twelve. Neuf mois d’écriture, de scène, de composition mais surtout de partage et de découverte sont au programme de ce projet qui rassemble des passionnés de musique à l’historique salle Mains d’Oeuvres à Saint-Ouen. Un lieu symbolique pour l’artiste.

Le LEVI’S® MUSIC PROJECT est cette année parrainé par Gaël Faye.

CULTURE

Gaël Faye : Je clique à fond sur la culture ! C’est l’âme des sociétés humaines, la culture. On parle toujours d’économie, de politique, mais quand tout ça n’existe pas, ce qui reste, le vernis de civilisation, c’est la Culture. Je me souviens quand j’étais petit, ma famille était réfugiée. On peut même dire apatride, on n’avait plus de pays… Et ce qui permettait de garder ce lien avec le pays, c’était les chansons des grand-mères, les danses des oncles et des tantines, les proverbes, les adages… Tout ça, ça nous nous maintenait dans le pays.

Ça nous permettait de nous débarrasser de cet habit de réfugié et de rester dans notre identité, dans notre dignité. Je crois que la Culture, c’est ça.

MUSIQUE

Je clique sur Ibeyi, je clique sur un Jacob Banks, je clique sur Baloji… J’adore Baloji, c’est un artiste incroyable, les plus beaux clips qui existent. Et puis c’est quelqu’un qui a une recherche, qui suit une idée. J’aime ces types d’artistes-là, il est dans une recherche personnelle, et c’est incisif. Il offre des choses tellement belles au public. Mais il y a des artistes aussi que je ne connais pas, qui ne sont pas des potes mais que je suis et que j’aime. Il y a un jeune rappeur qui s’appelle Sopico, guitare-voix, j’aime beaucoup. Il a vraiment réussi à faire quelque chose dans les lyrics, dans la musicalité de la langue française en mélangeant avec la guitare. Je trouve ça très fort.

 

 

Je clique sur Tim Dup aussi, c’est un artiste chanteur et musicien aussi, il a des textes extraordinaires. Je clique à fond sur Nemir, j’adore Nemir ! On a fait pas mal de concerts ensemble… C’est pareil, c’est quelqu’un qui se prend la tête, pour qui créer c’est de la remise en question, des sacrifices, des prises de tête. C’est touchant et c’est inspirant de voir son parcours, de le voir évoluer et puis il transmet tellement de good vibes, c’est ça…

LEVI’S MUSIC PROJECT

Je clique sur Levi’s® Music Project. Nous sommes à Mains d’Œuvres… Ici, nous faisons des ateliers dans différents domaines de la chanson ; soit l’écriture, soit la scène, la MAO (Musique Assistée par Ordinateur) avec un groupe de jeunes sur toute l’année.

L’idée, c’est de les familiariser avec la pratique artistique dans son ensemble, créer une émulation de groupe et peut-être créer des chansons, créer un spectacle.

Depuis longtemps je fais des ateliers avec différents publics. J’ai déjà travaillé dans des lycées, des collèges, des institutions diverses, en prison… Et depuis deux ans, je n’avais rien fait parce que j’avais un emploi du temps très chargé, et aussi parce qu’on me proposait souvent des projets sur des durées trop courtes. J’aime bien l’idée de pouvoir accompagner un groupe sur la longueur. Ça permet de revenir sur ce que l’on crée, d’avoir du débat, et de créer aussi une relation. C’est ça qui m’a décidé : aussi le fait que l’on soit à Mains d’Oeuvres, qui est un lieu où j’étais déjà venu. J’avais pu répéter ici, travailler dans les studios…

J’avais même fait un concert à l’époque ici dans le hall. C’est un lieu qui est pour moi important, même si je ne suis pas de Saint-Ouen, mais tout simplement parce qu’il rayonne sur le territoire. Il permet de donner accès à n’importe qui – surtout aux amateurs – à ce monde de la création, de la musique, de l’art… Je viens de cette culture-là. Si aujourd’hui j’ai fait de l’écriture et de la musique ma vie, c’est parce qu’en arrivant en France il y avait à côté de chez moi une maison de quartier avec des ateliers, avec des artistes qui venaient nous permettre de découvrir des univers…

J’ai dans l’idée de rendre aussi un peu ce qu’on m’a donné. Il y a tout ça qui m’a décidé.

Clique : Que t’ont donné justement ces gens, quand tu as fait ces ateliers dans ta maison de quartier ?

Gaël Faye : Ils m’ont surtout donné confiance en moi. C’est la clé de tout départ, de tout commencement, c’est la confiance en soi. L’idée qu’on a le droit.

On a le droit d’être soi parce que dans ces lieux-là, ce ne sont pas des lieux de compétition, des lieux scolaires. L’idée, c’est simplement de venir avec ce que l’on est et simplement de cultiver ça, de le développer.

J’aime beaucoup le groupe que l’on a constitué, parce que chaque participant a son propre univers. On sent déjà que chacun a sa propre trajectoire, ses propres idées. Et en même temps, ces rencontres-là permettent qu’il y ait des échanges qui nourrissent les uns et les autres.

Vous avez vu le film Ocean’s Twelve ? C’est vraiment un groupe, on dirait que chacun est ultra-spécialisé dans son domaine et chacun a son style. Ils veulent braquer… leur passion, je ne sais pas ! Leur existence, leur envie d’y aller tout simplement. C’est merveilleux.

J’ai beaucoup de chance parce que je les vois à un moment où ils sont encore aux balbutiements de leur projet artistique. Mais j’en suis sûr : pour la plupart, ils vont faire des choses, j’en suis persuadé. J’ai vu des profils avec peut-être moins de charisme aller loin. Là, ils ont tous un charisme impressionnant.

Je suis persuadé que l’on va pouvoir écouter, entendre, voir ce qu’ils proposeront dans les prochaines années. Et ça c’est très excitant pour moi.

Quand on est jeune, qu’on est encore dans le système éducatif, il y a quelque chose qui nous pousse à l’uniformisation, à l’homogénéité. On ne cultive pas la singularité, au contraire. On voit d’ailleurs à l’école, c’est bien quand on a la moyenne et cette idée de moyenne, « il faut être dans la moyenne », et c’est donc peut-être ça que j’ai envie de leur transmettre : c’est cette idée d’être soi. Je trouve que c’est la chose la plus compliquée. Leur dire aussi que tout est possible, en fait. S’il y a quelque chose dont ils rêvent, pourquoi pas ? C’est possible, quoi. Si au moins il y a quelque chose qu’ils peuvent retenir, c’est que l’on peut être un groupe hétéroclite, on peut avoir des univers très différents. Mais on peut se rejoindre sur plein de choses. Il n’y a pas de possibilité de faire un voyage artistique si on échange pas avec les autres.

« Penser global, agir local »

En plus du slogan, ça doit être le combat de notre génération. On voit plein de projets qui émergent et qui sont vivants, qui existent de cette façon-là. La première fois que j’ai entendu ça, c’est avec Aminata Traoré, j’avais lu ses bouquins… Donc une économiste malienne. Comment, quand on est un paysan au Mali, on peut être sur son lopin de terre mais qu’on doit aussi avoir conscience du monde dans lequel on vit, on doit créer des ponts avec des paysans à l’autre bout du monde. Je crois qu’ici aussi on est dans un lieu comme ça… Mains d’Oeuvres, le projet Levi’s… C’est la même chose. Nous, on fait ça ici, mais dans d’autres villes du monde il y a aussi d’autres artistes, d’autres groupes de jeunes qui s’inscrivent dans leur territoire pour essayer aussi de créer les ponts.

L’ARBRE À PALABRES

Je clique sur l’arbre à palabres. Je dis d’ailleurs que le cybercafé a remplacé l’arbre à palabres, aujourd’hui. L’arbre à palabres, c’est cet arbre dans le village où les gens se rassemblent en dessous pour parler des affaires du village, pour se raconter des histoires. C’est le lieu de la sociabilité. C’est le lieu de la rencontre. C’est l’idée du cercle, et c’est d’ailleurs une idée qu’on retrouve dans la culture Hip-hop avec le cypher… C’est l’idée de toute société humaine à partir du moment où on a inventé le feu : on s’est mis autour du feu et on a commencé à se raconter des histoires.

Tant qu’on continuera de se rencontrer, on continuera de faire société. Pour moi, le risque c’est de ne plus se rencontrer. On voit bien qu’aujourd’hui, on a tellement d’outils qui permettent de faire croire que l’on se rencontre, mais finalement nous laissent dans des solitudes… On multiplie nos solitudes. Les écrans ça reste des écrans, et pour moi c’est un leurre de penser que ça remplacera la vraie rencontre humaine. Faire passer tout son être dans du virtuel, je trouve d’une certaine façon c’est se dissoudre, mais ça, ça n’engage que moi…

Je me souviens d’une conversation que j’avais eue avec Oxmo Puccino, qui était la première personne qui avait écouté le mix de mon album Pili-Pili sur un Croissant au Beurre. C’est une personne qui pour moi était essentielle dans mon parcours, et quand j’ai terminé ce premier album solo – qui m’avait pris des années à faire, qui était un album chargé émotionnellement – je m’étais dit que ça serait important pour moi qu’Oxmo Puccino ait la primeur de l’écoute.

Donc Oxmo Puccino était venu et il m’avait fait un retour que je n’avais pas du tout compris. Il m’avait dit : « il y a trop de mots », « il faut que tu enlèves »… Et c’est vrai qu’au contraire, moi, ce que j’aimais aussi dans le rap, c’était ça : la forme de transe que peut procurer l’excès de mots.

Par exemple, « Demain c’est loin », à un moment donné il y a tellement de mots, il y a tellement d’images projetées, de condensé de poésie, de fulgurances… X’est comme si on était assailli. Et ça me procure aussi une forme de transe émotionnelle. Cet album, je le concevais aussi de cette façon-là. Et c’est vrai que là, depuis quelques années, je commence à comprendre ce qu’il voulait dire.

On peut dire beaucoup avec moins. Et je crois que cela va être le travail de mes prochaines années.

J’ai aussi compris une chose : c’est que le format de la chanson est un format qui ne permet pas tout. Et c’est pour ça que je suis allé vers le roman, c’est à dire que je me sentais étriqué dans les chansons et, surtout, je sentais que la discussion n’était pas possible avec le public sur certains aspects de la chanson. Il y a cette chanson, « L’ennui des après-midi sans fin », qui est une chanson très importante pour moi, mais elle n’a pas été comprise, cette chanson.

« L’ennui des après-midis sans fin », de Gaël Faye.

On me disait qu’elle était trop longue, qu’elle était ennuyeuse. D’ailleurs Oxmo m’a dit qu’elle était ennuyeuse ! Alors qu’au contraire, il y avait un souci de ramasser. Elle dure quatre minutes mais j’aurais pu faire une chanson de vingt minutes ! Je me suis dit : « voilà, en fait j’écris, donc il ne faut pas que je m’embarrasse des formats ». Si je n’y arrive pas dans la chanson, si la porte est fermée là, il y a d’autres portes qui peuvent s’ouvrir.

C’est ça aussi que j’ai envie de transmettre aux jeunes des ateliers : il ne faut pas se brider avec les formats. On se met trop de barrières, de frontières… On peut s’exprimer de tellement de façons différentes.

LE SLAM OU LE RAP ?

Gaël Faye : Qu’est-ce que c’est que le slam ? C’est quoi ce truc qu’on nous a inventé ? Non mais vraiment ! En plus, je peux en parler de façon très apaisée parce que moi j’ai vraiment fréquenté les scènes slam, qui existent vraiment. C’est un lieu, tu as une scène, tu es un public parce que tu écoutes les autres, et à un moment donné tu montes sur la scène, tu fais un texte a capella et puis tu redescends et tu redeviens public. En fait c’est cet échange-là. Les scènes slam permettaient cet échange-là. Donc c’est un cadre. Pour moi ça reste un cadre.

Quand Grand Corps Malade a sorti son album, on s’est dit « tiens, c’est ça : c’est un type qui parle avec un piano, qui fait des rimes, et donc c’est ça le slam, on ralentit un peu le débit ». Je ne sais pas, mais à la limite dans la chanson française, on avait déjà eu ça ! Même dans le rap, j’écoutais du Kery James, il y avait des moments c’était ça. Même du Diam’s à l’époque c’était ça, piano-voix. On ne disait pas que c’était du slam.

Je crois simplement – j’ai un début de réponse – que ça a été un argument pour beaucoup d’institutions qui avaient peur du rap, et qui se sont dit « tiens on a trouvé une appellation qui est moins chargée, moins connotée négativement et qui va permettre de garder un lien avec les jeunes sans qu’on dise que c’est du rap. »

Et je me souviens, quand on se présentait, on disait : « on fait du slam », les portes s’ouvraient… Je me souviens, on a fait une soirée au Louvre. Carrément ! Mais voilà, on allait dans les bibliothèques, alors que si on était venus en disant « on fait du rap », ça ne marchait pas. Et cette chose-là a été très mal vécue par le milieu du rap. Au lieu de se dire « mais non, en fait on est en train de nous diviser », il y a eu une espèce de rejet de l’état d’esprit des scènes slam.

Je crois qu’il y a un état d’esprit dont le milieu rap des années 2000 aurait pu s’inspirer. Parce que le milieu rap des années 2000, c’était quand même un peu compliqué… Ce n’était pas « good vibes », quoi. Après, il y a eu les Rap Contenders, on est revenus à un truc où on se voyait pour de vrai… Mais il y a eu une période où il n’y avait plus de B-boys, et puis on n’avait pas encore l’émergence de la nouvelle scène. Il y a eu un vide pendant dix ans, et que – je trouve – les scènes slam ont bien comblé, où d’un coup on pouvait se rencontrer, faire des textes, peu importe… De la poésie ou du rap a cappella, peu importe.

Mais je pense que quand on dit que je fais du slam, c’est parce qu’on ne comprend pas ce que je fais.

On ne voit pas d’où je viens, je ne sais pas trop, mon parcours… Mais que ce soit pour les gens du rap, ou pour les gens de la littérature… Je suis vraiment un métisse dans tout ce que je fais : je suis toujours l’autre de quelqu’un.


VIVRE UTILE 

Clique : À la fin de ton docu, il y a une phrase que j’aime beaucoup, qui apparemment t’a été soufflée par ton pote qui s’appellerait « Capitaine ». Est-ce que tu t’en rappelles, ou pas ?

Gaël Faye : Bien sûr. « Essayons de faire des choses pour vivre utile ». C’est une phrase qui m’avait marqué. Il m’avait dit cette phrase parce que j’avais fait cet album, qui est un album un peu maudit quand même, dans sa sortie, dans l’exploitation, dans plein de choses… Mais qui m’avait quand même permis de faire un pont entre ce passé compliqué et cette vie au Burundi, au Rwanda… Et puis mon présent et qui m’avait permis aussi de retrouver un nouveau départ.

D’ailleurs, dans le documentaire, on me voit dans Kigali et je dis : « un jour j’aimerais bien revenir vivre ici pour connaître le pays ». Et c’est ce que j’ai fait après cet album. Je suis allé m’installer à Kigali pendant deux ans et je pense qu’il n’y aurait pas eu tout le processus émotionnel, intellectuel que m’a permis d’avoir cet album. Je n’aurais peut être pas sauté le pas, donc c’est pour ça je crois aussi que créer ça permet aussi d’avancer en soi. Pour moi, c’est une recherche, c’est non seulement une recherche mais c’est aussi un combat, c’est se remettre en question ; créer, c’est se dire qu’on est dans l’éphémère, mais faisons quelque chose de cet éphémère.

En mai 2019, le programme Levi’s® Music Project se terminera en beauté par un concert, au cours desquels les treize participants du projet et Gaël Faye se partageront la scène. D’ici là, vous pouvez (re)écouter le EP Des Fleurs sur toutes les plateformes de streaming et dans les bacs.

Image à la une : Extrait du Clique By Gaël Faye.

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