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Société
Par Laura Aronica

Clique x Paul Éluard : « Paris, fine comme une aiguille forte comme une épée »

Un texte d'espoir, pour que la détresse de Paris s’efface, et que la terreur ne soit plus qu’un spectre qu’on balaye d’un sourire - sans même y penser.

Enfant, Eugène Grindel est bien fragile. Sa vie parisienne, qu'il entame en 1908, à 13 ans, lorsque sa famille quitte Saint-Denis, est entrecoupée de séjours en sanatoriums censés soigner sa tuberculose. Il a beau être frêle, ça ne l'empêchera pas d'être mobilisé lors de la Première Guerre Mondiale, d'affirmer son génie poétique sous le pseudonyme de Paul Éluard et de devenir, bien des années plus tard, une figure de la Résistance littéraire française. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, sa ferveur dans l’écriture clandestine le place à la tête de la zone nord du Comité national des écrivains (une émanation du Parti communiste, où il est encarté). Pour encourager les Résistants, on parachute ses textes : lâchées dans les airs par l’aviation anglaise en guise de munitions, des milliers de copies de son poème « Liberté », écrit en 1941, viennent fleurir le maquis. Le poème qui suit, publié en 1944, raconte un Paris occupé, affaibli mais tenace ; comme le roseau de La Fontaine, il plie mais ne cède pas. Privée des ses atours, misérable mais belle, la capitale montre ce qui fonde sa vraie richesse : son courage, son humanité et l'amour de sa liberté.
Paul Éluard, "Courage" - in "Au rendez-vous allemand" (1944)
"Paris a froid Paris a faim Paris ne mange plus de marrons dans la rue Paris a mis de vieux vêtements de vieille Paris dort tout debout sans air dans le métro Plus de malheur encore est imposé aux pauvres Et la sagesse et la folie De Paris malheureux C’est l’air pur c’est le feu C’est la beauté c’est la bonté De ses travailleurs affamés
Ne crie pas au secours Paris Tu es vivant d’une vie sans égale
Et derrière la nudité De ta pâleur de ta maigreur Tout ce qui est humain se révèle en tes yeux Paris ma belle ville Fine comme une aiguille forte comme une épée Ingénue et savante Tu ne supportes pas l’injustice Pour toi c’est le seul désordre Tu vas te libérer Paris Paris tremblant comme une étoile Notre espoir survivant Tu vas te libérer de la fatigue et de la boue Frères ayons du courage Nous qui ne sommes pas casqués Ni bottés ni gantés ni bien élevés Un rayon s’allume en nos veines Notre lumière nous revient Les meilleurs d’entre nous sont morts pour nous Et voici que leur sang retrouve notre coeur Et c’est de nouveau le matin un matin de Paris La pointe de la délivrance L’espace du printemps naissant La force idiote a le dessous Ces esclaves nos ennemis S’ils ont compris S’ils sont capables de comprendre Vont se lever".
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