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Pourquoi on l'aime
Par Jalal Kahlioui

Pourquoi on l’aime : Casey Neistat, le YouTubeur aux portes de CNN

Le 19 novembre 2016, le vidéaste Casey Neistat annonçait sur sa chaine YouTube qu'il arrêtait sa publication quotidienne de vlogs (contraction de blog et vidéo, censés mettre en scène la vie de l'auteur) pour se consacrer à d'autres projets. Dix jours plus tard, le 28 novembre dernier, le monde apprend que CNN venait de racheter l'application Beme, co-fondée par Casey Neistat et Matt Hackett, pour 25 millions de dollars.

À lui seul, Casey Neistat comptabilise presque 6 millions d’abonnés sur YouTube, et ses vidéos ont été visionnées plus d’un milliard de fois.

Par sa maitrise de l’art du story-telling, le récit de son histoire personnelle, ainsi que son discours ultra-positif, Casey Neistat est devenu un des personnages récurrents de la plateforme Youtube. Ses vlogs quotidiens se sont imposés en moins de deux ans comme un rendez-vous incontournable pour de nombreux fans.

À 35 ans, le YouTubeur le plus connu de la planète est à l’aube d’un nouveau défi: créer un média à portée internationale. Derrière lui, un des monstres mondiaux de la production d’informations : la chaine d’information en continu américaine CNN vient de racheter pour 25 millions de dollars son application Beme (co-fondée avec Matt Hackett, ancien de Tumblr). Beme (qui va cesser de fonctionner le 31 décembre prochain) se présente comme le réseau social anti-selfie. Pour prendre une vidéo, l’utilisateur devait placer son téléphone sur sa poitrine comme s’il faisait partie de lui.


Lors de sa dernière vidéo, Casey explique en 5 étapes, l’accord signé avec CNN. 

Le groupe médiatique voit dans Casey Neistat le potentiel numérique capable de capter une audience volatile qui fuit les médias traditionnels, mais très appréciée des annonceurs : les millenials : les jeunes nés dans les années 1990/2000 et qui ont grandi avec les codes sociaux et culturels générés par la diffusion d’Internet.


15 millions de vues pour cette vidéo de snowboard dans New-York. 

Si le style Neistat peut apparaître clivant avec ses prises de vue en selfie permanentes, son ton parfois un peu trop moralisateur, et la mise en scène de sa vie (proche de la télé-réalité), l’Américain inspire par ses prises de risques, son ambition professionnelle débordante, et son hyper-activité qui peut friser le surmenage. Avant de découvrir ce que sa collaboration avec CNN va donner, voici quelques raisons qui nous poussent à croire en lui.

Une succes-story à l’américaine (qui fait du bien). 

Né dans le Connecticut en 1981, Casey Neistat grandit dans le petit village de Gales Ferry. Loin de faire partie des premiers de la classe, l’adolescent enchaîne les conneries et les bagarres jusqu’à se faire expulser du lycée. Papa à 17 ans du petit Owen, Casey se retrouve obligé d’enchaîner les petits boulots. Plongeur, cuisinier, tout est bon à prendre pour le jeune homme qui doit subvenir aux besoins de sa famille. Mais alors qu’il commence à se passionner pour la vidéo pendant qu’il filme son fils, la situation se complique.


Comme de nombreux YouTubeurs, Casey Neistat n’a pas échappé à l’épisode « Draw my life ».

À bout de nerfs et de force après sa rupture avec la mère de son fils, Casey décide de repartir de zéro, dans une ville qu’il fantasme depuis près de cinq ans : New-York. Il y déménage en juin 2001. Passé le traumatisme du 11 septembre, le jeune vidéaste s’associe à son frère Van et commence peu à peu à vivre de la production vidéo.

Leur premier gros coup : en 2006, ils dénoncent dans une vidéo l’obsolescence programmée des batteries des iPods. La vidéo est vue plus de six millions de fois… trois ans avant la création de Youtube.

Deux ans plus tard, la chaîne HBO (qui produira la série Games of Thrones, entre autres) commande aux frères Neistat un série de huit épisodes sur leurs aventures : The Neistat Brothers est diffusé en 2010.


The Neistat Brothers, produit par HBO. 

Malgré le prestige d’HBO, c’est bien YouTube qui va servir d’arène à Casey, qui roule désormais en solo. Alors qu’il enchaîne les vidéos tantôt citoyennes, tantôt publicitaires avec plusieurs coups d’éclats à son actif :

  • Le 16 décembre 2013 : Il se sert d’un budget publicitaire pour faire de l’humanitaire. 

Lorsque la communication de la 21th Century Fox demande à Casey Neistat de réaliser une vidéo pour la sortie du film La vie rêvée de Walter Mitty (réalisée par Ben Stiller). Le réalisateur prend la devise du film à la lettre et se sert du budget accordé pour réaliser une mission humanitaires aux Phillipines, alors touchées par le typhon Haiyan.


Près de six millions de vues pour ce détournement humanitaire d’une campagne publicitaire. 

  • 1er janvier 2012 : Le jour ou Casey Neistat a donné une leçon de romantisme au monde. 

Alors que sa copine Candice (devenue sa femme) est chez ses parents en Afrique du Sud, Casey décide la veille de la saint-sylvestre de rejoindre sa dulcinée sur un coup de tête. L’Américain s’engage alors dans une course contre la montre en avion et filme son aventure. Résultat : la meilleure surprise du monde pour Candice et une master-class amoureuse apportée au Web.


Un voyage de près de 24 heures de New-York vers l’Afrique du Sud. 

  • 26 mars 2015 : Les débuts de Casey dans le vlog

Alors que le style alliant récit personnel et vidéo tend à se populariser, Casey Neistat masterise le genre. Plus de 500 vidéos plus tard, le vidéaste est devenu le représentant officiel du vlog.


Le 26 mars 2015 : début de l’aventure du vlog pour Casey. 

Les compteurs de vues explosent devant cette mise en scène ultra-moderne de la vie d’un jeune trentenaire new-yorkais super actif. Casey enchaîne les heures de vol autour d’un monde connecté dont il devient le héros ordinaire.

Un style qui décomplexe les futurs cinéastes. 

Loin de la mise en scène géométrique d’un Wes Anderson, ou du dernier clip de Jain (réalisé par Greg et Lio), Casey Neistat assume un style artisanal, où les titres sont écrits grossièrement à la main sur des feuilles en papier qui trainent. Casey ne fait de complexe et enchaîne les formats filmés à l’iPhone, à l’appareil photo professionnel ou à la GoPro.

L’important pour lui ne réside pas dans la forme, mais le fond. Si l’histoire vaut le coup, le reste suivra.

Neistat n’a pas suivi de cours dans des écoles de cinéma, sa maîtrise de la vidéo provient de son expérience monstrueuse passée à filmer pendant des heures son fils, sa femme et la ville de New-York. Il en est devenu le guide attitré pour des millions d’abonnés à bord de son Boosted Board.


Le vidéaste s’est aussi fait connaître par ses tests, ici ce sont les « vélibs » new-yorkais qui ont été mis à l’épreuve. 

Même instinctivité pour le choix du matériel : Casey va au plus simple et au plus efficace. Grand habitué de la marque Canon, le vidéaste n’accorde pas pour autant une grande importance à son équipement, tant qu’il lui permet de faire les meilleures images possibles sans trop réfléchir. Ses recommandations sont très suivies par les vlogueurs et suscitent de nombreux commentaires.

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Une photo publiée par Casey Neistat (@caseyneistat) le

Pour autant, le new-yorkais ne cesse de le répéter à longueur de vidéo : même un téléphone portable peut convenir, tant que l’histoire vaut le coup d’être racontée. Même chose pour les logiciels de montage basiques qui peuvent être utilisés (et dont les licences professionnelles peuvent coûter jusqu’à mille euros).

Le dépassement de soi, le cheval de bataille de Casey Neistat. 

casey-neistat_make-it-count-nike_clip_1Le tatouage utilitaire selon Casey Neistat. 

« Do More ». L’Américain a inscrit son leitmotiv jusque dans sa peau. Ce que recherche Casey (un peu plus que les autres) c’est le challenge. À longueur de vidéos, le YouTubeur ne cesse de répéter son envie et ses difficultés à se sortir de sa zone de confort : de simple caméraman, il s’est essayé à l’exercice du journalisme et à la publicité.


La campagne de publicité pour Nike Fuel par Casey Neistat. 

Casey Neistat enchaîne les corps de métiers avec toujours un seul but en tête : tenter de repousser ses limites.

Lors de sa période de vlog, le réalisateur a installé de nombreuses séquences signatures : le timelapse d’ouverture, la réception des courriers que les fans ou les marques peuvent lui envoyer… Mais c’est pendant son fameux Q&A (des sessions de questions-réponses) que l’Américain imprime sa pâte : Neistat s’est transformé pour une partie de son audience en une sorte de coach virtuel.

La tolérance, la passion, le dépassement de soi : autant de valeurs que le réalisateur distille en s’appuyant sur son expérience personnelle.

Preuve de cet engouement : des dizaines de compilations de ses précieux conseils pullulent sur Youtube (Casey Neistat, A Guide to Life), et compte plusieurs centaines de milliers de vues.

« Dans la vie, on ne devrait faire qu’une ou deux choses : trouver ce qui te passionne le plus. Et la deuxième : tout mettre en oeuvre pour réaliser ce rêve. La première étape est beaucoup plus dure que la deuxième. Voici comment je vois les choses depuis le début : j’essaie de me concentrer sur ce que j’ai envie de faire toute la journée et tous les jours. Est-ce que c’est là que j’ai envie d’être ? » – Casey Neistat.


Le titre de ces compilations : « Casey Neistat – A Guide to Life » (Un guide pour la vie). 

Il n’y a pas que face caméra que Casey Neistat prêche la bonne parole. Depuis quelques années, le New-yorkais enchaîne les conférences autour du monde, quitte à pulvériser son bilan carbone.

La force de frappe Neistat. 

En septembre dernier, son ami Marlan Franklyn, le livreur UPS qui lui amène son courrier tous les jours, se retrouve dans l’impossibilité de couvrir les frais de santé de sa sœur qui souffre de diabète. 24 heures après évoqué le sort de sa sœur dans le vlog de Casey Neistat, plus de 150 000 dollars sont récoltés. Un exemple parmi tant d’autres du potentiel viral de l’homme qui maitrise à la perfection l’outil YouTube (et dont il tire la majorité de ses revenus via les publicités diffusées avant ses vlogs).


En moins d’une journée, Casey a réussi à lever 151 797 dollars.

Avec le rachat de son application Beme par le puissant groupe CNN, Casey Neistat démontre sa puissance de frappe médiatique. Dans une interview accordée au New York Times le 28 novembre dernier, Andrew Morse, chef du digital chez CNN, expliquait le choix du groupe. « Casey touche un public très puissant, proche des six millions de personnes, dont la plupart ne regardent pas CNN. Pour construire une vraie audience, nous pensons que nous devons construire quelque chose de nouveau ». 

Neistat Clique.tv

Le modèle de l’anchor-man (présentateur télévision), ne fait pas partie des options de Neistat. 

S’il a promis à ses fans de ne pas devenir le nouvel « homme-tronc » de CNN, rien n’a pour l’instant filtré sur cette collaboration ambitieuse que le monde médiatique observe avec intérêt.

« Une grande part de mon public regarde les informations et les médias comme un truc complètement mort. Mon père les regarde comme s’il s’agissait de paroles divines, mais je pense ce n’est définitivement pas le cas des jeunes ». Casey Neistat – New York Times, 28/11/2016.

À l’heure de la recherche perpétuelle de modèle viable pour les médias en ligne, Neistat compte bien apporter une tentative de réponse. À trente-cinq ans, le New-yorkais s’engage dans sa plus grande aventure… Jusqu’à la prochaine.

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