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Société
Par Fanny Marlier

Comment fête-t-on Noël en prison ?

Pour beaucoup, les fêtes de fin d’années signifient retrouvailles en famille. Et en prison alors ? C’est une période particulièrement difficile pour les détenus, même si des efforts sont faits… Peut-on parler de fête en prison ?

24 décembre 2005. Christophe de La Condamine ouvre délicatement son petit pot de foie gras et entame ses 200 grammes de Comté. Il vient tout juste d’être condamné à six de réclusion criminelle. C’est son premier Noël derrière les barreaux. « En prison, le sentiment de tristesse est amplifié. Et la période des fêtes de fin d’année est encore plus difficile… raconte cet ex-détenu de la maison d’arrêt de Saintes (Charentes-Maritime), Les visiteurs, les avocats et même parfois la famille, partent en vacances pendant les fêtes. On aimerait passer Noël avec nos proches mais on est isolé… Et là, c’est le grand coup de déprime. » Administration pénitentiaire, aumôniers et associations tentent alors d’apporter un peu de festif dans la vie de la prison.

Cette année, le ministère de la Justice l’assure : l’état d’urgence ne privera pas les prisonniers de cadeaux. Comme chaque mois de décembre, les proches des détenus – titulaires d’un permis de visite ou autorisés par le chef d’établissement – peuvent, pendant la période des fêtes, leur faire parvenir des colis un peu plus fournis que d’habitude. Le colis de Noël est très précieux pour les détenus. « C’est le seul moment de l’année où les familles peuvent apporter de la nourriture », remarque Delphine Payen-Fourment, coordinatrice inter-régionale Sud Ouest de l’Observatoire International des Prisons (O.I.P).

Papier cadeau interdit

Chaque détenu peut alors recevoir un colis d’un poids maximal de cinq kilos. Les emballages en verre sont interdits, tout comme le papier aluminium. Les colis ne peuvent pas non plus être emballés dans du papier cadeau : les surveillants pénitentiaires seraient obligés de le déchirer pour pouvoir voir à l’intérieur du paquet. Il doit être accompagné d’un inventaire signé, qui liste le nombre de produits envoyés. Et sera ensuite passé dans le tunnel à rayons X. « Tout ce qui peut blesser, couper est interdit », résume la fiche des colis des fin d’année réalisée par l’administration pénitentiaire placardée un peu partout sur les murs des prisons. Les liquides, l’alcool, les denrées périssables, les parfums, les produits d’hygiène, le cannabis, l’argent ou les bijoux sont également prohibés.

« Les colis permettent de se mettre dans un monde un peu festif, on reçoit des chocolats ou du saucisson. Les familles essaient de marquer le coup », confie Christophe de La Condamine, aujourd’hui membre du Conseil d’administration de l’O.I.P.

Le risque ? « Se faire racketter, car en détention, n’importe quel objet suscite l’envie ».

Un air de Noël

La plupart des maisons d’arrêt améliorent quelque peu les repas du midi des 25 décembre et 1er janvier, mais il faudra le manger dans sa cellule. « On recevait une petite pâtisserie avec la gamelle. Mais on le payait immédiatement, puisque le soir on avait juste une tranche de jambon et une macédoine de légumes », se souvient l’ex-détenu de la maison d’arrêt de Saintes.

L’administration pénitentiaire fait aussi quelques efforts, elle augmente le nombre de produits « cantinables » (ceux que les détenus peuvent acheter à l’aide d’un catalogue appelé « la cantine ») et installe quelques sapins à l’entrée des quartiers. Au mois de décembre, le Secours catholique apporte les traditionnelles boîtes de chocolats et un peu de papiers à lettre pour que les détenus écrivent à leurs proches. Il peut aussi parfois offrir des colis de Noël aux détenus n’ayant plus de famille. « Cette année, le Secours Catholique va par exemple distribuer 80 colis ici », explique Paul Genoulaz, l’aumônier catholique de la maison d’arrêt de Varces (Isère).

Période à risque

Les associations essaient d’organiser plusieurs animations : concerts, spectacles pour les enfants dans les Unités de visites familiales (des appartements réservés aux familles pour 6 à 72 heures que l’on trouve dans les centres pénitentiaires, pour ceux qui ont écopé de très longues peines). La Croix-Rouge achète aussi des cadeaux pour que les pères puissent les donner à leurs enfants au parloir.

Les aumôniers mettent en place plusieurs événements comme la messe de Noël, et prend le soin d’être un peu plus présent pour les détenus. « C’est une période très sensible pour les détenus, surtout quand c’est leur premier Noël en prison, tous les souvenirs remontent à la surface. En tant qu’aumônier, on essaie d’apporter un peu d’humanité », assure Paul Genoulaz. L’aumônier rend alors visite aux détenus qui le demandent, et devient souvent un confident pour eux.

« Nous veillons aussi à détecter si certains prisonniers vont vraiment mal, dans un but de prévention des suicides », confie l’aumônier.

Cette année en tout cas, Christophe de La Condamine, ex-détenu, passera Noël en famille, loin des barreaux de la maison d’arrêt de Saintes, et autour d’un grand repas. « Mais bien sûr, j’aurais une pensée pour ceux qui ne sont pas encore sorti, et qui passerons les fêtes en cellule ».

« Journal de Taule », de Christophe de La Condamine (Éd. L’Harmattan, 2011)
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