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Littérature

LE LIVRE DU MOIS : « The Hate U Give », le bestseller sur les violences policières qui cite 2Pac et Drake

C’est l’un de nos regrets sur le site Clique : par manque de temps, on trouve qu’on ne vous parle pas assez de livres (une chose que fait très bien, de son côté, l’émission Clique Dimanche). Et parfois, il y a des livres qui s’imposent d’eux-mêmes à nous, tant ils cristallisent toutes nos préoccupations et résonnent avec notre époque. The Hate U Give d’Angie Thomas, qui sort en français ce 5 avril, est l’une de ces évidences.

Ce roman pour young adults suit le parcours de Starr, une jeune afro-américaine timide qui a grandi dans un quartier défavorisé et qui, à la demande de ses parents, se retrouve scolarisée dans un lycée dans une banlieue aisée. La jeune fille a du mal à trouver sa place et compartimente ces deux univers : dans son quartier, elle ne veut pas donner l’impression de se renier ; dans son lycée, elle ne veut pas avoir l’air pauvre ou « infréquentable »…

Mais un soir, tout bascule. Alors qu’elle rentre de soirée, Starr et son ami Khalil sont contrôlés par la police. Le contrôle dégénère et Khalil est abattu par un officier de police, sous les yeux de Starr.

La jeune fille fait alors face à un choix : si elle témoigne, elle devient une personnalité publique, va subir des pressions et devoir révéler une part de sa vie à ses amis du lycée. Si elle se tait, seule la version de la police sera entendue. Évidemment, la décision est plus compliquée qu’elle n’en a l’air, surtout quand viennent s’y greffer des histoires de famille, des embrouilles de gangs et quelques secrets que personne n’a envie d’entendre…

Couverture de The Hate U Give, d’Angie Thomas.

Ce roman est le premier livre de l’auteure américaine Angie Thomas. Quand elle était ado, Angie faisait du rap ; un passé qui se ressent autant dans son écriture (courte, très directe) que dans ses influences. En effet, le titre initial était The Hate U Give Little Infants Fuck Everybody, « La Haine que Vous Transmettez aux Enfants Nique Tout le Monde », un message qui résume tous les enjeux du livre, mais qui a surtout une origine qui devrait vous parler :

Le titre du livre est un acronyme du légendaire tatouage « T.H.U.G. L.I.F.E. » de 2Pac.

Au-delà de ce clin d’œil génial, Angie Thomas nous a frappé par la modernité totale de son écriture. Dès les quinze premières pages, il est question de racisme ordinaire, de flirt numérique, d’appropriation culturelle, mais aussi de Drake et de l’enfer des revendeurs de sneakers (oui oui). Si T.H.U.G. réjouit par la justesse de son portrait de la jeunesse et son obsession de la culture pop (des passages réjouissants citent Le Prince de Bel-Air, Twitter, Harry Potter ou encore WorldStarHiphop), c’est surtout son analyse chirurgicale des affaires de violences policières qui impressionne.

Adama Traoré est décédé lors d’une interpellation. Assa et Youssouf Traoré, sa sœur et son frère, s’expriment chez Clique en janvier 2017.

T.H.U.G a beau être une fiction, il s’appuie tellement sur le réel qu’il prend parfois des airs d’essai documentaire. Evidemment, il puise sa triste inspiration dans les meurtres de personnes noires par des policiers américains, et qui ont entraîné la création du mouvement Black Lives Matter en 2013. Sans jamais (complètement) verser dans l’angélisme ni le manichéisme, Angie Thomas dépeint des communautés qui cohabitent sans parvenir à communiquer, et dans lesquelles tout tourne finalement autour des mêmes questions :

Qui est responsable de quoi ? Et qui est prêt à l’assumer ?

Éducation, violence, drogue, pauvreté, réussite, amour… Derrière un fait divers a priori anecdotique, c’est le fondement même de la société qui est remis en cause. Surtout, Angie Thomas décortique avec minutie les cheminements psychologiques des victimes et leur entourage, la construction du racisme, mais aussi les mécanismes systém(at)iques qui se mettent en place après chaque drame de ce type : criminalisation des victimes, occupation médiatique, bataille juridique, violences urbaines…

À la lecture de T.H.U.G., difficile de ne pas penser à Menace II Society et Boyz N The Hood, les « films de quartier » cultes des années 90 : vingt ans plus tard, les choses ont-elles vraiment changé ? Le texte coup de poing d’Angie Thomas a tout pour devenir lui aussi un manifeste générationnel. Il leur offre un pendant féministe et, surtout, bien moins nihiliste : les quartiers défavorisés savent désormais s’organiser, se mobiliser, et ont remporté leurs premières victoires.
Le combat continue…

Aux État-Unis, T.H.U.G. est déjà culte : il a été numéro un des ventes young adults dans le classement du New York Times pendant plus de six mois (plus de 300 000 exemplaires écoulés) et a été couvert de prix. La Fox a même déjà tourné une adaptation cinématographique du livre, qui devrait sortir l’an prochain.

C’est la comédienne Amandla Stenberg, vue dans Hunger Games et la série Sleepy Hollow, qui a décroché le rôle de Starr. Un choix malin : la jeune fille de 19 ans est l’une des icônes montantes de l’afro-féminisme aux Etats-Unis. Elle-même auteure de fiction engagée, elle est apparue dans Lemonade aux côtés de la reine-mère Beyoncé. La validation suprême.

Amandla Stenberg dans Lemonade.

En revanche, le YouTuber qui incarnait le petit ami de Starr dans le film vient de se retrouver au cœur d’une sérieuse polémique. Une vidéo dans laquelle il utilisait des termes racistes (notamment le n word) a fait surface, entraînant son renvoi immédiat du film et de son agence de management. Le tournage étant fini, la production a dû re-filmer toutes ses scènes… Son remplaçant ? L’acteur K.J. Apa, star de la série Riverdale dans laquelle il incarne Archie, l’icône absolue de l’Americana, ce folklore d’une certaine culture américaine nostalgique et rurale, adulé par Trump.

Dans le film T.H.U.G., il va devoir essayer de comprendre et accepter le cheminement de sa petite-amie afro-américaine.
Le symbole n’en est que plus fort.

The Hate U Give (éditions Nathan) est disponible dès aujourd’hui dans toutes les librairies (17,95 euros).

Image à la Une : détail de la couverture de The Hate U Give d’Angie Thomas.

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