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Musique
Par Noé Michalon

QUI ES-TU… Joel Sebunjo, musicien ougandais

Passé maître dans le maniement de la kora, un instrument traditionnel ouest-africain, Joel Sebunjo veut être une passerelle entre son Afrique de l'est natale et l'Afrique de l'ouest qu'il découvre et qui le découvre. À peine trentenaire, il a reçu en 2013 le prix Visa pour la création de l'Institut français.

Qui es-tu ?
Je suis un chanteur et joueur de kora ougandais, né en 1984. J’ai grandi à Kampala, la capitale de l’Ouganda donc, d’où mes parents sont originaires.

Comment es-tu arrivé à la musique ?
J’ai commencé à jouer très jeune avec des instruments ougandais, la madinda, une sorte de xylophone, et le ndongo, une lyre à huit cordes. J’ai été initié par un musicien traditionnel, qui travaillait pour le Muséum d’Ouganda. Puis, je suis allé faire des études en musicologie à l’université Makerere, toujours dans la capitale.

Quelles sont tes influences musicales ?
J’étais très intéressé par la culture de mon propre pays à cette époque, avant de découvrir plus tard la musique ouest-africaine. Donc ce sont d’abord Albert Ssempeke et Evaristo Muyinda, deux grands musiciens traditionnels ougandais, qui m’ont inspiré. Puis j’ai rencontré Toumani Diabaté, grand joueur malien de Kora, au Danemark. J’ai ensuite approfondi ma découverte de cet instrument en allant sur Internet, en achetant des CDs…

Qu’est-ce qui t’a poussé à te mettre à jouer de cet instrument ?
Il y a 21 cordes sur une kora, tu peux faire des tas de choses avec ! Avec les instruments ougandais que j’utilisais jusque là, on n’a que cinq notes, tandis qu’avec ce nouvel instrument je peux improviser, jouer des accompagnements pour reggae, rap ou même techno. Du coup, j’ai appris à jouer en Gambie, en Afrique de l’Ouest, auprès de Djeli Aladji Mbaye, le maître de la kora dans ce pays, qui a été un mentor pour moi.

Qu’est-ce qui t’inspire pour écrire tes textes ?
En général, ce sont les histoires de mon pays, basées sur les contes traditionnels de mon peuple. Je pense souvent à la musique de mon village, je m’appuie sur le folklore, les traditions et les légendes de mes grands-parents. J’aime aussi parler des problèmes africains, chanter pour la libération de l’Afrique.

Quelle est ta vision de l’Afrique, justement ? Tu es optimiste ?
Je suis un Panafricaniste. Je suis heureux de vivre sur ce continent. Il existe une identité africaine, et j’aime la mettre en avant. Comme partout dans le monde, il y a de bons et de mauvais côtés, et en général les gens ne parlent que des mauvais concernant l’Afrique. Il faudrait être plus positif, il se passe de bonnes choses que les gens devraient regarder d’un peu plus près. Si quelqu’un se promène en ville dans une grosse voiture, personne ne dit rien. Mais dès qu’il y a un problème, tout le monde s’y met. J’espère une révolution africaine, tout comme vous avez eu une révolution en France, et vous l’avez faite sans demander de l’aide à personne.

Tu espères cette révolution en Ouganda ?
Elle peut arriver partout. La révolution doit en tous cas passer par l’éducation du peuple. Nous devons apprendre à nous occuper de nous-mêmes. En tant qu’artiste, j’ai un grand rôle à jouer, je dois être un professeur qui doit accompagner et soutenir ce mouvement.

Que penses-tu des artistes de la région qui ne s’engagent pas ?
En Afrique de l’Est les gens ont encore peur de parler et beaucoup d’artistes essaient avant tout de gagner leur vie. Donc ils chantent sur d’autres sujets, comme l’amour. Dans le monde de l’Afrique anglophone, je constate que peu d’artistes aiment s’engager, ce n’est pas dans notre culture. Alors que les artistes francophones, dans leur manière de s’exprimer, me font penser à la devise française : « Liberté, Égalité, Fraternité » (en français dans le texte).

Justement, c’est facile de gagner sa vie en tant que musicien en Ouganda ?
Il faut quand même avoir de la chance. Nous n’avons pas de système d’accompagnement des artistes comme vous en avez dans les pays occidentaux, avec des managers qui vont vous aider à réussir. C’est parfois difficile de trouver l’argent pour enregistrer des chansons.

Quels liens musicaux existent-ils entre l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est ?
Encore peu, justement. Je suis l’un des premiers à essayer de rassembler les deux styles. Je me sens chanceux d’avoir pu rencontrer Didier Awadi, Salif Keita et d’autres grands musiciens ouest-africains, j’espère que tous les Africains pourront se réunir davantage. On a besoin d’échanger nos idées, de discuter. Il y a une sorte de connexion qu’il faut renforcer.

Quels conseils donnerais-tu à un(e) jeune artiste de ta région qui voudrait se lancer ?
Je lui souhaite d’être créatif et d’essayer de passer par toutes les plateformes possibles pour montrer ses belles créations au reste du monde. Il faut qu’il/elle apprenne aussi à être son propre manager, ce que j’essaie de faire moi-même.

Quels sont tes prochains objectifs ?
Plus récemment, j’ai beaucoup écouté de chansons de Tiken Jah Fakoly, Serge Gainsbourg ou encore France Gall. Ça me donne envie de chanter en français. L’accomplissement suprême serait de pouvoir composer et chanter une chanson intégralement dans cette langue.

Et tes prochains projets ?
Je serai en concert à Marseille le 28 mars prochain pour le festival Babel Med Music, puis au Festival des Musiques Urbaines d’Anoumabo en Côte d’Ivoire. Mon troisième album vient tout juste de sortir. Il s’appelle I speak luganda (« Je parle luganda », la langue de la région de Kampala ndlr) et il sera disponible dans le monde entier.

I Speak Luganda

Tu penses faire autre chose que de la musique à l’avenir ?
Non, j’espère bien être musicien pour toujours !

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