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Par Charlotte Vautier

Prisons : la panique face au risque de propagation du coronavirus

L’exemple se déroule en Amérique, mais il est éloquent : lundi 23 mars, on apprenait que l’un des détenus les plus célèbres et les plus riches des États-Unis, le producteur Harvey Weinstein (emprisonné pour viols et agressions sexuelles), était dépisté positif au Covid-19. Une preuve supplémentaire que le virus n’épargne personne et s’immisce partout. Ce qui n’a pas manqué  d’augmenter l’inquiétude dans le milieu pénitentiaire en France : comment allons-nous gérer cette maladie ici, alors que les conditions sont particulièrement difficiles pour la majorité des détenus ?

Depuis plusieurs années, des lanceurs d’alertes informent les pouvoirs publics des multiples dysfonctionnements du système pénitentiaire français. Parmi ceux-ci : la surpopulation des prisons, qui à l’heure de la crise sanitaire du coronavirus pourrait devenir très dangereuse pour les 70 651 personnes incarcérées en France – un nombre disproportionné alors que le pays ne dispose que de 61 080 places (chiffre au 1 janvier 2020). Depuis le début de la crise, neuf cas de Covid-19 ont été détectés en prison et un détenu en est décédé dans la prison de Fresnes. Il avait 74 ans.

La panique s’est emparée des détenus.

Si la promiscuité en prison était très difficilement vécue par les détenus (manque d’intimité, de confort…), elle est aujourd’hui devenue source de peur et de tension. 60% d’entre eux partagent leur cellule et certains dorment même sur des matelas à même le sol. Dans ce contexte, il est impossible de respecter les consignes de sécurité sanitaire mises en place par le gouvernement. Le mètre de distance ne peut pas être appliqué, dans certaines prisons le personnel ne dispose ni de gants ni de masques. Plus simplement : comment isoler les détenus qui présentent des symptômes, alors que les maisons d’arrêt atteignent un taux d’occupation de 138%, voire 150% dans le pire des cas ?

Les prisons, gigantesques vases clos, pourraient ainsi devenir un lieu idéal à la propagation du virus. Une situation qui a insufflé un vent de panique dans les prisons selon François Bes, coordinateur du pôle enquête de l’Observatoire International des prisons en France :

« Comme ils ont peur d’être contaminés, certains détenus ne descendent plus en promenade et ne vont plus aux douches, qui sont des lieux de rencontre et de promiscuité. Ils se demandent comment leurs repas ont été préparés, et si le personnel carcéral est contaminé. »

À cela s’ajoute une perte de lien social ; depuis le 17 mars, les parloirs et les activités avec des intervenants extérieurs ne sont plus autorisés. François Bes s’inquiète : « Il y a une perte du lien avec les proches, il n’y a plus aucune activité, plus de travail, donc un grand manque d’information dans un moment où les gens ont, justement, besoin de communiquer car tout le monde est anxieux. »

Dans un témoignage recueilli par le journal Mediapart, un détenu raconte qu’il fait face à un isolement total ; il vit dans une cellule de neuf mètres carrés avec deux autres détenus : « Il y a des rumeurs qui disent que ça ne va faire qu’empirer. Certes, on a fait des délits, je ne suis pas en train de dire qu’on ne mérite pas la prison, par contre on mérite un minimum de droits. Mon codétenu dort par terre, les cantines n’arrivent plus, les cigarettes sont en pénurie. »

Avant d’ajouter : «Là c’est une cocotte minute qui est en train d’exploser. On sait qu’il y a des cas dans la prison mais ils ne nous disent rien, on a peur qu’un jour la porte ne s’ouvre plus et qu’on nous laisse mourir dans la cellule. Il y a une psychose qui commence à s’installer. » 

Le gouvernement prend des mesures

Pour pallier cette situation et désengorger les prisons le plus rapidement possible, la ministre de la justice Nicole Belloubet a demandé aux procureurs et aux juges d’application des peines de limiter les incarcérations des condamnés dont les peines sont inférieures à six mois. Conjuguée au ralentissement de l’activité des tribunaux, cette décision a permis de faire passer les entrées en prison à environ 30 par jour, contre 250 incarcérations par jour en moyenne avant le début du confinement.

La solution pourrait aussi se trouver dans les libérations avancées. Le ministère a annoncé qu’il s’apprêtait à autoriser la libération de 5 000 détenus en fin de peine qui avaient été incarcérés pour des délits mineurs.

« C’est bien, mais ce n’est pas assez » pour François Bes. Selon lui, « il faudrait libérer entre 10 et 12 000 personnes pour que chaque prisonnier ait une cellule et que les prisons soient désengorgées. Mais les procédures pour accorder des sorties peuvent prendre beaucoup de temps ».

Afin que cette période soit plus facilement supportable, Nicole Belloubet a annoncé que tous les détenus auront le droit à des crédits téléphoniques et à un accès gratuit à la télévision. Une proposition qu’il faut saluer, mais qui ne va pas pouvoir bénéficier à tous puisque de nombreuses cellules ne sont pas équipées de téléphones ni de télévisions.

Depuis plusieurs années, le milieu carcéral, comme le milieu hospitalier, alerte les pouvoirs publics sur la situation de détresse dans laquelle il se trouve. La crise sanitaire accentue les dysfonctionnements ; François Bes déplore qu’il faille en passer par-là pour que le gouvernement agisse enfin : « Cette crise sanitaire est étonnante, c’est un révélateur. Ça fait des années qu’on parle de la surpopulation, de la promiscuité, de l’état d’hygiène. Ça vient vraiment interroger l’efficacité de tout notre système. »

Pour rappel, la France a été condamnée par la cour européenne des droits de l’homme en début d’année pour les conditions de détention dans ses prisons surpeuplées. Si les condamnations ne font pas bouger le gouvernement, espérons que cette crise sanitaire sera un déclencheur…

Photo à la Une © Pixabay

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