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Arts
Par Laura Aronica

PHOTOREPORTAGE : Dans les rues grecques à l’aube du référendum, par Chloé Kritharas Devienne

Chloé Kritharas Devienne, photoreporter franco-grecque de 26 ans, habite Athènes depuis quelques années. Elle a photographié sa ville la semaine précédant le référendum du 5 juillet.

« En général, les photographes restent neutre sur leur avis politique. Évidemment, en tant que Grecque prenant partie pour le non, j’ai un certain regard face aux événements. Je ne méprise pas les gens du oui, je respecte les décisions d’autrui, mais sachant que la plupart des gens qui ont voté oui sont des gens qui ne pensent qu’à leur fric, ça me dégoûte un peu quand même (rires) ».

« La première photo, celle avec les menottes, c’est un homme qui tient un panneau « I have sex everyday, Europe is fucking me », devant le Ministère des Finances, le 3 juillet ». Les suivantes ont été prises quelques jours plus tôt, le 29 juin. « C’était la première grande manif’ pro-non, et contre le référendum ».

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« Cette femme a l’air désemparé, on dirait que le Non est son seul espoir ». Devant le drapeau grec, elle tient un panneau où « Non » est écrit en grec (« oxi »), en allemand et en anglais.

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« La manif se tenait devant le Parlement, à Syntagma, la place centrale d’Athènes. Il y avait 17 000 personnes ce jour-là » :

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« Il y avait beaucoup d’espoir dans les yeux des gens, pas d’énervement. Ils avaient vraiment l’impression que le non était la solution, c’était très émouvant ».

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« Ce costume blanc, c’est le costume traditionnel des militaires grecs. Toutes les demi-heures, il y a une parade devant le Parlement. Ils se croisent, ils se séparent, puis ils se remettent à leur place ».

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Devant les banques, le 3 juillet, les retraités viennent chercher leur pension : « Pendant quelques jours, ils pouvaient venir récupérer 150 euros au lieu de 50, et tous les gens prenaient des tickets et faisaient la queue. C’était le chaos total, il y avait au moins une demi-heure de queue par personne juste pour rentrer dans la banque ».

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Un immeuble du centre d’Athènes.

7 Les pro-oui, le 30 juin, lors de leur manifestation.

« Il y avait une ambiance très violente, les gens hurlaient « Oui ! oui ! oui ! » comme des furies. La présidente du Parlement grec fait partie du gouvernement Tsipras, et eux hurlaient « sale pute on va te pendre ». Ils l’ont vue, à un moment donné, et ils se sont rués sur la place, vers l’entrée du Parlement, mais la police les a arrêtés ».

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« Pour la plupart des pro-oui, c’était peut-être la deuxième fois de leur vie qu’ils sortaient manifester, ils le disaient eux-mêmes. Ce sont des armateurs, des chefs de grosses entreprises. Des gens qui ont de l’argent. Ce ne sont pas des gens que l’on voit descendre dans la rue, habituellement ».

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« On ne voit jamais de Louis Vuitton aux manifs en Grèce. Jamais, parce qu’en général, ce sont les gens dans la misère qui manifestent. Là, ce n’était pas le cas. Il y avait un peu de tous les âges, peut-être un peu moins de jeunes que pour le « non ». Mais la plupart d’entre eux avaient des chemises de marque chère, des accessoires de luxe… ».

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Toujours dans la manifestation pro-oui, l’ambiance est tendue. « Il y avait 22 000 – 23 000 personnes. Il y avait plus de monde qu’à la manif du Non ».

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« Cet homme-là m’a dit : « J’ai travaillé 43 ans, et c’est pas normal qu’à mon âge je doive faire la queue pendant 20 minutes pour récupérer 50 euros. Qu’est-ce que je peux faire avec 50 euros par jours ?« . Il dit ça alors que la Grèce crève et que les trois quarts des gens n’ont pas d’argent à la banque, que les gosses tombent dans les pommes parce que leurs familles n’ont pas de quoi les nourrir correctement, que de plus en plus de personnes âgées arpentent les rues pour faire l’aumône pendant des journées entières, et que le réel problème n’est pas d’attendre 20 minutes et de retirer 50 euros mais de pouvoir survivre ».

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« Sur cet immeuble, un graffiti représente un vieil homme. Il tient dans la main un euro, et de l’euro sort du sang ».

14Un policier attend, avant le début de la manifestation pour le Non, le 3 juillet.

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« Le vendredi 3 juillet, c’était une énorme manif’ avant le vote du dimanche pour le Non. Certains disent qu’il y avait 150 000 personnes d’autres 50 000. En tout cas, c’était rempli. Il y avait une super ambiance ».

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« Comme les manifestations ont eu lieu à deux moments différents, il n’y a pas eu de gros problèmes entre les partisans du Oui et du Non ».

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17« Le soir de la manifestation pro-Non, il y a eu un concert. Les gens chantaient en choeur, ils avaient les larmes aux yeux ».

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Alexis Tsipras, pendant son discours, lors de la manifestation. « Il était très ému ». Chloé traduit un passage de son discours :

« Nous sommes libres et nous respirons un air de liberté. Quoiqu’il se passe, nous serons des gagnants. La Grèce a gagné, la démocratie a gagné et les pressions ont été vaincues ».

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« Lui, c’était un retraité que j’ai interviewé. Il pleurait. Il a 4 enfants qui ont la trentaine et qui ont eux-même des enfants. Avec sa retraite seulement, il nourrit toute la famille. Il me disait que le seul espoir résidait dans le Non et dans Tsipras ».

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Deux photos prises au même moment, à la fin du discours :

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« À ce moment-là, Tsipras lève la main, et tout le monde a levé la main aussi. Les gens avaient déjà totalement confiance en la victoire du Non ».

« Les médias grecs ont fait une propagande pendant une semaine contre le Non, et pour le oui. Ce vote, ç’a aussi été un combat contre leurs mensonges ».

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« Cette dernière photo, c’est le jour de la victoire du Non ». Les gens se sont rassemblés au centre d’Athènes.

« C’était presque plus la victoire contre les médias que celle du non, parce que la victoire du Non signifie que des moments très difficiles restent à venir. Les gens étaient très heureux, mais en retenue ».

Le lendemain, Chloé n’a pas pris de photo. Et si elle avait pu le faire ? « J’aurais pris le calme grec, les Grecs qui continuent leur vie normalement, avec une atmosphère d’espoir et de joie c’est sûr, mais sans exagération ».

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