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Société
Par Adeline Grais-Cernea

Les sujets de conversation préférés des trentenaires à table

Je me souviens des déjeuners dominicaux chez ma mamie lorsque j’étais petite.
Les enfants y étaient régulièrement exclus des discussions de grands et donc autorisés à sortir de table après le plat principal pour aller jouer un peu plus loin.
Si l’on désirait rester, qu’à cela ne tienne, il fallait juste être préparé à se taper 2 heures, voire 3, de discussion politique où personne n’allait être d’accord, où tonton Jacky allait encore s’engueuler avec tout le monde et où mamie aurait le dernier mot en nous demandant de bien vouloir garder nos couteaux pour le fromage.
Il se passait des choses très civiques entre les bouchées à la reine et la crème au chocolat… On y défendait des valeurs, des positions, des idéologies de vie… À la limite de la posture philosophique, à part que dans cette agora, il y avait la télé.

À 33 ans aujourd’hui, je me disais l’autre jour, que si ces discussions (ainsi que ces déjeuners) avaient encore lieu aujourd’hui, j’y aurais enfin parfaitement ma place.

Je nous transposai alors dans un rendez-vous dominical type, tous réunis autour d’un poulet/patates et lançai de moi-même une conversation d’adultes adaptée à mon époque :

« Quoi ? Non, mais t’es sérieux ?? T’as pas vu Orange is the New Black ? Tu déconnes, c’est génial ! « 

Où était passé Michel Rocard, l’Assemblée nationale, et les « c’est la faute de la mondialisation » ?

« Ouais, Modern Family, c’était super drôle au début, mais là ça s’essouffle vachement, je trouve. »

Il fallait se rendre à l’évidence…
En 2015, les trentenaires étaient plus préoccupés par le sort de John Snow que par le Crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Ou alors n’était-ce que moi ? Une fois de plus je me suis tournée vers mes amis pour avoir leur avis et ai dressé la liste des choses les plus citées :

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1/ LES VILLES

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Un sujet de discussion qui intervient régulièrement en préambule de toute bonne rencontre et qui met tout de suite à l’aise.

 – Salut ! Tu viens d’où ?

– De Maubeuge. Et toi ?

– Bah je suis née au Costa Rica, mais là je vis à New-York. Sinon, j’ai habité en Afrique du Sud et au Pérou, j’adore le Pérou et j’ai fait mes études à Londres en échange avec Oslo, j’adore Oslo.

– Ha.

– Ouais… Et sinon, je reviens juste de Bali. Tu connais ?

– Non. Pas vraiment.

– J’adore Bali.

Les villes passionnent. Et pour peu que l’on ait vécu dans la même rue à un moment, chaque personne éduquée se doit de nommer l’ensemble des villes dans lesquelles elle a habité.

Les villes étrangères sont comme des accessoires relationnels indispensables : elles confèrent un certain statut social.

– La rue Louise Michel…, à Maubeuge…, ça te dit rien, non ?

– Non… mais j’adore Michel.

 

2 / LES AUTRES

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Le sujet qui revient fréquemment c’est : les Autres.
Les individus qui peuplent notre univers. Ceux qui gravitent autour de tous nos Facebooks, Twitter, Instagram etc. Ceux qu’on a dû rencontrer aux alentours de 3 fois, sans vraiment leur serrer la main mais qu’on pense malgré tout « connaître » :

« Ouais j’vois qui c’est, on est connecté via Linkedin. »

Tout ces gens qu’on n’inviterait pas à notre mariage mais dont on se donne des nouvelles :

« Je sais pas trop ce qu’il fait maintenant, aux dernières nouvelles il bossait pour Lanvin… »

Mais dans le fond on n’en sait rien, parce que la dernière fois qu’on a vu ladite personne c’était il y a 3 ans… enfin, sauf si l’on compte cette fois où l’on s’est croisé dans la rue, avant hier en fait, et où l’on s’est fourbement ignoré de part et d’autre, pour la simple et bonne raison que L’ON NE SE CONNAIT PAS :

« Elle couche avec Tristan depuis genre 2 mois. Tout le monde est au courant. »

 

3/ LES RESTAURANTS – LA BOUFFE

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On n’y échappe pas.
C’est le Pékin Express des restaurants : il faut tous les faire, le plus vite possible, les photographier, les archiver sur un blog et en parler comme si l’on était consultant pour le Fooding (d’ailleurs avec tout ce qu’on s’envoie comme néo-bistrots, c’est fou qu’on ait toujours pas été recruté).

« T’as toujours pas été au Septime ? Mais t’attends quoi au juste ? »

Et l’on se ferait presque engueuler de n’avoir été que 5 fois au resto ce mois-ci.

« J’ai enfin mangé des larves de coccinelles ! Je suis trop contente ! On m’avait dit que c’était bon, mais j’étais un peu réticente…. »

Exit les dos de saumons mi-cuits / haricots verts et les fondants au chocolat. Vous n’y avez plus droit. Vous devez désormais manger de l’exceptionnel, même si ça vous dégoûte mais surtout (!), vous devez en parler dès que vous pouvez et au plus grand nombre possible :

« La glace au foin ? Ouais, c’est pas mal, c’est intéressant gustativement. »

Car, oui bien évidemment, vous vous devez de tout trouver intéressant, curieux, excitant tout en restant pour le moins intransigeant sur les cuissons.

– Le poisson était dix fois trop cuit, c’est dommage… pourtant à l’oeil c’était…

– Gourmand ?

– Non. Provocant.

Choisissez des synonymes du mot « sexy » pour qualifier vos plats, même si cela ne veut pas dire grand chose… et évitez au maximum le vocabulaire trop assimilé de Top Chef qui vous fera passer pour un « amateur amateur » (trop la honte).

« Garçon ! Pardon, est-ce que vous auriez un peu de piment d’Espelette par hasard ? »

 

4/ LES MOUFLETS

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Arrivé(e) aux alentours de 30 ans, vous ne pouvez pas échapper aux conversations, que dis-je, aux MONOLOGUES de vos amis qui viennent d’enfanter, il y a une semaine, un an, deux ans, trois ans…
Oui, ils sont parents, parents pour la vie, ce qui sous-entend que de votre côté, vous venez de prendre perpèt’.

Vous avez évité de justesse les photos de l’accouchement….

« T’étais pas dans la boucle mails? »

Vous n’échapperez pas à tout ce qui suivra..

« Je dis pas ça parce que c’est mon fils, mais je crois que je vais lui faire sauter toute la maternelle. Je sens que c’est un génie ! »

Bien que quelques hommes puissent également surprendre dans la façon quasi mécanique qu’ils vont avoir de sortir leur téléphone portable, ce sont quand même les mamans qui s’y prennent le mieux :

– Attends, faut que tu voies ça ! Je lui ai acheté un costume de Mignon, bah c’est trop…. mignon !!!!

– Oh, un mini-toi déguisé en ampoule, c’est sympa… (Prenez l’air vraiment ravi(e).)

Vous n’êtes ni la tante, ni la cousine, ni la marraine et encore moins la baby-sitter… Vous n’avez aucun statut vis à vis de cet enfant ! Et pourtant, vous allez TOUT savoir de lui.

Attention, vous n’aurez pas pour autant droit au premier sourire ou aux premiers pas. Non, vous, on vous réserve le reste, tous les :

« Sur celle-ci, il sourit exagérément, et alors du coup il ressemble tellement à Dom, c’est dingue ! »

ou encore :

« Là, on était au parc…. il marche et attends…. attends… et pouf, le cul par terre. C’est pas trop mignon ? »

(Peut-être s’il avait été déguisé…)

Il n’y a pas de solution. À moins de faire, à votre tour, des enfants, dans l’unique but de vous venger, mais le jeu en vaut-il vraiment la chandelle ?

« L’autre jour, il m’a dit un truc trop chou, il me fait : ‘Maman, le camion, est-ce que c’est le papa de la voiture ?’ Trop chou. Je vais lui faire sauter la maternelle, c’est décidé. »

 

5/ LA POLITIQUE

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– Oula, on va pas commencer à parler de politique, là ? Après quoi, on va parler des impôts, de la mutuelle, du PACS ?

– Ouais, t’as raison, on s’en fout.

Et après on se demande, le FN, comment, pourquoi ?

 

6/ LES SOUVENIRS

 

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Le sauvetage. Parfait quand on revoit quelqu’un avec qui l’on ne partage plus grand chose, excepté un passé pas toujours très glorieux.
On commence en toute logique par parler des autres, ceux qu’on a connus autrefois mais que l’on ne connait plus qu’à travers un ou deux messages Facebook noyés dans la masse. On se remémore le premier jour où l’on s’est rencontré en Terminale. « T’avais un sweet blanc Lacoste. » Ahhhhh ! Si l’on avait su que 12 ans plus tard, on se retrouverait là, tous les deux, à essayer de trouver un sujet de conversation qui ne fasse allusion, ni à la pilule du lendemain, ni à cette fois où l’on avait mangé trop épicé et… C’est qu’on en a vécu des choses !

Vous vous entendez dire : « J’ai l’impression qu’on s’est quitté hier ! », tout en ayant conscience qu’hier, vous n’aviez pas de cheveux blancs, pas d’appart, pas de concubin, et pas de prêt sur la consommation à 18%.

Vous vous souvenez très clairement de vos frères et soeurs respectifs. Que deviennent-ils, d’ailleurs ? Ah oui ? Sans blague, je m’en fous, en fait.
4,5 anecdotes plus tard, vous commencez à vous sentir mal. Overdose de nostalgie. Vos vêtements vous serrent. L’alcool vous monte à la tête. C’est tellement cool d’avoir 18 ans ! Youhou ! On va aux Bains Douches ce soir ?

– Et tu te rappelles quand on avait séché la Bio pour aller voir un concert en plein air ? C’est un de mes plus beau souvenir avec toi, tu t’en souviens ?

– Euh non…

– Ah bon… c’était peut-être avec Jeff, remarque…

Vous vous quittez en vous disant que c’était bon de vous remémorer tout ça. Qu’on en a tous besoin. Que c’est important. Il faut vraiment qu’on se voit plus souvent, hein ?

« On se refait ça bientôt ? »

 

7/ LES SÉRIES

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Des conversations virulentes.
Des clans se forment.
Certains se lèvent de table en furie et vont jusqu’à sauter le dessert :

« C’est bien simple, tu m’as coupé l’appétit ! »

On en viendrait alors presqu’aux mains :

– Breaking Bad c’est nul, l’histoire est absurde, les mecs arrêtent pas de s’embrouiller tout le temps, c’est fatiguant sérieux et puis c’est limite gore, tous ces meurtres etc. Non sérieux ! À quel moment on a besoin de ça ?

– Tu peux pas dire ça ! C’est génial ! La relation entre les personnages est hyper subtile, c’est drôle, prenant ! C’est une des meilleures séries !

– Mais la réal’ est nulle ! Gros plans, musique de merde, des clips pendant 5 minutes… franchement c’est un 48 min qui en vaudrait un 22 à tout casser…

– Non mais, je parle même pas avec toi ; Tu comprends rien à Eastbound and Down de toutes façons, alors je vais pas me fatiguer…

– Mais c’est de la meeeeeeeeerde, avec ce gros beauf même pas drôle, là !

– Retire immédiatement ce que tu viens de dire ! »

Et bla, et bla,… un dialogue presque digne de Tarantino. Pendant ce temps-là, une chose est sûre : personne ne parlera de la proposition de loi de Mme Laurence Abeille visant à l’interdiction d’accès aux courses de taureaux aux mineurs de moins de quatorze ans…

Ça…

On préfère s’époumoner à vendre son scénar comme si on l’avait écrit soi-même.
On n’est même pas peu fier, quand on lance :

« J’ai fini la série y’a hyper longtemps ! T’en es où ? À la saison 3 ? P’tin, t’as rien vu, le meilleur reste à venir. »

ou

« Qu’est-ce que j’aimerais découvrir Seinfeld aujourd’hui… t’as trop de la chance ! »

Comme si c’était un concours. Une épreuve pour être digne de considération.
Qui en aura vu le plus en moins de temps possible. Qui aura eu une révélation !

« Je viens de finir The Good Wife. Je crois que je vais reprendre le droit. Qu’est ce que vous en pensez ? »

Attention, une véritable discussion serait susceptible de sortir de cette phrase si quelqu’un n’enchaînait pas par…. :

« Je ne comprends pas pourquoi ils ont arrêté Hello Ladies ??!! »

 

8/ LA TÉLÉ-RÉALITÉ

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Ce n’est déjà pas très glorieux de passer, ne serait-ce que 20 minutes devant ce genre de programme (même si OK, on en raffole) (et quand je dis 20 minutes, je suis gentille), mais est-ce vraiment nécessaire de disséquer l’émission et d’analyser les comportements de ces énergumènes ? À moins de faire une thèse sur la notion de « respect » dans la real-TV, et encore :

« Me manque pas de respect. Me manque pas de respect. T’es qui ici ? T’es personne. Alors me manque pas de respect ! Il me manque de respect l’autre biiiiiiiiiiiiiiiip ».

C’est toujours mieux que de parler de la guerre, me diront certains et je ne leur jetterai pas la pierre (ou alors très loin pour voir s’ils ramènent…).

« Marco à dit ke j’pouvais si je saurai la suite, alors koi ? »

Vous vous rendez alors compte que vous prenez ça très au sérieux :

« Mais non ! Aurélie est pas folle, elle a juste 20 ans ! On était pareil à 20 ans, à croire que tout nous était dû, et franchement Kevin est sale un bâtard, mais oui, on a tous connu ce genre de mec, là, c’est bon… »

Votre sagesse philosophique vous perdra peut-être, prenez garde.

 

9/ LES INTERNETS

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Les Internets en général sont un puits de sujets propices à toute bonne conversation déconneuse entre amis.
On y échange surtout des bons plans vidéo :

– celle où le panda roux vend de la coke, hyper marrante.

– celle où cette femme perd son placenta en plein centre commercial, excellent.

– celle où ce gosse passe sous la tondeuse, je m’en remets toujours pas.

Le panthéon empirique de l’image mouvante : YOUTUBE.

Passé ce stade d’échange primaire, Internet se veut dès lors comme une nouvelle dimension où tous nos repères ne sont pas encore fixés et où l’on doit réfléchir (oui, oui) à tous ces nouveaux problèmes que nous n’aurions su imaginer :

– Il a pris 18 ans de prison !

– Pour avoir créer un site de revenge porn !

– Mais 18 ans, bordel !

– Mais les meufs ont eu leur vie complètement bousillées !

– D’accord, mais leurs mecs ne les avaient pas photographiées de force, bon sang !

– OK, donc les filles en jupe, c’est de leur faute si on les viole ?

– Mais ? Hein ? Ça n’a rien à voir !

(une demi-heure plus tard)

– Je dis pas qu’il est innocent, je dis que 18 ans pour ce délit, c’est vraiment beaucoup trop.

– Ouais bon, on s’en tape dans le fond.

– Il reste de la pizza ?

 

10/ CYRIL HANOUNA

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– Parce qu’il paraît qu’il chie dans les chaussures de Chameroy…

– Qu’il chie ? Qu’il chie physiquement ?

– Comment tu sais ça ?

– Oh, une meuf qui a rencontré un mec qui était bourré samedi soir et…

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