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Amani Al-KhatahtbehSociété
Par Jalal Kahlioui

Une journaliste américaine forcée de retirer son voile à l’aéroport de Nice

Obligée de retirer son voile par des policiers à l’aéroport de Nice, la journaliste américaine Amani Al-Khatahtbeh a raconté l’épisode traumatisant dans un long post Facebook.

On aurait pu rêver mieux pour une arrivée sur la Côte d’Azur. Fondatrice du média Muslim Girl ( où elle y écrit des billets pour les jeunes musulmanes américaines en quête d’identité) Amani Al-Khatahtbeh était invitée à Cannes, pour le festival Cannes Lions qui réunit les professionnels des médias et de la publicité, et qui célèbre le meilleur des créations de l’année. Jurée pour la deuxième fois en deux ans, l’Américaine gardera en mémoire ce début de second séjour azuréen : lors de son passage à la douane, un agent de police lui a demandé de retirer son voile lors du contrôle d’identité.

« Je tremble encore alors que j’écris ce message » – Amani Al-Khatahtbeh, le 16/06/2017.

Amani Al-Khatahtbeh lui a rétorqué que rien ne l’obligeait à retirer son voile, présent sur ses papiers d’identité (autorisé sur les photographies officielles aux États-Unis). Entre les deux, le ton monte rapidement et le policier emploie un ton agressif. Il est allé jusqu’à la menacer de ne pas tamponner le passeport de la jeune femme devant son insoumission.

Rapidement escortée vers une salle isolée du reste de l’aéroport, la jeune femme doit faire face à deux agents. Devant des policiers décidés à ne pas la laisser partir sans se dévoiler, Amani Al-Khatahtbeh se résout à retirer son voile, mais uniquement devant une policière. Le contrôle d’identité est effectué. La blogueuse, choquée, demande le matricule de l’agent à l’origine du scandale.

« La seule raison pour laquelle ils voulaient voir mes cheveux était pour me remettre à ma place en tant que musulmane ». -Amani Al-Khatahtbeh, le 16/06/2017.

Après sa réclamation de matricule, l’Américaine se fait confisquer son passeport par le policier en question qui va, selon les dires de la jeune femme, jusqu’à la menacer d’expulsion. La compagnie aérienne dans laquelle la journaliste a voyagé a d’ailleurs été contactée en ce sens. Seule au moment des faits, Amani Al-Khatahtbeh a tenté de contacter plusieurs fois son ambassade. Alerté, l’ambassadeur de France aux États-Unis a publié un tweet neutre rappelant qu’il incombait à la jeune femme de passer par les voies légales pour contester ce qui lui est arrivé.

Abasourdie et traumatisée par cet épisode, la blogueuse a raconté sa mésaventure dans un long post Facebook. Un message publié au nom de toutes les femmes musulmanes qui subissent des humiliations lors de contrôle d’identité en public. Pour rappel, le média Lallab indique que les textes en vigueur au niveau national et européen n’autorisent en aucun cas les agents des forces de l’ordre à obliger une femme à retirer son voile.Exception faite du cas où le visage n’est clairement pas identifiable, ce qui n’était pas le cas d’Amani Al-Khatahtbeh qui a finalement pu retrouver ses collègues juré-e-s pour le festival. Elle entend aussi faire tout ce qui est en son pouvoir pour ne pas en rester là.

Ci-dessous, le post Facebook d’Amani Al-Khatahtbeh traduit en français :

Je tremble encore en écrivant ceci. Je viens d’arriver à Nice, en France, pour figurer parmi les jurés du festival Cannes Lions et j’ai failli être expulsée avant même d’avoir touché le sol français. J’ai tellement peur que le policier qui l’a fait se sente capable réitérer ses actes sur des femmes musulmanes plus vulnérables que moi que je dois partager cette histoire, dans l’espoir qu’elle fera une différence.

Au début, l’officier des douanes ne voulait pas tamponner mon passeport avec mon voile, même si je porte un voile sur ma photo de passeport… il m’a confiée à l’un de ses collègues qui m’a emmenée dans une salle à l’écart du reste de l’aéroport. J’ai demandé à plusieurs reprises pourquoi je devais enlever mon écharpe, si ce n’était pas pour des raisons de sécurité. Il m’a répondu  « Vous êtes en France et en France je veux voir vos cheveux ! ». Quand je lui ai répondu que je n’allais « pas lui laisser voir mes cheveux », il est devenu extrêmement hostile et agressif envers moi et a insisté en prétextant que c’était la loi.

Je lui ai dit d’accord, mais je ne les montrerai qu’à une femme, pas à vous (même si c’est toujours aussi dégradant puisque que la seule raison pour laquelle ils voulaient voir mes cheveux était pour me remettre à ma place en tant que musulmane). Après que j’ai enlevé mon foulard devant la policière dans son bureau, les services de police ont enfin tamponné mon passeport et me l’ont remis.

J’ai apparemment fait l’erreur de demander son numéro d’identification au policier. Quand il a réagi de manière hostile à ma demande, je lui ai dit qu’il disait que c’était la loi pour qu’il n’ait rien à craindre. C’est à ce moment-là qu’il est devenu fou de rage  et m’a confisqué mon passeport. Il a dit :  « Vous demandez mon numéro d’identification ? Je prends votre passeport ! » et m’a immédiatement informée qu’il me renvoyait  « à New York »J’ai exigé qu’ils prennent contact avec l’ambassade américaine et ils m’ont refusé la communication au moins 10 fois.

Pendant que je demandais une forme quelconque de contact afin que mes représentants puissent me trouver, tous leurs collègues m’adressaient des mots tels que «tu es en France maintenant, on ne parle pas anglais »« C’est la France »« Vous n’êtes pas en Amérique c’est comme ça qu’on fait les choses en France ! »« elle doit parler français ». Ils avaient littéralement appelé Delta De Airlines pour coordonner mon retour immédiat à New York  avec un vol de correspondance à Tunis.

Ce n’est qu’en leur faisant comprendre que j’étais journaliste, membre du jury pour le festival Lions de Cannes, et que des gens allaient demander de mes nouvelles et que j’allais écrire à ce sujet qu’ils ont appelé à la directrice de la compagnie ou je ne sais pas qui (…) Elle a fait la médiatrice en me demandant de me taire si je voulais sortir de l’aéroport. Elle a insisté pour que je reste silencieuse pendant que le policier me provoquait : « Tu as deux choix. Tu vas fermer ta gueule ou tu vas continuer à causer des problèmes ? ». Il avait besoin de me remettre à ma place. Je rappelle que tout cela est arrivé parce qu’ils m’ont forcé à enlever mon voile sans autre raison que «Ici, c’est la France» et que l’un des policiers s’est énervé quand j’ai demandé son numéro de matricule.

Je vous raconte régulièrement toutes les expériences auxquelles je fais face en tant que femme musulmane dans le climat politique d’aujourd’hui, et cela se passe souvent dans les aéroports. Celle-ci sera pour toujours gravée dans ma mémoire, pour la déshumanisation et l’humiliation qu’ils ont essayé de me faire subir à de maintes reprises. Ils ne sont pas sortis d’affaire juste parce qu’ils m’ont laissée entrer dans leur pays raciste pour sauver leur peau. Ils n’ont pas eu peur de violer mes droits, ils ont juste peur d’un éventuel cauchemar en termes de relations publiques ! Je ne suis pas sûre de quel genre de recours légal utiliser tant que je suis ici, je me sens terriblement mal et ce n’était pas l’accueil que je voulais, mais au moins j’ai ma plateforme et vous tous derrière moi.

S’il vous plaît, partagez cette histoire et faites passer ce putain de mot parce que j’ai mal à l’estomac en allant à mon hôtel et que le traitement que je viens de subir me donne la nausée, et je sais que je suis loin d’être la seule. J’ai tellement peur qu’il imagine qu’il puisse s’en sortir et qu’il continue à faire subir ça à des femmes musulmanes plus vulnérables que moi. Je ne peux tout simplement pas vivre avec ça.

Photographie à la Une © Capture d’écran Youtube. 

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