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Le Gros Journal avec Hervé Latapie : « Depuis le début des années 2000, on a raté la prévention contre le VIH »

Le Gros Journal avec Hervé Latapie, militant de la lutte contre le VIH

Ce soir, c’est dans un haut lieu de la nuit gay parisienne que Mouloud a posé le plateau du Gros Journal pour aller à la rencontre d’Hervé Latapie, militant LGBT et organisateur de soirées. Ensemble, ils parlent sexualité et sida, cette maladie qui ne fait plus peur, alors même que les contaminations au VIH ne diminuent pas. Hervé Latapie regrette un recul en matière de prévention, et milite pour le lancement de nouvelles campagnes sur le préservatif de façon à ce que le « safer sex » soit un réflexe.

Dans un « Gros reportage », la journaliste Charlotte Vautier est allée passer une soirée dans la boîte où Hervé Latapie organise des soirées

 


Le Gros Journal avec Hervé Latapie, l’intégrale… par legrosjournal

Salut, ce soir le Gros Journal a installé son décor dans une boîte de nuit, qui est un haut-lieu de la nuit gay, depuis 20 ans on y danse sur de la musette ou de la variété française. Ici, on est à ma table, et je vais vous mettre bien ce soir. On va parler d’un temps que les jeunes de moins de 20 ans devraient tous connaître : celui où il fallait mettre des capotes quoi qu’il arrive. Parce que en 2017, le SIDA tue toujours.

Mouloud : Comment ça va ?
Hervé : Ça va.

Mouloud : Merci de nous accueillir ici, on est dans un haut lieu de la nuit parisienne. C’est un lieu qui est ouvertement gay, gay friendly. Ça fait 20 ans que ce lieu existe, je pense que les gens qui sont déjà venus ici vont le reconnaître. J’ai découvert votre prise de parole dans une tribune que vous avez écrite dans Médiapart, qui était une tribune qui parlait d’un médicament qui s’appelle la PREP. Moi je ne connaissais pas l’existence de la PREP, est-ce que vous pouvez m’expliquer ce que c’est, et ce que racontait cette tribune ?
Hervé : La communauté gay est confrontée au problème des contaminations au VIH, mais aussi aux autres IST parce qu’on a une sexualité qui est un petit peu différente, parce qu’on occupe une place un petit peu différente dans la société, parce qu’on est obligé de se faire notre place. On a une sexualité un peu différente que parfois les hétéros nous envient un peu, mais cette sexualité qui est un peu débridée, elle fait qu’on est plus exposés que les autres à ces maladies. Et c’est pour ça qu’on a été très touchés notamment par le SIDA. Alors maintenant on a un médicament qui permet de soigner les gens qui ont été atteints du virus ; et quand ils sont soignés, biens soignés, ils ne sont plus contaminants. Ça c’est ce que l’on appelle le traitement comme prévention. C’est à dire que si j’étais séropositif, si je prenais ce médicament, en prenant ce médicament je ne suis plus contaminant. Mais là, la PREP, il ne s’agit pas de ça. Il s’agit en fait, comme on a constaté au cours des années que mettre une capote tout le temps ça posait un problème, ils nous proposent un médicament. Vous prenez une pilule, et avec cette pilule, vous êtes protégés. Sous entendu : vous n’avez plus besoin de mettre la capote, sous entendu beaucoup de choses. C’est contre ça que je me bats.

Mouloud : Mais est-ce que le Sida recule, ou est-ce qu’il augmente ?
Hervé : Le Sida depuis quelques années, en France en tout cas, les contaminations ça stagne, entre 6000 – 7000 – 8000 contaminations, nouvelles contaminations, mais chez les gays ça ne stagne pas. Tous les autres diminuent, mais les seuls qui ne diminuent pas, c’est nous les homosexuels.

Mouloud : Pourquoi est-ce que le VIH et le SIDA ne diminuent pas chez les homosexuels ?
Hervé : La première raison, c’est qu’on n’en meurt plus. Donc ça fait moins peur, ça c’est la première chose. Y’a les traitements depuis 1996, ça fait 20 ans maintenant qu’il y a les traitements, et ça, ça a changé fondamentalement les choses.

Mouloud : Vous ne pensez pas qu’il y a aussi un truc générationnel ? Moi par exemple je suis d’une génération où avant, quand on mettait la télévision et qu’on était ado, on voyait le Sidaction. On se souvient tous de l’image de Clémentine Célarié qui embrasse un homosexuel pour dire “Voilà, on n’attrape pas le Sida en embrassant”. On avait des gens qui venaient nous distribuer des capotes même au lycée, et aujourd’hui j’ai l’impression que plus du tout. Autour de moi, les gays qui ont la vingtaine, les préservatifs c’est d’un autre temps !
Hervé : Alors ça effectivement c’est la deuxième raison, c’est que depuis à peu près le début des années 2000, on a un peu raté la prévention, et là où je suis pas très content moi, c’est qu’on a arrêté la prévention traditionnelle, la prévention comportementale : tu prends des risques, tu fais gaffe, tu mets une capote, ou t’as moins de partenaires, ou tu fais du massage, ou tu fais… J’ai trouvé une expression dernièrement, du “papotage corporel”, y’a un tas de choses !

C’est bien le “papotage corporel” !
Oui, c’est ce que l’on a inventé quand le SIDA est arrivé ! Parce que là on avait tellement la trouille qu’il y a des gens qui n’osaient rien faire. Et le problème c’est qu’il faut avoir une sexualité, et donc il faut inventer des choses pour avoir une sexualité, mais moins à risques.

Mouloud : Mais qu’est-ce que vous répondez aux jeunes qui disent “le préservatif c’est ringard” ?
Hervé : Comme vous dites, on ne voit plus de campagne là-dessus. Là on dit “il y a des progrès médicaux”, mais qui parle des progrès de la capote ? Maintenant il y a des capotes hyperfines, des capotes de toutes les tailles. Il y a une marque américaine qui fait 95 tailles de capotes, pour les petites, pour les grosses, pour tout le monde. C’est comme les chaussures, il faut trouver… Donc on a pas du tout communiqué là-dessus.

Mouloud : Mais il faut aussi les moyens, ça coûte cher.
Hervé : Les capotes ? Ah oui mais le traitement qu’on va vous donner, que prennent déjà en France 2500 homosexuels, ça coûte minimum, si je ne compte pas les frais annexes, 450 euros par mois.

Mouloud : C’est remboursé par la sécu ?
Hervé : C’est remboursé par la sécurité sociale parce que notre ministre est visiblement très mal conseillé.

Mouloud : Est-ce que votre position n’est pas minoritaire finalement dans la communauté ?
Hervé : Ça ne me dérange pas. Des fois ce n’est pas parce qu’on est minoritaire, qu’on a l’air minoritaire, parce qu’en fait on peut être minoritaire apparemment, on peut être minoritaire dans les médias aussi. Mais on peut avoir raison par la suite.

Mouloud : Est-ce que les gens qui viennent danser ici, vous voyez passez des gens de toutes les générations des communautés gays, est-ce qu’ils vous parlent de sujets de la PREP, est-ce qu’ils se protègent ? Dans la boite de nuit, il y a un distributeur de préservatifs, est-ce que ce sont des sujets que vous entendez quand vous parlez avec les jeunes ici ?
Hervé : Disons que moi je suis ici depuis 20 ans presque tous les week-ends et effectivement les gens en parlent. La nuit, les gens parlent plus facilement, parce qu’ils ont bu, parce qu’il y a une certaine ambiance et c’est vrai que j’ai entendu comme ça un tas de confidences.
Et c’est comme ça d’ailleurs que je me suis rendu compte, parce que c’était maintenant il y a dix ans, du problème : un jeune est venu me voir, il venait de créer une association des jeunes séropositifs. Et c’est lui qui m’a fait prendre conscience, parce que moi je suis d’une génération où j’ai connu, depuis le début du SIDA. Et j’avais l’impression qu’il n’y avait plus de problèmes, qu’il y avait les traitements, etc. Et j’ai vu un jeune arriver et me dire “Attention surtout il ne faut pas dire…” Il se cachait parce qu’il était séropositif. Et je pense que le problème est là : les séropositifs se cachent, c’est tabou, et que du coup on ne prend pas la mesure des choses. On leur dit “vous avez des traitements”, alors ils vont mieux, ils vivent mais psychologiquement c’est quand même très difficile aussi. Parce que s’ils arrêtent le traitement, c’est terminé. S’ils arrêtent le traitement, la maladie peut revenir. Donc vous imaginez ça, tout le temps, en permanence.

Mouloud : Donc pour terminer l’émission on va dire : “capote pour tous, encore plus qu’avant !”
Hervé : Il faut revenir à la capote et il faut refaire des campagnes sur la capote, pas que la capote d’ailleurs, moi je préfère parler de “safer sex”, c’est plus vaste.

Mouloud : “Safer sex” !
Hervé : “Safer sex” ! Voilà. C’est de l’anglais, ok, mais bon… En fait sexe à moindre risque !

Mouloud : Sexe à moindre risque. En tout cas tout ce que l’on peut vous dire au Gros Journal, c’est “Protégez-vous, sortez couvert” comme on disait dans les années 90.
Hervé : On peut prendre beaucoup de plaisir avec la capote, il n’y a pas de soucis.

Mouloud : On en parle après! Regardez l’émission en intégralité sur le site clique.tv et en replay sur le site mycanal. Je vous conseille de la revoir, de la faire partager à vos amis. C’est une émission essentielle parce qu’il faut comprendre que le préservatif aujourd’hui c’est la meilleure arme pour lutter contre le Sida. On se retrouve demain à la même heure sur Canal +, c’était le Gros Journal.

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