Oops! Aucun résultat
Société
Par Laura Aronica

Grâce à Plus1, les clubs berlinois lèvent des dizaines de milliers d’euros pour les réfugiés

Donner un euro ou plus, pour chaque entrée en boîte de nuit, lors d’un concert ou dans certains bars. C’est le principe de Plus 1 – Refugees Welcome, un projet d’aide aux réfugiés initié par les acteurs de la nuit berlinoise. Depuis sa création en septembre dernier, il a permis de récolter 50 000 euros. Verena, porte-parole de Plus1, nous explique le principe.

Qu’est-ce que Plus1 ?

Verena : Plus1 – Refugees Welcome est une initiative collective qui donne un cadre d’organisation à la scène culturelle et festive de Berlin. L’objectif est de mieux accueillir, ensemble, les réfugiés dans notre ville et leur offrir le soutien financier dont ils ont tant besoin. Le concept est le suivant : chaque personne dont le nom figure sur la « guest list » de nos clubs partenaires donne au moins 1 euro.

« Nous, nous collectons les dons et nous les répartissons à égalité entre trois organisations qui aident les réfugiés, chacune à leur façon ».

À ce jour, environ 80 clubs, organisateurs de soirées, tourneurs, labels, artistes et groupes se sont impliqués dans cette campagne. Et en moins de 6 mois, nous avons récolté près de 50 000 euros.

Concrètement, comment cela fonctionne ?

Le personnel d’accueil et/ou les physios informent leurs hôtes qu’ils sont dans un établissement est partenaire de l’opération Plus1, et leur proposent de faire un don à leur arrivée.

« Nous équipons les lieux concernés en tirelires destinées à recueillir l’argent ».

Pour ceux qui veulent en savoir plus sur nous, nous mettons à disposition des dépliants qui comportent une petite description de notre association, ainsi que l’URL de notre page Facebook. Nous avons pensé Plus1 – Refugees Welcome comme une campagne de long terme. L’objectif, ce n’est pas seulement de bousculer le concept de la guest list, c’est aussi de le faire de manière permanente. L’idée que tous ceux qui ont le privilège d’être sur guest list à Berlin puissent « rendre la pareille » en donnant une petite somme pour aider les réfugiés, ça doit devenir un réflexe.

Omar Souleyman, chanteur syrien et invité de Clique, a rejoint le projet Plus1 à l’occasion de son concert à Berlin pour Médecins Sans Frontières, le 15 mai prochain.

Qui est derrière ce projet ?

En ce moment, nous sommes 18. Plus1 est composée de bénévoles qui s’investissent dans le projet en dehors de leurs heures de travail. Je suis l’un des seuls membres qui n’en vient pas d’ailleurs : je fais de la recherche en sciences politiques à l’université.
La plupart de nos membres ont un passé dans les mouvements de gauche, notamment dans les groupes antiracistes et beaucoup de ces gens de gauche ont, justement, des liens très forts avec le milieu de la nuit berlinoise. Nombreux, d’ailleurs, sont ceux qui travaillent dans le domaine de la musique : cela nous donne accès à un large réseau. Nous savions, dès le départ, que ces contacts dont nous disposions étaient notre force : voilà pourquoi Plus1 privilégie la musique et la culture club de Berlin comme médiums pour récupérer des fonds et informer la population.

Avez-vous rencontré des réactions hostiles ?

Comme nous ne sommes pas aux portes des clubs, nous ne sommes pas en contact direct avec les gens. Pour l’instant, les retours sont plutôt positifs, même si bien sûr il y a pu y avoir, quelques fois, des réticences.

« Voilà pourquoi les physios, les videurs et l’ensemble du personnel d’accueil sont si importants pour nous : plus ils s’impliquent à nos côtés, plus nous avons de chances de récolter des dons ».

plus12
Photographie © Plus1

Comment tout cela a-t-il débuté ?

Notre première réunion a eu lieu en septembre. La collecte a commencé pour de bon mi-octobre. À la fin de l’année 2015, nous avons pu donner 24 000 euros aux structures que nous soutenons. Et il y a deux semaines, nous leur avons fait un nouveau virement de 25 800 euros.

Qu’est-ce qui vous a poussés à vous mobiliser ?

Nous sommes un groupe d’amis de longue date, et l’année dernière, nous avons vraiment ressenti le besoin de faire quelque chose. Nous étions tous très perturbés par le climat politique allemand, la situation catastrophique des réfugiés, mais aussi par la situation générale aux frontières européennes, avec ce nombre de morts qui ne cesse de croire. Nous nous sommes dit qu’il fallait faire quelque chose. Nous voulions inventer un concept à la fois simple, viable et pérenne.

Vous évoquez le climat politique allemand. Pouvez-vous m’en dire plus ?

Tous les jours, des milliers de gens meurent alors qu’ils voyagent vers l’Europe.

« La mer Méditerranée est devenue une fosse commune ».

L’Union européenne rechigne à apporter son aide. Au même moment, le service public allemand est en pleine crise : depuis plus d’un an, les réfugiés qui arrivent attendent souvent plusieurs semaines – et même parfois plusieurs mois – pour être enregistrés au LaGeSo, et à ce moment-là seulement ils peuvent faire une demande d’asile (le Bureau des Affaires sociales et de la Santé, où des centaines de réfugiés patientent des heures, chaque jour pour leur enregistrement, NDLR).

Migrants queue in the compound outside the Berlin Office of Health and Social Affairs (LAGESO) as they wait to register in Berlin, Germany, October 7, 2015. German authorities are struggling to cope with the roughly 10,000 refugees arriving every day, many fleeing conflict in the Middle East. The government expects 800,000 or more people to arrive this year and media say it could be up to 1.5 million. REUTERS/Fabrizio Bensch TPX IMAGES OF THE DAY

La queue devant le LaGeSo, octobre 2015. Photograhie © Fabrizio Bensch

Les conditions du droit d’asile en Allemagne ont été durcies ces derniers mois. L’administration berlinoise est dépassée. Elle laisse à la société civile, dont l’association Moabit hilft!, le soin de  prodiguer aux réfugiés ce qui relève pourtant du strict minimum : des kits d’hygiènes, des couvertures chaudes, de l’eau. Et pour ne rien arranger, les mouvements anti-réfugiés s’étendent en Allemagne. On ne cesse de voir, dans les médias, des abris pour réfugiés brûlés, des violences xénophobes, des manifestations dans tout le pays (des phénomènes largement condamnés dans les médias et par les politiques, NDLR). Tout ça alors que le parti populiste de droite AfD (la nouvelle extrême-droite qui envisage d’ailleurs une alliance avec le Front National français) vient de connaître un succès dans les urnes, aux élections régionales de mars dernier.

Comment avez-vous déterminé quelles organisations bénéficieraient des dons ?

Nous avons cherché un équilibre entre le soutien pratique, quotidien, sur le terrain et la contribution à une solution politique durable. Du coup, nous soutenons trois projets qui se complètent. Moabit hilft! (du nom du quartier de Berlin Moabit, NDLR) donne de l’assistance de base aux réfugiés qui viennent d’arriver à Berlin et patientent devant le LaGeSo. Le Conseil des Réfugiés (Flüchtlingsrat) de Berlin est un réseau de plusieurs groupes et activistes engagés pour les droits des réfugiés et la protection de leur dignité humaine. Il traite directement avec le Sénat berlinois, avec les autorités publiques, les associations, les partis et les hommes politiques pour défendre les droits des réfugiés. Quant à Sea-Watch, c’est une initiative privée qui  va au secours des réfugiés au large de la mer Méditerranée depuis juin 2015 : ils ont acheté un ancien bâteau de pêche et l’ont transformé en bateau de sauvetage. Au vu des nombreuses initiatives pertinentes qui existent, nous avons décidé de changer régulièrement les organisations que nous soutenons. Cela dit, le concept de donner de l’argent à trois organisations en même temps restera bien là.

Avez-vous le soutien des autorités publiques ou d’un autre acteur socio-politique, quel qu’il soit ?

Non, nous ne sommes liés ni aux autorités allemandes, ni à aucun parti politique.

Précédent

Views, le nouvel album de Drake, est sorti

PREMIÈRE : Amarillo, "The Loop"

Suivant