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Société
Par Fanny Marlier

Élections régionales : pourquoi le FN a franchi un cap

Au lendemain du deuxième tour des élections régionales, ce 14 décembre quatre chercheurs spécialistes des "radicalisés politiques" tenaient une conférence de presse à la Fondation Jean-Jaurès. L’occasion d’analyser les résultats du deuxième tour des élections régionales et les reports de voix entre les deux tours.

Semi-victoire pour le Front national ? Coup d’arrêt à la stratégie du parti de Marine Le Pen ? Ou succès grandiloquent du front républicain ? Le Front national progresse dans l’électorat, mais « n’est toujours pas un parti de second tour », comme l’affirme Sylvain Crépon, membre de l’Observatoire des radicalités politiques (Orap) de la Fondation Jean-Jaurès. Le Front national n’a en effet emporté aucune région au second tour, le 13 décembre. Seulement voilà, avec 6,6 millions de voix, le parti d’extrême droite réalise le meilleur score de son histoire.

Parti de premier tour

Malgré l’opposition de Nicolas Sarkozy et du bureau politique des Républicains au front républicain prôné par la gauche, plusieurs candidats de droite n’auraient pas gagné sans ce report de voix des électeurs de gauche.

C’est ce qui s’est passé dans les deux régions où le FN était largement en tête au premier tour, en Nord-Pas-de-Calais-Picardie et en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Comme l’indique Jérôme Fourquet directeur du département Opinion et Stratégies d’Entreprises de l’Ifop, dans le Nord, 70% des voix de gauche se sont reportées vers le candidat Républicain Xavier Bertrand entre les deux tours. De même en Paca, où 65% des électeurs socialiste ont voté pour Christian Estrosi.

« C’est un rejet majoritaire du FN », insiste Cécile Alduy, co-auteure de Marine Le Pen prise aux mots. Décryptage du nouveau discours frontiste (Ed. Seuil, 2015). Le 11 décembre dernier, un sondage Odoxa révélait que 67% des français ont une mauvaise opinion du Front national.

Une partie des abstentionnistes du premier tour s’est toutefois mobilisée au second en faveur du FN. C’est le cas de 7% des nouveaux votants dans le Nord, et de 9% en Paca.

Certains électeurs du Front national semblent avoir adopté un vote stratégique dimanche 13 décembre : lorsque le candidat FN n’était pas en mesure de remporter le deuxième tour, ces électeurs frontistes en reporté leurs voix vers les Républicains. En Île de France, par exemple, une partie d’entre eux a préféré « voter utile », et faire gagner Valérie Pécresse, le candidat FN Wallerand de Saint-Just voyant son score baisse au second tour.

Ce coup d’arrêt remet en question l’identité même du Front national.

Pour Sylvain Crépon, « le FN n’est pas un parti de second tour car il n’a pas la possibilité d’effectuer des alliances électorales. »

Le politologue explique qu’il y a aujourd’hui « un débat larvé » au sein du parti entre ceux qui désirent que le mouvement s’affirme davantage comme parti de droite, comme ce fut le cas dans les années 1980, et ceux pour qui le parti doit suivre une ligne « ni droite ni gauche », incarnée par Marine Le Pen.

Pour Cécile Alduy, les faiblesses du FN passent avant tout par son manque de cadres d’envergure nationale. « Les scores ont été importants dans les régions des cadres du FN comme Marine Le Pen ou Marion Maréchal-Le Pen », note-t-elle.

Une victoire idéologique ?

Si le FN n’a conquis aucun exécutif régional, il obtient son record de voix et enregistre des progressions spectaculaires par rapport aux élections européennes.

C’est donc une « semi-victoire pour le Front national », souligne Sylvain Crépon. « Pas de quoi pavoiser pour les partis de gouvernement », insiste le chercheur.

Entre le premier et le second tour, le FN a gagné 800 000 voix de plus en moyenne. Le mouvement a tout de même réussi a triplé ses représentants dans les instances régionales. « Il pourra désormais diffuser ses idées dans des assemblées régionales et mettre en avant ses thématiques », note Sylvain Crépon. Il ajoute : « Le parti n’aura certainement plus de difficulté pour engranger les signatures nécessaires pour participer à la présidentielle ».

Pour Cécile Alduy, « La victoire idéologique du mouvement est réelle ». Elle explique :

« En dépit de sa faiblesse de parti de second tour, ses forces demeurent puissantes et durables. La crise des migrants et les attentats valident aux yeux du public la théorie du partie qui prône la fermeture des frontières et le renforcement un État autoritaire. »

À Calais, le FN a obtenu 17 points de plus par rapport au scrutin de 2014. « La problématique des migrants a apporté un carburant décisif », relève Jérôme Fourquet. Cécile Alduy dénonce le danger d’une stratégie qui consiste à « grignoter » l’électorat frontiste. L’ensemble du personnel politique a aussi joué la carte du discours sécuritaire. La parole « FN » se trouve de plus en plus légitimée.

« Marine Le Pen était ravie que François Hollande valide certaines de ses propositions comme la déchéance de nationalité », note Cécile Alduy.

Cette spécialiste du discours politique a été frappée par l’emploi d’un certain nombre de termes empruntés au FN, dans un tract de Laurent Wauquiez : « ’Coup de boutoir’, ‘Europe technocratique’, ou encore le ‘déracinement’ était le 4e axe de la campagne de Marine le Pen ! », rappelle-t-elle.

« C’est finalement une grand victoire idéologique pour le Front national, qui n’avait jamais recueilli autant de voix. Mais c’est aussi une grande défaite, étant donné qu’avec les attentats et la crise des migrants, les conditions pour une victoire du mouvement étaient réunies », conclut Nicolas Lebourg.

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