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Arts
Par Adeline Grais-Cernea

CLIQUE TALK : rencontre avec les créateurs du film Le Petit Prince (2015)

C'est dans une petite galerie de l'île Saint Louis, Arludik, que j'ai rendez-vous pour rencontrer le réalisateur et les deux artistes dessinateurs du nouveau film d'animation, Le Petit Prince, qui sortira sur tous les écrans de France le 29 juillet 2015.

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Il y a trois jours j’ai été invitée à la diffusion presse dudit film. Champs-Elysées, cinéma le Normandie, 10h30 et me voilà plongée dans le noir, lunettes 3D sur le nez à essayer de reconnaître les voix de Marion Cotillard, Guillaume Canet, Vincent Cassel, Laurent Lafitte, Florence Foresti et Vincent Lindon qui, entre autres, doublent l’oeuvre.

Cette version cinématographique est une véritable mise en abîme fictionnelle. Une petite fille et sa maman (très stricte sur le futur qu’elle projette pour son enfant) emménagent près de chez un vieux monsieur complètement farfelu, qui grâce à une histoire qu’il ne cesse de raconter, arrive à captiver l’enfant et la détourne petit à petit du devenir morose qui lui était destiné. Cette histoire, c’est celle du Petit Prince qu’il assure être bien réelle et qu’il certifie même avoir vécue puisque : l’aviateur-narrateur, c’est lui…

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Je connais bien Le Petit Prince, du moins l’ouvrage et je me dis, en toute bonne conscience, que l’interview sera davantage une conversation qu’un simple question/réponse. On va blablater ; facile. Pourquoi je me dis ça ? Parce que, TRES BÊTEMENT, ayant vu le film en français j’oublie complètement que les 3 créateurs sont AMÉRICAINS ! Et de fait, j’avoue que je « blablate » en VO beaucoup moins bien qu’en français, tout spécialement l’après-midi quand aucun cocktail n’est encore venu à ma rescousse.

Quand je réalise tout ça, il est trop tard.
Je suis dans la galerie. Il fait 35°. Je sue à grosses gouttes et dans 2 minutes c’est mon tour.
Je regarde l’attaché de presse avec des yeux qui disent clairement « Pète-moi la jambe que j’ai une bonne raison de partir en pleurant. », mais celui-ci me répond, un tant soit peu dérouté : « Ça va bien se passer… ça va bien se passer… »
Il va falloir que je tienne 20 minutes. Je sors mon éventail en essayant de paraître calme sans remarquer que mes 3 camarades sont déjà installés face à moi et attendent que je me lance.

Ils ont l’air très gentil. Je veux dire, ils sourient, c’est déjà ça…
« Es-tu nerveuse ? », me demande Alex.
J’opine du chef, bien obligée de répondre que oui, tout en espérant toucher leur sensibilité et leur indulgence.

En face de moi, Peter de Sève, dessinateur. Il a conçu tous les personnages de cette nouvelle épopée. Méga star aux U.S, il a collaboré à de nombreux films comme Mulan, Nemo, L’Âge de glace et est à l’origine de plusieurs couvertures du New Yorker.

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À côté, Alexander Juhasz, c’est l’autre dessinateur. Celui qui a dû se réapproprier les différents dessins d’Antoine de Saint-Exupéry pour les animer à sa façon et leur faire vivre de nouvelles aventures.

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À ma droite, le maestro, Mark Osborne, réalisateur. Papa de films comme Bob l’Éponge, Kung-Fu Panda, ou encore Monstres contre aliens.

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Ils se marrent tous. Me mettent à l’aise. Me disent qu’eux, ils sont nuls en Français. Que c’est cool.
Ok. J’essaye de détendre l’atmosphère en leur demandant s’ils sont amis dans la vie ?
Ils répondent tous les trois très spontanément :

« Non ! Pas du tout ! »

Et explosent de rire. Euh…. ils sont bourrés ou quoi ? Ou alors c’est la chaleur. Ils sont fatigués. Ils se foutent de moi ? Rien de tout cela, m’explique Mark : en réalité Peter n’avait jamais rencontré ni Alex, ni Mark qui, eux pour le coup, sont amis dans la vie. Ils se retrouvent tous les trois à Paris pour la première fois. Mark était fan de Peter depuis très longtemps et il l’a contacté il y a maintenant 4 ans pour travailler sur ce projet. Après de nombreux Skype ensemble, ils sont devenus amis et ont collaboré à distance.

Mark avait cette vision du film : une double animation 3D avec d’une part, des dessins créés de façon totalement digitale et d’autre part, des volumes crayonnés crées en papier. Un travail fastidieux et compliqué qui lui a pris plusieurs années entre la recherche d’un producteur, le montage d’une équipe, la réflexion, l’écriture du script et la réalisation concrète de ce qu’il avait en tête.

En France, avoir Le Petit Prince dans sa bibliothèque et se le faire lire par sa maman avant de dormir est aussi traditionnel que de se faire offrir une girafe Sophie à la naissance.
Ce que l’on peut oublier c’est que l’œuvre a été publiée en 1943 à New-York, en anglais et en français et vendue à 145 millions d’exemplaires dans le monde car traduit en 270 langues… Rien que ça.

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Antoine de Saint-Exupéry avait beau être français, Le Petit Prince lui, est et restera totalement international. Un de ces personnages sans vraie attache (que sa petite planète), complètement atemporel, apatride, qui évolue uniquement dans l’immensité (de l’espace ou du désert) et qui, dès lors, ressemble à tous les enfants, malgré sa blondeur extra-terrestre.

Sujet parfait ! Fédérateur ! Et libre de droits 😉

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Mais Mark me raconte qu’il a dû se battre pour trouver des financements et prouver quotidiennement, le plus précisément possible que son projet allait être un succès.
L’écriture du film a toujours été « work in progress » depuis 4, presque 5 ans.
Si beaucoup de choses ont changé depuis la première version, les détails n’ont cessé de se construire et de se reconstruire jusqu’au dernier jour de montage, quelques jours seulement avant la projection du film en salle…

Pendant la séance je me suis demandée s’il n’y avait pas, en réalité, deux films en un : une histoire pour ceux qui ont déjà lu Le Petit Prince et une autre pour ceux qui en sont totalement vierges ? (… et Peter de rebondir en me disant que c’est une bonne question. Pfiou. Je me sens déjà mieux. ) :

Mark : Quand tu construits un film comme ça, tu dois penser à tous les niveaux de lecture possible. Penser aux jeunes, aux vieux, ceux qui connaissent le livre, ceux qui ne le connaissent pas, mais à un moment il faut que le film se fasse ! Et alors pour finir tu peux être sûre qu’il y aura différentes interprétations, différents sentiments par rapport à l’histoire. (…) J’espère juste que pour ceux qui connaissent le livre, ça sera une nouvelle lecture, tout aussi intéressante que leur première expérience avec l’oeuvre. Une sorte de dialogue entre ce qu’ils connaissent déjà et ce qu’ils redécouvrent, des détails même, mis en lumière pour la première fois !

Pour les personnages, Peter s’est tout naturellement inspiré des gens de sa famille, et le vieux monsieur pourrait tout aussi bien être son propre papi. Mais sans photo. Uniquement de mémoire. Utilisation du sentiment.

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Pour le personnage de la petite fille, il s’est ainsi inspiré de sa propre fille. Il voulait qu’elle ait en plus une petite touche française et a immédiatement pensé à Marion Cotillard en se l’imaginant petite fille sans pour autant en faire un cliché de la parfaite little girl. La dent cassée est un indice de cette imperfection et le signe qu’elle est fragile et ne devrait peut-être pas avoir à grandir…

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Pour finir, je leur demande juste si, à force de dessiner et/ou de voir des images animées toute la journée, ils n’en arrivent pas à rêver en dessin animé ?…

Cela peut arriver oui, me répond Alex. Je suis souvent allongé et recouvert de détritus sinon… (et c’est alors si je me demande si je comprends bien ce qu’il est en train de me raconter…) Je ne vois pas le rapport, mais il continue en expliquant que pour lui les rêves ont une grande place dans son organisation de travail. Parfois quand il bute, il y trouve même des solutions.

Les rêves de Peter peuvent également tourner autour du dessin, mais d’une autre façon : quand il travaille à une peinture plusieurs jours durant, il lui arrive de rêver qu’il la termine enfin, content et fier de lui, pour se réveiller quelques minutes plus tard et s’apercevoir fatalement que rien n’est fini… Déception.

Mark est amusé et me raconte alors un de ses récents rêves : il se trouve sur un bateau, seul maître à bord en n’ayant évidemment aucune notion de navigation et se réveille en nage. Voilà son « work-dream ». Il appelle alors tous ses collègues en hurlant : « Le bateau est en train de coulerrrrrrrrr. »

Bon, souhaitons à Mark de ne pas avoir à faire la version animée du Titanic et d’ici-là longue vie à au Petit Prince pour des milliers de générations.

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Exposition « L’Art du Petit Prince »
Galerie Arludik
12-14, rue Saint Louis en l’Ile
75004 Paris

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