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Cinéma
Par Pauline Baduel

À VOIR : le film « Mobile Homes » est-il « l’anti Florida Project » ?

C’est le premier long métrage d’un jeune réalisateur français qui n’a pas peur du froid et de l’éloignement. Présenté à la Quinzaine des Réalisateurs à Cannes, le film de Vladimir de Fontenay est un road trip sans le "cool" qui va avec. L'actrice Imogen Poots y remue ciel et terre pour donner un toit (mobile) à son fils de 8 ans, éleveur de coqs. Ayez le coeur bien accroché : c'est un film aux virages serrés...

« Home », ce n’est pas que la maison. C’est le foyer. Se sentir chez soi, en sécurité. Mobile Homes est né de ce paradoxe : certains construisent ces « maisons » qui n’ont rien de stable. Elles sont mobiles, déracinées, et ils s’y attachent comme un roc. Tiré d’un court-métrage réalisé en 2013, le film de Vladimir de Fontenay a été tourné à la frontière entre les États-Unis et le Canada, une zone limitrophe fantomatique. « C’est le genre d’endroit où les villes portent des noms célèbres (Londres, Cambridge) tellement elles n’ont aucun intérêt » explique le réalisateur qui a vécu sept ans là-bas. Elles sont traversées par des gens sans attache qui oscillent entre les stations-services, les Diner et les motels sans charme de Niagara Falls.

Imogen Poots, Callum Turner et Frank Oulton dans Mobile Homes

On entre dans ce road-trip glacial et sinueux par une scène fixe : un centre social. Le cadre est posé. Ali (Imogen Poots, vue dans 28 Weeks Later, V For Vendetta ou Need for Speed) essaie d’obtenir de l’aide des services sociaux. De retour à sa camionnette embourbée dans la neige, son fils de 8 ans a disparu.

Aucune inquiétude, la jeune femme retrouve son petit ami pour quelques minutes (secondes même) de plaisir dans la chambre d’hôtel. Caméra à l’horizontale, près de l’oreille, on ne voit pas les visages. « J’aime entrer dans une scène par l’action, plus que par l’exposition. Je ne présente pas mes personnages, on sait qu’ils sont hors système, c’est suffisant. Le pire au cinéma, c’est de voir des acteurs qui ont conscience de leur rôle… » nous confie le réalisateur.

Un road-trip sous minuterie

Tous les trois circulent dans une fourgonnette habitée par des coqs. Bone est à la fois l’employé, l’enfant et le boulet du trio. Bizarrement, sa jeune mère semble vouloir le protéger en l’exposant chaque fois un peu plus au danger. Dans la piscine d’un motel, Evan (son beau-père) le pousse à l’eau alors qu’il ne sait pas nager. Les murs carrelés sont d’un bleu vif et le rouge envahit la piscine. Un danger sans alarme ni harnais de sécurité. « On n’est pas des animaux, ok? » dit Evan à Bone lors d’un déjeuner. C’est pourtant lui qui impose le resto basket à tous les repas. Même rituel : les deux grands partent en premier. Bone doit compter jusqu’à vingt avant de s’en aller. On compte avec lui. Tout n’est que minuterie dans ce film. 

Trailer de Mobile Homes : la scène de la piscine.

« Le mobile-home lui-même est emblématique du développement des personnages. » Vladimir de Fontenay

À force de courir, Ali ne sait plus à quoi ou qui se rattacher. Le mobile home est la clé. « Il faut voir comment les gens les customisent. Chaque papier peint est différent « , explique Vladimir, qui a tourné dans l’une des plus grandes fabriques du pays. Le film bascule la nuit où Ali et Bone s’endorment dans une maison remorquée. Ils se réveillent sur la route dans un lieu totalement inconnu. « Le mobile home lui-même est emblématique du développement des personnages. C’est d’ailleurs à ce moment là qu’Ali change de comportement ». Ali va repeindre les murs en faux lambris, poser une moquette grise et marcher dessus comme on marche sur la neige. Sentiment proche de l’extase, si si.

Bone (Frank Oulton) et Ali (Imogen Poots), Mobile Homes. 

Evan disparait, mais le coq reste. Ce même coq qui a combattu dans des hangars insalubres sous l’œil aiguisé de Bone, tour à tour dresseur et dealer de drogues. « L’idée des combats de coqs au nord des Etats-Unis, ça peut paraître étrange, mais j’y ai assisté. C’est une réalité. Comme la corrida, ces combats mettent mal à l’aise, mais ils sont aussi très esthétiques » poursuit le jeune réalisateur passé par la Tisch School of the Arts avec Spike Lee comme professeur.

« Mon film, c’est tout l’inverse de Florida Project. Le moment où Ali devient mère, c’est justement le moment où elle veut abandonner son fils ».

Les paysages défilent, on ne sait pas très bien comment tout ça va finir. On pense à American Honey, même si l’œil d’Andrea Arnold est plus précis avec cette communauté à l’énergie folle et pourtant sans but précis. La cavale d’Ali se termine comme elle a commencé : par une scène sublime de faux départ. Là encore, les représentants de l’Etat (justice, police, aide sociale) restent hors champ. Tout se joue sans eux. Bone a grandi, il ne compte plus jusqu’à vingt de la même manière…

Le film a été présenté à Cannes au même moment que Florida Project, qui a pris la lumière. « Je sais qu’on nous a beaucoup comparés au film de Sean Baker et sa communauté qui vit en marge de Disneyland. Mais mon film, c’est tout l’inverse de Florida Project. Le moment où Ali devient mère, c’est justement le moment où elle veut abandonner son fils. C’est par un acte non maternel qu’elle devient responsable… »

Mobile Homes de Vladimir de Fontenay (1h46), en salles aujourd’hui.

Pour relire notre critique de Florida Project, c’est ici.

Image à la UNE : Imogen Poots (Mobile Homes)

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