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Par Charlotte Vautier

Les 5 ingrédients d’un hit de rap français en 2017 : l’instru (partie 2/5)

En association avec Spotify et sa playlist « Punchlineurs » qui regroupe tous les hits du rap français du moment, Clique a demandé à des experts de parler de la formule pour créer un tube en 2017.

Inscrivez-vous à la playlist « Punchlineurs », exclusivement sur Spotify.

Pour ce second épisode, focus sur la production musicale. Jusqu’à récemment, les compositeurs/beatmakers/producteurs ont été peu exposés médiatiquement, contrairement aux artistes pour lesquels ils créent des sons. Pourtant, ils sont les premiers artisans des hits qui squattent les playlists de rap français.

Pour essayer de décrypter leurs formules et comprendre ce qui fait un hit en 2017, nous avons interrogé le rappeur Niska, le duo de beatmakers Double X ainsi que DJ First Mike, qui mixe du rap français depuis 20 ans, et Will, le fondateur de la première bibliothèque web française d’instrus.

Si vous n’avez jamais entendu le nom de Matt Shimamoto, il est probable que vous ayez déjà écouté l’une de ses compositions musicales. En 2015, ce beatmaker américain a vendu sur son site www.mksbeats.com l’instru du morceau « Le Monde ou rien » au duo PNL pour la somme de 39,99 dollars. Résultat : 79 millions de vues sur YouTube et 16 millions d’écoutes sur Spotify. En matière de retour sur investissement, on a rarement vu aussi efficace.

 Le clip « Le Monde ou Rien » de PNL (2015).

Internet ou le marché aux instrumentales

Jusqu’à récemment, les artistes se fournissaient en instrumentales via le bouche à oreille, leur cercle de contacts ou encore grâce à des éditeurs. Désormais, c’est sur Internet qu’une grande partie des transactions se déroulent, surtout pour les artistes en développement : sur Soundcloud ou YouTube, n’importe quel compositeur peut faire découvrir ses créations à un public potentiel. Des plateformes dédiées à cet usage précis ont même été créées ; outre le site de Matt Shimamoto, des sites regroupent en France le travail de beatmakers plus ou moins connus tels que Urbanbeat.fr, Virtual-beat.com, NKSounds.com ou encore Beatsavenue.com. Will a fondé le site Urbanbeat en 2006, il accueille aujourd’hui environ 6 000 visiteurs uniques par mois.

« Aujourd’hui, 15 000 instrus sont disponibles sur le site, et environ 40 000 ont déjà été vendues. L’avantage est que chacun peut trouver un beatmaker qui correspond à ses envies artistiques« , explique-t-il.

En effet, plus il y a de demande, plus il y a d’offre. Grâce à l’accessibilité et à la facilité d’utilisation des logiciels de musique comme Logic, Fruity Loops ou Audacity, de plus en plus de compositeurs amateurs se mettent à vendre leur musique aux rappeurs. Les prix ? En moyenne 20 à 30 euros lorsqu’elle est non-exclusive (droits d’utilisation limités, et pouvant être vendue plusieurs fois), entre 80 et 100 euros lorsqu’elle est exclusive (l’instrumentale est cédée à l’artiste). Ce sont sur ces plateformes que plusieurs rappeurs viennent se fournir pour créer leurs morceaux… qui deviendront peut-être des tubes.

Les beatmakers du duo Double X sont derrière les hits « Macarena » et « Signaler » de Damso, « Chasse à l’homme » de Niska ou encore « Tchoin » de Kaaris. Pourtant, ils peuvent créer des beats avec ou sans prescription de la part des artistes. « La plupart du temps, on se met derrière nos machines et on fait à l’instinct. C’est en composant que l’on crée. Il peut aussi arriver que l’on nous transmette des briefs ; à ce moment-là, on trouve le juste milieu entre notre touche et ce que l’artiste cherche ».

Plusieurs morceaux du duo Double X sont à écouter dans la playlist « Punchlineurs »

Du Boom Bap au dancehall

Si les instrumentales de type « rap français classique » (basées sur des samples de piano ou de violon) ont longtemps été vendues sur son site, Will, le fondateur d’UrbanBeat, a remarqué une évolution dans les demandes :

« Les intrus de type Trap sont beaucoup plus présentes sur la plateforme qu’il y a quelques années. Cependant, il faut noter de nombreuses autres demandes, comme les instrus « Old school », « Gangsta », « Electro » ou encore « Dancehall » et « Reggaeton ».

Quand on regarde les classements actuels des charts, le constat est pourtant sans appel : depuis plusieurs années, les hits de rap français sont très majoritairement basés sur de la trap, genre musical qui a pris sa source à Atlanta, aux États-Unis, et qui s’est démocratisé à partir de 2009. En parallèle, les sonorités aux influences afro-caribéennes se multiplient également dans les albums de rap. Les hits « La vache » et « Madre Mia » de Sadek, « Pochon Bleu » de Naps, « Vatos » de Timal, « Ghetto » de Benash, et (plus étonnamment de la part de Lacrim) « Ce soir ne sors pas » empruntent des codes dancehall. Dans la playlist Punchlineurs, environ un titre sur cinq a des sonorités afro-caribéennes. L’écoute n’est plus la même : en évoluant depuis les décennies précédentes, le rap français a séduit aujourd’hui un public extrêmement large et assume pleinement un côté dansant, inconcevable il y a encore quelques années.

Le duo Double X explique que tout est une question de cycle :

« Avant d’arriver ici, les tendances caribéennes, nigérianes et ghanéennes sont passées par l’Angleterre, parce qu’il y a là-bas des grosses communautés afro. De grands artistes ont popularisé cette vague, comme Drake avec « One Dance » par exemple ». Il suit ce qui se fait là-bas et s’en inspire beaucoup.

Une histoire de BPM

DJ First Mike mixe depuis presque vingt ans. Témoin privilégié de l’évolution musicale du rap, il a d’abord travaillé avec Cut Killer, est passé par la radio Générations et a accompagné sur scène des rappeurs français comme Sefyu. Aujourd’hui, il anime l’une des émissions référentes sur le rap français sur Mouv’. Il explique : « avant, ce n’était pas aussi varié. Par exemple, le morceau « Qui est l’exemple ? » de Rohff est un gros hit des années 2000 ; pourtant l’instru reste tout de même très rap« .

« Qui est l’exemple ? » de Rohff (2002).

En deux décennies de mix, il estime que la principale évolution dans les instrus de rap se trouve dans les BPM (nombre de battements par minute, NDLR) : « À l’époque du Wu-Tang, les beats tournaient à 90 BPM, puis à plus de 100 BPM à l’époque de Timbaland. Depuis la vague trap à Atlanta, on est redescendus à des beats à 70 BPM. » 

Ce rythme est loin d’être anecdotique : une étude menée par un neuropsychologue japonais, Makoto Iwanaga, démontre que 70 BPM est le tempo qui convient le plus aux êtres humains. Une manière inconsciente de séduire les auditeurs ? 70 battements par minute, c’est en effet le rythme moyen de notre coeur au repos. Lorsque le chercheur a proposé à des volontaires de changer le rythme de la musique qu’ils écoutaient, ils avaient souvent tendance à l’adapter aux battements de leur propre coeur.

Selon Double X, le choix des BPM s’accorde surtout à l’humeur de l’auditeur : « Si je suis énervé, je vais plutôt écouter un « Chasse à l’homme » de Niska car je serai dans ce mood là. Si je suis plus posé, je peux écouter « Poussière » de Kaaris. Ils sont dans des BPM opposés ». Ces deux morceaux ont d’ailleurs été composés par Double X.

L’effet de « déjà entendu »

Dernier élément essentiel dans un hit : la facilité de mémorisation d’un morceau. Tout le monde connaît cet effet, parfois désagréable, d’avoir l’impression d’aimer un morceau parce qu’on l’a entendu – bien trop de fois – à la radio, en voiture, dans un magasin, en allumant notre télé ou en scrollant les réseaux sociaux. DJ First Mike, en observant la playlist Punchlineurs, évoque un procédé bien connu des beatmakers de rap : la reprise des samples de morceaux déjà connus.

« Le morceau « Suis-moi » d’Alonzo est addictif, en grande partie grâce au sample du morceau « Didi » de Cheb Khaled. Ça devient un hit parce que tu l’as déjà plus ou moins dans la tête. Tu l’associes inconsciemment à une sonorité que tu as déjà entendue au moins une fois dans ta vie », analyse le DJ.

Le morceau « Didi » de Cheb Khaled.

Tout est une question de souvenirs, de ressenti et de sensibilité. L’émotion, c’est ce que Niska va chercher à transmettre dans ses morceaux – et il sait de quoi il parle : son hit « Réseaux » est actuellement numéro un des charts.

« J’attends toujours l’instru avant de me lancer. Après, je comprends ceux qui arrivent à faire l’inverse, chacun sa méthode de travail. Certains sont plus dans l’écriture sans l’instru, pour pouvoir être plus profonds… Mais ça ne fonctionne pas avec moi. Donc j’ai besoin d’entendre l’instru pour aller chercher l’émotion. C’est vraiment la mélodie qui va guider mon écriture ».

Quant à Double X, ils assurent que « la mélodie, c’est la base. Il y a certains accords, dès que tu les entends, tu sais que ça va te rester dans la tête. Disons donc que 50% du travail est dans la prod, et que le reste est dans les mains de l’artiste ».

Même si quelques éléments sont récurrents dans les derniers tubes de rap (répétitions de gimmicks sonores, productions dépouillées avec des notes accrocheuses…), il n’y a pourtant pas de formule. Pour autant, il est indiscutable – le nombre d’écoutes en atteste – que certains beatmakers comme Double X, BBP, Pyroman, Le Motif, Eazy Dew, Hologram Lo’, Dj Weedim, Myth Syzer et Abis Musique ont su décrypter le code pour s’infiltrer dans nos oreilles… et dans les playlists.

Retrouvez le Clique by de Niska ci-dessous :

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