ENTRETIEN - AZYLE : "Je considère cette décision comme un encouragement"
Aziz Abu Sarah veut vous faire voyager autrement. Ce Palestinien de 35 ans a fondé Mejdi Tours en 2009. L’idée : faire découvrir aux voyageurs la ville de Jérusalem grâce à des accompagnateurs de cultures et de confessions différentes, un Israélien et un Palestinien, pour aller au-delà de la simple visite de monuments historiques.
Si l’on a un groupe de touristes de confession juive, ceux-ci vont être amenés à partager un repas dans une famille palestinienne. Les touristes musulmans seront eux conviés à un shabbat au sein d’un foyer israélien.La richesse d’un voyage ne peut se résumer au post d’une photographie sur son mur Facebook.Qu’est-ce que vous voudriez faire ressentir au voyageur ? Pour raconter des histoires, il faut rencontrer des gens. Ce n’est pas toujours facile de se confronter à des inconnus, mais c’est lorsque l’on sort de sa zone de confort que l’on apprend vraiment de l’autre. Les voyageurs sont tout aussi responsables de leurs souvenirs que les tours-opérateurs. Leurs souvenirs des lieux doivent être imprégnés par des rencontres qu’ils n’auraient pu faire ailleurs. Mais surtout, notre objectif reste celui de changer la perspective des hommes et des femmes de passage à Jérusalem notamment.
Le voyage n’est pas une histoire de distance mais d’état d’esprit.Il remet en question nos plus solides évidences. Il change la façon que l’on a de voir les cultures, les réfugiés, en somme notre vie quotidienne. Mejdi fait voyager ensemble étudiants, groupes religieux ou interconfessionnels et voyageurs individuels de toutes origines et de toutes confessions. À quelles difficultés avez-vous été confronté ? Beaucoup trop (rires) ! Même certains de mes amis proches étaient mitigés lorsque je leur ai proposé l’idée. Trouver des investisseurs a été très compliqué à l’origine, et nous avons dû nous débrouiller tout seul. Mais je pense que dès qu’un projet sort de l’ordinaire il y aura toujours des gens pour vous dire que c’est impossible.
On nous a dit que c’était une idée stupide de faire voyager ensemble juifs et musulmans, que le projet ne pouvait être rentable, alors qu'il l'est aujourd'hui.Qu’est-ce qui vous a motivé à travailler dans la résolution de conflits ? Que ce soit en tant que journaliste, associatif, membre d’un groupe de travail universitaire, ou entrepreneur touristique, j’ai toujours voulu rassembler les gens, c’est dans ma nature. À chaque fois j’ai voulu tenter d’innover dans la façon de connecter différents individus. Je n’ai jamais adopté la position du professeur qui avait la science infuse car je pense que chaque communauté, chaque personne a quelque chose à apporter. Dans toutes mes missions j’ai toujours mis un point d’honneur à travailler en collaboration avec les populations locales. Invité à une conférence TED en 2014, Aziz Abu Sarah souligne la capacité pacificatrice du tourisme. Vous vivez à Washington aujourd’hui, pourquoi avoir quitté Jérusalem ? J’avais besoin de prendre du recul sur mes différentes actions. C’était important de quitter Jérusalem pour retrouver un oeil neuf sur la situation et pour m’ouvrir l’esprit. J’ai ainsi pu travailler avec d’autres personnes, notamment en tant que directeur exécutif du centre en charge des religions du monde, de la diplomatie, et de la résolution de conflits à l’Université de George Mason de Washington. Le but était de mettre en place des plans concrets afin de pouvoir rétablir du lien social au sein de populations touchées par la guerre en Afghanistan ou en Syrie dernièrement. Mon lien avec Jérusalem reste indéfectible, j’y séjourne plusieurs fois par an et j’y resterai lié à jamais. Quel est votre plus beau souvenir depuis le début de vos voyages ? L’année dernière, nous étions rassemblés avec plusieurs groupes pour manger dans le centre de Jérusalem. Voir nos quatorze guides composés de 7 Israëliens et de 7 Palestiniens se rassembler naturellement pour partager un repas et rire ensemble, ça a été pour moi une des plus belles choses qui m’ait été donnée à voir. Ils étaient devenus meilleurs amis. Photographie à la Une © Mejdi Tours.