Là, des débris, il y en a deux millions autour de la Terre, en orbite.
Les plus connus ce sont sûrement ceux les objets laissés par les hommes sur la Lune, quand ils y ont mis les pieds. Certains voient ça comme des déchets - la NASA, elle, appelle ça de l’ "archéologie spatiale".
Comment fait-on la distinction entre ce qui relève de l’archéologie spatiale et ce qui relève de la pollution, du coup ?
C’est de la politique. Disons que chacun fait un peu comme il veut.
Normalement, quand un pays envoie un objet dans l’espace, il doit l’enregistrer aux Nations Unies, auprès d'un service qui s'occupe de ça.
En fait, je réponds à plein de critères. Je suis une fille, noire, je viens du 93 (de Noisy-Le-Sec, NDLR), je suis d’origine malienne... Tout est systématiquement ressorti.
Dans un article, récemment, ils ont mis "astronome franco-malienne", alors que je suis française et que je ne l'évoquais pas du tout dans l'interview. Dans la vidéo We Talk, je fais une blague où je dis que je suis une femme de ménage de l'espace. Maintenant c’est repris dans les médias pour me définir, alors que c’est une blague dans la vidéo.
Tu peux m’expliquer ?
À un moment donné, dans le discours, je dis que ma mère est femme de ménage, et je dis pour rire : "Mais attends, je me rends compte que moi aussi je suis femme de ménage, mais dans l’espace", et j'ajoute : "Ah il y a une évolution quand même, de la Terre à l'espace il y a une courbe qui va vers le haut !". Je ne connaissais pas les milieux du journalisme et de la communication, leur manière de fonctionner, de prendre un terme et "BAM" on va te définir comme ça, que tu le veuilles ou non. Un autre truc que je n’ai pas trop apprécié : les gens qui mettent "de famille modeste". Si la fille avait été blanche, on aurait mis ça ?
Je ne sais pas. Tu penses ?
Je ne sais pas non plus. Mais je sais qu’il y a quelqu’un un jour qui a fait un article sur moi et sur une autre fille, qui était dans l’astrophysique comme moi. Pour elle, ils ont mis comme titre "Exploratrice de l’univers", pour moi ils ont mis "Étoile noire de l’astronomie". Dans l'article il y avait "famille modeste", "93", et seulement deux mots pour mon travail.
C’est paradoxal, parce que comme tu le dis, toi-même tu as voulu prendre la parole pour dénoncer des clichés, et finalement tu te les prends quand même, mais dans l'autre sens. Prise à ton propre piège ?
Ce que je leur reproche, c’est que je suis montrée comme une belle histoire, enfin surtout comme une histoire unique.
Il y a d’autres personnes comme moi ! C’est juste qu’on ne les connaît pas. Ces gens-là, on ne les met pas en avant.
Comment tu as envie qu’on parle de toi, en fait ?
Je voudrais qu’on parle de mon travail !
Eh bien parlons-en justement, quel est ton but, concernant les débris spatiaux ?
Quand on parle des débris spatiaux, aujourd’hui la moitié est créée soit par une collision soit par une explosion. Aujourd’hui, on a une réaction naturelle qui veut dire que même si on arrêtait d’envoyer des objets dans l’espace, le nombre de débris ne cesserait jamais d’augmenter.
Un débris de 5 centimètres, dans l'espace, ça a à-peu-près l'énergie d'un bus. Et ça peut avoir des conséquences très lourdes.
L’espace autour de la Terre est trop encombré. On ne pourra pas envoyer de nouvelles fusées, de nouveaux satellites, sans qu’ils risquent d’être détruits par un débris.
Et ça, c’est à quelle échéance que ça peut commencer à être dangereux ?
La NASA estime la date à 2025. En sachant que dans l'espace, tout prend énormément de temps à se mettre en place, ça laisse très peu de temps. Il y a des entreprises qui ont commencé à travailler dessus, dont une entreprise singapourienne, Astroscale, qui affirme qu’elle lancera bientôt son aspirateur. Chacun travaille sur sa propre méthode.
En ce moment, tu es l’une des femmes présentées dans l’exposition "Space Girls". Est-ce que tu peux m’en parler un peu ?
C’est une exposition qui présente 90 portraits de femmes venues de partout dans le monde. Il y en a 18 qui sont en interview vidéo. C'est l'agence de photographie Sipa qui est à l'origine du projet.
D'habitude, on ne le voit pas, les femmes. On est à peine 17% dans le domaine du spatial.
On m'a déjà dit : " T'es pas une vraie fille, tu bosses dans le spatial". Ça prouve qu'il y a un changement à faire dans les mentalités, dès l'école.
À ce propos, tu as créé une association, l'Éphéméride, l'année dernière. Tu vas dans les écoles. Quelle est ta démarche ?
Des collèges et des lycées m'ont appelée pour que j'intervienne chez eux. C'est face aux questions des élèves que j'ai eu l'idée de créer l'association. Ils me disaient tout le temps "Ah mais c'est un truc de malade, tu fais de l'astronomie".
Je voulais leur dire : tu sais l'astronomie ça fait scintiller les yeux, et je ne dis pas que ce n'est pas dur... Mais simplement que si tu veux tu peux y arriver - il suffit de travailler.