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Le Gros Journal

REPLAY – Le Gros Journal avec Anne Nivat et Laurent Chalumeau : « La culture du clic, du buzz, elle vient de très très haut »

Ce soir, le plateau du Gros Journal se pose aux Jardins de Bagatelle, dans le XVIème arrondissement de Paris, avec deux invités exceptionnels : l'écrivain Laurent Chalumeau et la journaliste Anne Nivat.


Le Gros Journal avec Anne Nivat et Laurent… par legrosjournal

Mouloud Achour : Salut Anne Nivat.
Anne : Bonjour.

Salut Laurent Chalumeau.
Laurent : Salut.

Bienvenue. J’ai voulu vous réunir tous les deux parce que pour moi il y a les deux livres qui sont assez importants en ce moment et qu’il faut lire. L’un est un roman, l’autre c’est une enquête : Dans quelle France on vit et VIP. Et vous avez un point commun tous les deux, c’est que pour écrire vous allez sur le terrain, l’un du roman, l’autre de l’enquête. On va commencer par Anne, honneur aux dames.
Laurent : Pour plein de raisons.

Déjà Anne, parce que vous êtes l’une des plus grandes reporters qu’on ait en France, prix Albert-Londres. Vous êtes une journaliste de guerre et aujourd’hui vous allez en France, raconter la France comme elle est en réalité.
Oui la France est en guerre, d’ailleurs j’ai commencé mon introduction en citant ces mots du chef de l’État. Moi je veux bien qu’il dise ça, et je comprends ce vocabulaire très belliqueux et cette réaction après les attentats qui nous ont endeuillés bien-sûr. Mais pour la reporter de guerre que je suis, et je ne suis pas quand même la seule reporter de guerre en France, cela paraît quand même un petit peu indécent cette comparaison. Mais cela faisait longtemps que je me disais que quand je rentrais de mes pays de guerre, en France dans mon pays qui n’est pas en guerre, avant les attentats, que je sentais justement des malaises en France, de plus en plus du déni sur beaucoup de thèmes. Et je me suis dit “Et si j’osais finalement écrire là-dessus ?”.

Le grand reportage, cela commence en bas de chez soi.

Moi je vais loin dans des pays en guerre parce que c’est ce que je fais depuis longtemps, et que les guerres que je couvre Mouloud, ne sont pas terminées. Aucune, ni en Tchétchénie, ni en Irak, ni en Afghanistan.

Ce qui est dingue, c’est que les guerres que vous couvrez, c’était des alertes sur ce que l’on est en train de vivre aujourd’hui.
Anne : Les alertes, personne ne les voit jamais ! Nous, les journalistes, on est toujours en retard, sur tout ! C’est-à-dire qu’effectivement, dès 1999, moi en Tchétchénie je rencontrais des jeunes Français qui s’étaient convertis à l’Islam, et qui allaient aux côtés des combattants tchétchènes pour combattre l’armée russe. Ensuite, je revenais en France, j’étais contactée par des mamans de certains de ces jeunes hommes, parce qu’ils étaient morts au combat entre temps, et qui me disaient « comment faire pour les retrouver ? », « ils se sont mariés sur place », et « si j’ai une petite-fille, un petit-fils ? », etc. Ça n’intéressait personne en 99 ! Qu’est-ce qu’il y a dans la tête des jeunes Français, qu’est-ce qu’il y a dans la tête des Français moins jeunes, qu’est-ce qu’il y a dans la tête de ceux qui sont dans ces villes, à Laon, à Évreux, à Lons-le-Saunier… Pourquoi il y a un sentiment d’insécurité, même dans des villes où il n’y a pas de raison d’en avoir ?

Quand on lit le livre, on se rend compte que ce qu’il y a dans la tête, c’est ce que l’on appelle, nous, dans cette émission les « grosses préoccupations », et c’est pour ça que l’émission s’appelle « Le Gros Journal »… Les grosses préoccupations, c’est « comment est-ce que l’on va dormir, comment est-ce que l’on va manger, comment est-ce que nos enfants vont aller à l’école… »
Oui, les grosses angoisses d’aujourd’hui, quoi !

Et on se rend compte que finalement, ce qu’on nous envoie en permanence à la télévision, ça leur passe par-dessus la tête ! Pourquoi il y a une telle incompréhension ?
Moi je suis journaliste, c’est le seul métier que je fais, que j’aime faire, donc je veux continuer à le faire, et j’en ai assez qu’on dise qu’on ne peut pas exercer ce métier avec de la déontologie et des principes, et le premier, c’est celui du respect mutuel, et du respect de son interlocuteur, et de l’humilité face à son interlocuteur.

Mouloud : C’est quoi un Français ?
Un Français ? C’est quelqu’un qui vit en France.
Laurent : Ça c’est une bonne réponse, moi j’étais parti faire du hors-piste dans le champs de maïs, pour moi c’était culturel, c’est-à-dire que c’est quelqu’un qui est capable d’identifier les derniers vers du “Dormeur du val” de Rimbaud et la scène de la cuisine dans Les tontons flingueurs, et d’avoir une larme quand Johnny chante “Quelque chose de Tennessee”, enfin voilà c’est une culture.
Anne : Tout le monde peut avoir une larme quand Johnny chante…
Laurent : Donc qui n’a pas de larme n’est pas Français !

Qui n’a pas de larme n’est pas Français ! Et qui n’a pas lu un livre de Laurent Chalumeau n’a encore rien compris à la vie, je vous conseil son onzième, ça s’appel VIP et c’est pour ça aussi qu’on est là, normalement c’est un lieu où il y a des fêtes et des trucs extravagants. Le roman s’appelle VIP et ça raconte une histoire qui commence dans Closer et qui finit dans Police Enquête Scientifique.
Laurent : Bon pitch !

C’est des faits qu’on aurait pu commencer à croire, c’est l’histoire d’un président qui va chez une comédienne, après il se passe ce qu’il se passe, je veux pas de spoilers parce que je déteste les spoilers et là ça se lit comme on regarde un épisode de 24h chrono, c’est juste incroyable et pour que vous compreniez Laurent Chalumeau, c’est quelqu’un qui, moi, m’a énormément inspiré parce que moi je viens de la presse rap, lui vient de la presse rock. À l’époque la presse musicale ça voulait dire quelque chose. Son premier article, il l’a écrit sur David Bowie, ça a été tout de suite la couverture de Rock & Folk qui été à l’époque le magazine le plus cool et le plus influent de l’époque.
Laurent : J’assume tout, je ne renie rien et surtout je suis éperdu de gratitude parce que c’est vrai que j’ai eu un bol invraisemblable.

De connaître cette époque où l’on pouvait partir en tournée avec les…
C’est vrai que j’ai continué à supposer que ça existe, j’ai vraiment un ange gardien parce que j’étais à Rock & Folk au début des années 80, j’ai été à Canal + au début des années 90…
Anne : Toujours au bon endroit.
Laurent : Oui et pourtant je ne suis pas l’homme de la situation à chaque fois.

Et vous êtes sur le plateau du Gros Journal à la fin des années 2000.
Laurent : Voilà, c’est que je cherchais la chute et voilà.
Anne : Encore mieux.

Vous avez un point commun tous les deux, c’est que Laurent lorsque tu écris un roman – donc toi c’est de la fiction, contrairement à Anne – tu vas toujours enquêter.
Laurent : C’est-à-dire que moi il me faut du bois pour la chaudière. C’est-à-dire que comme moi je n’ai pas d’imagination…
Anne : Ah bah ça, de dire ça c’est incroyable.
Laurent : Ce n’est pas une coquetterie. J’ai réussi avec le temps…
Anne : Parce que j’ai vraiment l’impression que vous en avez.
Laurent : Non,vous allez voir, c’est une version bâtarde de l’imagination. C’est transformer des situations réelles ou des personnages réels en avatars dérisoirs. J’ai une espèce de mauvais esprit qui fait que c’est presque devenu une seconde nature. Je pense que si il y avait SS qui me faisait m’aligner, je verrais qu’il a la braguette ouverte. Si j’étais capturé par Daesh, je verrais que le gars a une feuille de PQ coincée sous sa babouche. C’est plus fort que moi, cela peut même me jouer des tours dans l’existence. Voilà je transforme toute les situations et tous les personnages, y compris et surtout les plus éminents, dans leur version éventuellement risible.

Mouloud : Il y a quelque chose en ce moment qui nous envahit, et qui envahit justement le métier de journaliste, c’est la reprise des éléments de langage. Il y a du journalisme, qui est la reprise de journalistes, de journalistes, de journalistes.
Anne : Non, cela s’appelle de la com’.
Laurent : Moi je pensais au fameux – à “l’infameux” comme disait les anglais – reportage sur le troquet à Sevran, où soi-disant les femmes ne peuvent pas rentrer. C’est un truc dont on s’est aperçu, grâce au Bondy Blog qui a mené une contre-enquête, qui est allé camper… En plus incarné par sa directrice qui est donc, comme l’accord du substantif l’indique, qui est une femme. Elle a enquêté sur ce troquet, elle y est retournée par surprise, elle a interrogé des clientes régulières et, non seulement elle a pu constater que des femmes s’y attablaient régulièrement, mais surtout elle a réussi à démêler comment le sujet qui était passé sur France 2 avait été fabriqué. Et là on parle de France 2, on parle donc d’une rédac’ où l’on peut se plaire à penser que la plupart des reporters ont la déontologie et la rage d’informer chevillée au corps.
Anne : La rage ? Il n’y a plus personne qui a la rage aujourd’hui.
Laurent : Mais on peut croire que ce sont des journalistes de sacerdoce, en tout cas qui ne sont pas là pour faire de la désinformation. Et là évidemment c’est silence radio total de la part de la direction de l’info. Il faudrait réussir à faire la généalogie de ce sujet, qui a donc été à l’évidence commandé : par qui ? Pour quoi faire ? Une caméra a été confiée à deux braves dames qui ont un agenda politique, c’est leur droit le plus absolu, qui sont allées tourner des images dans le rade. Images dont on a gardé à la pince à épiler que quelques plans, qui ont été ensuite recyclés par la journaliste de France 2 qui se les est appropriées, a mis son nom dessus. Pujadas a lancé le sujet comme si c’était de l’or en barre et ensuite, parce qu’on parle de clics mais le clic peut prendre plein de formes, tous les hommes politiques en campagne, tous sans exception se sont emparés de ce bidonnage avéré, pour le triturer dans le sens qui les arrangeait d’un point de vue idéologique, et en fait c’est devenu l’équivalent de ce pauvre retraité qui s’était fait casser la gueule avant les élections de 2002. Et donc voilà, ce troquet à Sevran qui est une fabrication totale, c’est “fake news” comme dirait ton ami Donald Trump, servie par la voie de la France, par la rédac’ de France 2. Normalement ça devrait être la référence, ça devrait être la BBC. Donc effectivement, la culture du clic, du buzz et de la merde, elle vient de très très haut, et y compris d’endroits… Ce ne sont pas les chaînes de la TNT, ce n’est pas la télé poubelle, ce ne sont pas “Les anges de la téléréalité” de mes couilles là, c’est la rédac de France 2. Donc effectivement, oui oui, la toxicité est réelle et la contagion gagne.

C’est que c’est aussi dur pour les jeunes journalistes parce qu’on leur dit : fais ça, sois déjà content avec ton job et si t’es pas content il y en a un autre qui voudra le faire.
Anne : Oui sauf que les jeunes journalistes peuvent aussi aller sur le terrain et ensuite le vendre à qui va acheter parce que personne ne refuse quelqu’un qui revient du terrain et qui a du talent, donc il faut aussi qu’ils aient la force et le courage de s’imposer.

Mouloud : On va pas tomber amoureux d’Anne Nivat tout de suite, parce que déjà elle a un compagnon et il est aussi journaliste, il s’appelle Jean-Jacques Bourdin et voilà ce qu’il dit à ce sujet là. La question que je me pose depuis tout à l’heure en vous écoutant c’est que j’imagine mal Jean-Jacques Bourdin vous dire “ Les Français veulent savoir ?”.
Anne : Mais on rigole !
Mouloud : Je pense que c’est vous qui lui mettez des coups de pression fantastiques à la maison.
Anne : On a des coups de pression mutuels fantastiques, on s’influence l’un l’autre évidemment, c’est comme ça quand on vit ensemble et qu’on est un couple fusionnel, on a cette passion pour le journalisme, je ne peux pas vivre à ses côtés et ne pas m’intéresser à ce qu’il fait, tous les jours il prépare son émission pour le lendemain, je la connais aussi bien que lui son émission, lui il a moi à ses côtés qui tous les jours lui parle de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Syrie, de la Tchétchénie et maintenant de la France – qu’il connaît mieux que ces pays – et évidemment je n’hésite pas à lui dire ses quatre vérités et l’inverse aussi, bien sûr.

On a tous des petits dossiers, Laurent en a un donc il a travaillé pour Antoine de Caunes, il a fait des papiers incroyables sur tout les grands du rock’n’roll mais il a aussi écrit des chansons ! Comme celle-là je sais pas si vous connaissez ?
Laurent : C’était y a longtemps… mais j’étais jeune et plus rapide qu’aujourd’hui, oui, c’est allé assez vite mais bon, quelle punkitude ! C’était dans les années 90, c’était ma période détricotage et déconstruction de tout ce que j’avais péniblement édifié pendant la décennie différente.

Avant de se quitter, j’ai juste envie de parler d’autre chose, c’est du pilates et d’Instagram. Alors je t’invite à aller voir l’Instagram d’Anne Nivat, qui fait du pilates. D’ailleurs dans son livre, qui est une enquête très sérieuse sur la France, c’est son prof de pilates qui est remercié.
Anne : Et ma poissonnière, les deux. Il faut manger du poisson et faire du sport, c’est difficile à expliquer.

Parce que moi je n’ai pas compris. J’aimerais bien avoir votre corps.
Ce n’est pas du yoga, c’est de la contrologie.

C’est quoi ?
Vous aimeriez avoir mon corps ?

J’adorerais. C’est quoi les mouvements du pilates par exemple ?
C’est par exemple faire des abdos, mais pas comme habituellement. C’est faire des pompes mais aussi pas comme… Je peux vous en faire si vous voulez.

 Oui.
Vous voulez ?

Oui.
Alors allons-y, mais il faut que je me déplace. Il faut se mettre comme ça, et faire… Voilà. Ça c’est “the hundred”, donc cent fois comme ça. Abdos, abdos. Comme ça, voilà.

Et ça, ça prend combien de temps ?
Les “hundred” ça ne prend même pas 5 minutes. Mais il faut les faire bien, c’est-à-dire, il faut être hyper bien, sentir tout hyper bien.

Mais il faut être hyper balaise pour réussir à mettre juste son corps comme ça.
Ensuite je peux vous faire des pompes.

Je veux bien voir.
Alors je vais vous montrer la pompe mauvaise, et la bonne pompe.

Ah oui, moi je crois que je ne fais que des pompes mauvaises.
Alors les pompes mauvaises, je ne sais plus les faire les pompes mauvaises. Il faut faire les bonnes pompes, c’est comme ça. Vous voyez, il n’y a rien qui bouge. Ça c’est du pilates. Voilà.

Et grâce à ça, on reste en forme, heureux.
Grâce à ça, on se sent bien, n’est-ce pas Laurent ?
Laurent : Visiblement ça a l’air de lui réussir.

Et bien voilà, merci d’avoir regardé le Gros Journal spécial pilates. On se retrouve demain à la même heure sur Canal +. On va au sport après ?
Me retrouver là-dessus c’est pas mal quand même. Franchement je ne m’y attendais pas. On va peut-être arrêter de tourner là. Vous êtes d’accord ?

Ça y est. Merci beaucoup !

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