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Musique

QUI ES-TU… Shuko

Qui es-tu ?
Je suis Shuko, j’ai 33 ans et je suis producteur. Je viens d’Allemagne, près de Francfort.

Après plusieurs mixtapes, tu as sorti ton premier album en tant que producteur, « For The Love of It ». Parmi les nombreuses collaborations qu’on y trouve, il y a Talib Kweli. Comment l’as-tu rencontré ?
J’ai vécu quelques années à New-York, je travaillais là-bas, et j’y retourne très souvent. Au fur et à mesure, les liens se créent : la plupart des gens sur mon album sont aujourd’hui des amis.

Quand j’étais à New-York, j’ai tout simplement envoyé des beats à Talib Kweli. Il les a beaucoup aimés, du coup j’ai fait un track pour son album. Mais je n’ai pas voulu être payé. Je lui ai dit « pas la peine de me payer, donne-moi plutôt de la musique ».

C’est comme ça qu’il a fait un son pour mon album.

Tu as aussi de très fortes connexions avec des artistes français.
Bien sûr, j’ai grandi avec la musique française, comme NTM, IAM… J’ai fait de la musique pour Rohff, pour Soprano, Keny Arkana, Ol’Kainry, pour la Sexion d’Assaut. Je connais toute la musique française hip hop, de 1996 à 1998. Mes parents écoutaient beaucoup Charles Aznavour, Edith Piaf. Ils ont une grande collection de chanson française. C’est lié, parce que les gens qui font des beats pour NTM ou IAM les samplent, ces vieilles chansons ! Leur approche m’intéresse. Je ne comprends pas le français, ou juste un peu, mais les sonorités et le flow me plaisent.

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Comment on fait, quand on est étranger, pour rencontrer une grande partie de la scène rap française ?
Ça remonte à 2006. Je suis venu en France, et j’avais un ami qui vivait dans le 93. J’ai rencontré plein de mecs comme Alibi Montana par exemple. Ils ont bien aimé ce que j’ai fait, m’ont présenté plein de gens. C’est comme ça que j’ai eu un deal avec Because Music. Et de fil en aiguille…

Et la scène rap allemande, ça te parle ?
Oui, je fais beaucoup de choses en Allemagne. L’année dernière j’ai fait n°1 des ventes avec un artiste qui s’appelle Cro, dont je suis le producteur. Je m’occupe aussi de Casper, un autre rappeur allemand très connu. J’ai fait son premier album. Mais pour mon album à moi, j’ai un peu laissé ça de côté. J’avais le sentiment que le rap allemand ne collait pas parfaitement avec le rap américain et le rap français.

Pourquoi ?
Parce que c’est compliqué. Les Allemands sont un peu plus fermés. J’ai demandé à Casper de faire un morceau avec Masta Ace et Nekfeu et il m’a dit : « Oh, je ne sais pas, je n’aime pas tant que ça le rap français ». Disons qu’ils n’ont pas le même attachement que le mien à ces scènes, on n’a pas le même ancrage.

Parmi tes collaborateurs français, il y a 20syl, de C2C, et Nekfeu qu’on retrouve sur ton album. Qu’est-ce qui t’a poussé à les contacter en particulier ?
Pour Nekfeu, ça remonte à 2011, avec « La Source ». J’aime beaucoup tout l’Entourage. Par connaissances interposées, j’ai envoyé des beats à Nekfeu… et finalement, l’un de ces morceaux est devenu le single de l’album de 1995, Réel (à retrouver sur l’album « Paris Sud Minute », NDLR). Ensuite je lui ai renvoyé un autre beat. Celui-ci, il l’a utilisé pour son album, celui qu’il va sortir bientôt. Je lui ai dit que je ne voulais pas d’argent pour ça. Je lui ai dit : « Pose-moi un 16 à la place, pour mon album ». Et voilà!

Tu ne vends pas tes beats, tu les troques contre des vers ?
L’argent est loin d’être ma motivation première. C’est important de pouvoir payer tes factures, et il y a toujours un moyen de se faire de l’argent autrement, notamment avec le publishing, en vendant tes compositions pour qu’elles soient utilisées et diffusées. Mais mon but premier, vraiment, c’est d’avoir une bonne relation avec les artistes et de faire de la bonne musique.

Il y a un artiste français que tu voudrais rencontrer ?
Oxmo Puccino par exemple. Grâce à des traductions, je me suis rendu compte de la très haute qualité lyricale de ses morceaux. J’aime aussi les petits nouveaux, comme Joke. Je pense que si on lui trouve le bon single, il a le potentiel pour devenir le prochain grand succès du rap, le « next big thing« . En revanche je ne comprends pas trop cet attrait pour les paroles violentes. Les radios ne jouent pas de la musique agressive, et si tu veux réussir, tu as besoin des radios. Regarde Sexion d’Assaut. Ils n’ont pas de musique agressive, du type « coucou je tue des gens ». Il font du rap pop commercial.

Est-ce que c’est beaucoup mieux ?
C’est compliqué. Ils ont besoin de le faire, et puis je pense que ça peut faire du bien à des jeunes qui écoutent du Lino, du Kaaris et du Booba à longueur de journée. Après, je pense que Maître Gims peut mieux faire, ça c’est sûr. Si tu écoutes les premiers morceaux de la Sexion, ça s’apparentait plus au Saïan Supa Crew. Si le rap français se dirigeait un peu plus vers ça, ça pourrait lui apporter de grandes choses. Notamment de s’exporter à l’international.

Mais donc tu penses que le rap français est trop violent ?
Il l’a longtemps été, ça c’est sûr. Et c’est pareil en Allemagne. Je sais que ce qui vivent ces mecs est souvent vrai, ils ne racontent pas d’histoires, et c’est bien qu’ils en parlent. Le problème, c’est que les jeunes n’ont pas toutes les clés pour comprendre, du coup ils veulent agir comme eux et ils deviennent fous.

Justement, dans une interview de Kaaris faite ici, il dit qu’il ne faut pas se leurrer à ce propos. Pour lui, ce n’est pas la musique qui influence mal les enfants, mais l’éducation de la famille.

C’est la musique. Je travaille avec des jeunes. Ils écoutent cette musique,

Ils se disent « Ok, il y a quelqu’un qui vient de la rue qui a les mêmes problèmes que moi ». Certains vont se dire « Ok, je dois faire de la musique pour m’en sortir ». D’autres vont se dire « Ok, je dois faire pareil, je dois tirer sur des gens ». Évidemment le problème de la violence est partout, il concerne aussi les médias, le gouvernements. Mais les gens ne savent pas qui ils doivent croire, ils se sentent manipulés par les médias, alors que la musique, pour eux, parle vrai.

 

J’ai l’impression que Kaaris ne se rend pas compte du pouvoir qu’il détient.

Quand tu es un enfant, qui sont tes idoles ? Tous les superhéros, ceux qui sauvent les gens et font le bien. Les enfants d’aujourd’hui ont aussi Booba, ils ont Kaaris, ils ont La Fouine. Bien sûr, ils en ont d’autres. Mais une partie d’eux-mêmes, de leur identité, se reconnaît en eux. Ils se disent « C’est l’un des nôtres qui s’en est sorti ».

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En tant que producteur, est-ce que tu choisis du coup tes artistes par rapport à leurs paroles ?
Si c’est un artiste cool et positif, je peux travailler avec lui, peu importe s’il a le budget ou pas. Si c’est un rappeur qui joue la comédie, qui en rajoute « Ouhh je vais tuer ta mère blabla », soit. Mais il y en a certains chez qui tu sens que ce n’est pas du jeu. Dans ce cas, je ne le fais pas.

Le point commun des artistes sur mon album, c’est que ce sont des artistes positifs.

Si tu t’entoures de gens positifs, ils te donnent de l’énergie en retour, t’aident à travailler. C’est pour ça que j’ai appelé mon album « For the love of it ». Ils font de la musique parce qu’ils aiment ça. Si tu le fais par amour, l’argent suivra.  D’ailleurs, ça ne s’applique pas seulement à la musique.

Autre point commun des rappeurs de ton album : ils sont très nombreux à avoir un phrasé très « Guru », assez parlé. Est-ce qu’on peut dire que tu cherches ce côté old school, ou ça t’agace ?
Non, ça me va. C’est la musique avec laquelle j’ai grandi. Je veux retrouver les mêmes sentiments avec la musique que je fais. J’ai dit à Masta Ace : « ne fais pas du moderne, fais quelque chose qui pourrait être sorti en 1994, 1995 ». Après, bien sûr que je peux le remixer en trap par exemple. Je ne suis pas fermé à ce genre de musique, je travaille avec DJ Mustard par exemple. Mais là, c’était important pour moi de retrouver ce sentiment.

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