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Société
Par Laura Aronica

« N’oublions pas les pauvres »

Le Secours Catholique, qui publie ce jeudi son rapport annuel, interpelle les candidats à la primaire de droite avant leur dernier débat.

Ce soir, sur France 2, ils tenteront de se démarquer de leurs adversaires et de s’imposer, lors d’un dernier débat, comme les justes prétendants à la course à l’Elysée. En prévision de ce moment, le Secours Catholique – Caritas France a lancé un appel aux sept candidats de la primaire de la droite dans une lettre et des tweets envoyés à chacun. Objectif : bousculer l’agenda, en les invitant à placer la lutte contre la pauvreté au rang d’impératif de la parole politique.

« Ce n’est pas une question prioritaire dans les débats. Au contraire, elle est plutôt exploitée pour opposer les migrants aux autres » – Bernard Thibaut, secrétaire général de l’association, à l’Agence France Presse.

Dans cette lettre, le Secours Catholique enjoint les candidats à « mettre la lutte contre la pauvreté et contre le chômage de longue durée au cœur de [leur] projet de société ». « Nous attendons du futur président qu’il fasse l’unité nationale et combatte la pauvreté et la stigmatisation des plus pauvres », lit-on un peu plus loin. Cela dit, s’il s’adresse aujourd’hui à la droite, le message ne compte épargner personne : ce jeudi, le Secours Populaire publie son rapport annuel sur la pauvreté ; il le fera parvenir à tous les candidats à la présidentielle.

La lettre adressée aux candidats de la primaire de la droite et du centre, publiée par Le Figaro

Le rapport (à consulter sur ce lien) se fonde sur l’analyse de la situation de 85 000 personnes, soit environ 5 % du total de ceux qui ont poussé la porte du Secours Catholique en 2015 (1 463 000 personnes : 775 000 adultes et 688 000 enfants). Sans être parfaitement représentatif, il offre des pistes sérieuses pour analyser l’état de la pauvreté en France.

Premier constat, sévère mais surtout répétitif : « La pauvreté ne recule pas depuis dix ans », rappelle Bernard Thibaut. Et si le chiffre des personnes en situation de pauvreté reste à-peu-près stable sur la décennie, la situation des « déjà fragiles » se dégrade. En première ligne : les familles (pas seulement monoparentales), les femmes, les enfants et les étrangers. Pour ces derniers, la proportion de ceux « en situation de précarité rencontrés par le Secours Catholique » s’accroît fortement, « alors que leur nombre reste quasiment stable en France ».

Le document, qui vient compléter l’expérience sur le terrain des bénévoles, est aussi un pied-de-nez statistique aux idées reçues qui stigmatisent les pauvres : l’assistanat, la paresse, la propension à l’entourloupe. De ce côté-là, trois constats se dessinent : les personnes les plus démunies ne perçoivent pas l’intégralité des sommes auxquelles elles peuvent prétendre (plus de 30% des ayants-droits au RSA qui ne travaillent pas n’en font pas la demande), elles se battent pour trouver un travail malgré un accès à l’emploi de plus en plus ardu, et préfèrent un emploi précaire aux indemnités.

On se rend au Secours Catholique pour deux raisons principales : rompre l’isolement et surmonter la faim. Le premier besoin cité par les personnes concernées par l’étude est celui d’être écouté, à 56,9%. Depuis quelques années, celui-ci est au coude-à-coude avec l’alimentation, loin devant les demandes d’aide financière pour le loyer ou les factures.

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Retrouver du lien social : la première demande exprimée par les personnes qui se rendent au Secours Catholique.

Au-delà de la stigmatisation de la pauvreté (lire à ce propos cet édifiant article du Monde, ou « Le 1 » du 2 novembre, intitulé « Salauds de Pauvres ! »), le Secours Catholique veut combattre sa « normalisation » en général. Véronique Fayet, présidente de l’association, soulignait chez Radio France ce matin que le rapport aux personnes démunies, en France, flirte de plus en plus souvent avec l’indifférence propre à l’habitude, plus insidieuse mais tout aussi dangereuse que le mépris. Un petit rappel salutaire, à partager sans modération – car la « pauvrophobie », elle, n’attend pas pour se propager.

La méthodologie du rapport statistique de Caritas France est détaillée dans ses pages 5 et 6. Le débat des sept candidats à la primaire sera diffusé sur France 2, ce jeudi, à partir de 20h55.

Photographie à la une © Benjamin Brock

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