Oops! Aucun résultat
MontpellierSport
Par Jalal Kahlioui

Le Montpellier Méditerranée Futsal fait le beau jeu de la solidarité

Un club, une famille. La devise du Montpellier Méditerranée Futsal est inscrite sur chaque maillot du club qui fête ses vingt ans d'existence. Issu du quartier populaire du Petit Bard, le MMF est devenu en deux décennies l'emblème sportif et solidaire de la ville de Montpellier. Mêlant l'aide à la réinsertion des jeunes du quartier à sa montée spectaculaire en D1 de Futsal, le club réussit le pari du résultat au service de la communauté. À l'occasion de cet anniversaire, Clique a rencontré Hamza Aarab, le Président de cette institution montpelliéraine. Le fer de lance du MMF est revenu sur la fondation du club, son engagement personnel dans la rénovation du quartier du Petit Bard, et forcément sur le beau jeu pratiqué par son équipe.

Clique : Le MMF est lié au quartier du Petit Bard depuis sa création. Comment s’est déroulée la genèse du club ?
Hamza Aarab
: À l’époque, on était des joueurs de quartier comme il peut y en avoir un peu partout en France. La section futsal a été créée en 1998 au sein du club du F.C. Petit Bard (créé en 1990). J’ai intégré l’équipe à 17 ans et demi. C’était le club du quartier du Petit Bard de Montpellier. Pendant quelques années, on faisait partie des meilleures équipes de France. On était présents à chaque phase finale de coupe de France, au niveau régional on dominait le championnat avant qu’ils créent le championnat national en 2010.

Pourquoi avoir choisi le futsal, alors que tu avais commencé en foot à onze ?
Je voyais le futsal exploser, il fallait que l’on ait nos propres joueurs. Par exemple en Espagne, il y a plus de licenciés en futsal qu’en foot à onze, et c’est d’ailleurs le premier sport là-bas. Au Portugal pareil. Les meilleurs joueurs du monde, comme beaucoup de Brésiliens, ont commencé par le futsal. C’est une très bonne formation, et pas forcément pour la technique. Tu réfléchis énormément, sur la prise de balle aussi, tu n’as pas le temps que tu as dans le foot à onze. Et quand tu as une action devant le gardien, tu as aussi très peu d’espace. L’apport du futsal est surtout tactique avec énormément de combinaisons…

Avant de devenir le Président du MMF, tu as eu un parcours sinueux. La  prison arrive assez vite dans ton histoire…
En février 2003, je suis rentré en prison pour trafic de stupéfiants, à l’âge de 21 ans…

À quoi ressemblait ta vie avant cet épisode ?
J’avais fait un collègue chaotique. J’ai repris mes études en BEP finition. Après ça, j’ai commencé à réfléchir : j’avais envie de faire une fac de sport. Pour ça il me fallait un bac, n’importe lequel. Il y avait une section à Nîmes qui était dans le génie civil, donc j’y suis allé. Et c’est une filière qui commençait à m’intéresser vraiment.

« Au lycée j’étais devenu l’organisateur du tournoi de foot toute l’année. Dans tout ce qui concernait le sport, j’étais le premier à organiser des choses. »

Mais j’avais un certain nombre d’absences, à cause du train notamment. Je me suis fait renvoyer dix jours. Je l’avais subi comme une injustice. Je n’arrivais plus à aller là-bas.

Comment t’es tu retrouvé incarcéré ?
Après une autre tentative de formation, j’ai commencé à chercher comment gagner de l’argent, quitte à aller sur un terrain où l’on ne voulait jamais aller : le trafic de stupéfiants. Quelques temps après, on tombe, forcément. Ils nous condamnent avec quelques amis du quartier, et font un exemple : six ans de prison ferme, avec une double-peine (la double-peine inclut une expulsion du territoire pour les étrangers jugés coupables par la justice française. Une procédure très contestée, mais toujours applicable, NDLR). Je me suis fait arrêter le jour de l’Aïd, le 13 février 2003. Le samedi d’après, je devais demander ma copine en mariage…

Comment se déroule ta détention à la prison du Pontet ?
Passée la première année, j’ai commencé à reprendre la lecture. Je lisais énormément, j’étais aussi beaucoup dans le sport. J’ai repris mes études à l’intérieur. Je suivais des cours du CNED pour passer un bac L. Mais faire des études en cellule est compliqué. Après plusieurs tentatives, j’ai finalement passé d’autres formations dans le sport.

Hamza Aarab

Hamza Aarab (au centre), Président du Montpellier Méditerranée Futsal depuis 2015. 

Comment se passe ta sortie ?
Un brigadier tente un projet de sport avec moi. On a commencé par faire des demandes de permission sur une initiative pilote. Je sortais en tant qu’éducateur sportif de l’équipe du Pontet les mercredis après-midi et les samedis après-midi. Quelques temps après, je me retrouve à faire un essai en tant que joueur avec l’équipe première du Pontet, en foot à onze, qui était à l’époque en CFA. J’ai été pris. Donc j’ai bénéficié d’une liberté conditionnelle sportive. Finalement, j’ai fait presque trois ans de prison.

Tu sors de prison presque grâce au foot à Avignon, et tu reviens au quartier du Petit Bard ?
Oui, une fois la saison terminée, avec plusieurs autres joueurs du Petit Bard, nous décidons de revenir pour relancer une équipe un peu compétitive pour le foot à onze. En 2007, on avait une sacrée équipe, et je me rappelle que l’on fait une très grosse saison avec le F.C. Petit Bard, à deux doigts de monter en CFA. En même temps, on participait au championnat régional de futsal.

Tu jouais au futsal et au foot à onze ? À quoi ressemblait l’équipe du F.C. Petit Bard ?
L’équipe du FC Petit bard était réputée pour son beau jeu. Tous les gens de Montpellier venaient nous voir. C’est simple : l’équipe du futsal, c’était l’équipe du foot à onze. L’arrière droit pouvait jouer numéro 10, l’arrière gauche pouvait jouer milieu. C’était des joueurs de quartier avec un petit jeu, un très beau jeu.

MMF

Sur le terrain ou dans les tribunes, le MMF donne tout pour le spectacle. 

« On mettait des claques à tout le monde. on jouait ensemble depuis qu’on était gamins. Les yeux fermés, on se voyait. On avait des supporters qui se déplaçaient partout en nombre. À Narbonne, à Perpignan… On était chez nous partout ! »

Le club de futsal est très lié au quartier du Petit Bard, quartier populaire du Nord Ouest de Montpellier, marqué par plusieurs incendies et des rénovations poussives. Tu as d’ailleurs beaucoup participé au combat pour l’accélération des travaux et le relogement des habitants…
Quand l’association Justice pour le Petit Bard s’est créée en 2004, j’étais en prison. J’ai tout suivi de l’intérieur. Je me rappelle qu’ils avaient organisé le concert de la Scred Connexion (groupe de rap français originaire de Paris et formé au milieu des années 1990, NDLR). J’étais en cellule et ma soeur me retransmettait le concert par téléphone. Je suivais le concert en direct. Bon, il n’y avait que le son à l’époque ! Quand je suis sorti, j’ai commencé à m’impliquer, j’assistais aux forums qui étaient organisés… Mais moi c’était surtout en priorité le sport et le futsal.


Pendant une dizaine d’années, Hamza Aarab s’est battu aux côtés de l’association Justice pour le Petit Bard pour accélérer la rénovation et le relogement des habitants de ce quartier de Montpellier. 

Dans le documentaire sur votre quartier réalisé par Carole Chabert pour France Télévision, on s’aperçoit de ton refus catégorique de t’associer politiquement avec la gauche régionale en place, et notamment le Parti Socialiste…
Je crois que c’est inné. Ça ne m’empêche pas de discuter. Mais sur quelles bases on discute ? Quand je présente un projet, je veux être traité au même niveau que tout le monde. Les politiques ont leur rôle, je n’ai pas besoin de m’associer à eux pour qu’ils me donnent ce qui m’est dû.

« On n’a pas à vendre notre projet social. Notre projet, on doit le développer et c’est les politiques qui viendront. Ce n’est pas l’inverse. Je ne soutiendrai personne politiquement en tant que Président, comme peuvent le faire certains clubs de l’élite. »

En tant que président de club, quelle était ta vision pour le club, quand tu es entré en fonction officiellement en 2015 ?
J’étais dans l’idée de construire. Le projet d’académie que l’on a lancé il y a trois ans, j’y pensais déjà à la création du club. Je prenais déjà la tête à tout le monde pour créer une école de futsal. Je leur disais que c’était l’avenir. Je voyais le futsal exploser. Il fallait qu’on forme nos propres joueurs… En 2014, on a lancé le projet de l’académie. Avec 140 gamins, on a aussi restructuré l’équipe première, on a fait du ménage. La professionnalisation nous a amené à prendre des règles bien strictes, etc, et donc nous séparer de certains joueurs.

En 2015, suite à une accusation de détournement de fonds après une tournée, les subventions de la ville ont été coupées au club (finalement ré-attribuées par la suite après le classement sans suite de l’affaire). Comment s’est déroulée cette année ?
Tout le monde pensait que le club était en train de couler ; le club était à terre, presqu’en cendres. Parce que quand tu joues à ce niveau-là et que l’on te coupe tes subventions… On n’avait que des subventions de la mairie et de l’agglomération. Il fallait bosser, se retrousser les manches. On faisait quasiment du 16 heures sur 24 tous les jours. On a cherché des compétences, notamment en communication, mais aussi du financement, donc forcément on est passés par la débrouille. Le travail avec l’association « Justice pour le Petit Bard » m’a facilité la tâche pour ouvrir d’autres portes : quand je vais voir les artisans, ils n’ont pas besoin de voir leur sponsor par rapport à mon action… C’était un combat de tous les jours.

« C’est quelque chose de très grave, ce que l’on a vécu. Des gardes à vue, des audits, des coupes de financement… Et d’un autre côté, tu as des discours politiques pour dire aux gens qu’il faut donner aux quartiers… Mais on est la preuve que la détermination dans les quartiers existe. »

À titre personnel, comment tu survivais au quotidien ?
À ce moment là, j’enchainais les périodes de chômage et de contrats aidés.

Au terme d’une saison 2015/2016 extraordinaire, le MMF est monté en D1 en devenant champion de deuxième division. 

Que signifiait pour vous la montée en D1 à l’issue de la saison 2015/2016 ?
On s’était dit que c’était la montée ou la mort. C’était beaucoup, parce que pour nous, c’était arriver au plus haut niveau. Les responsables politiques locaux n’avaient même plus de prétexte pour ne plus nous financer. Ça nous sortait un peu de l’ombre, même si on était assez médiatisés localement. On monte en D1, on cartonne.

« À l’intersaison 2016, on part en tournée au Maroc à l’occasion d’un tournoi international retransmis à la télévision. Dans tout Montpellier, on nous regardait dans les cafés, les chichas… »

La saison dernière, alors que le club était arrivé aux playoffs, la fédération avait pris la décision de vous rétrograder en D2, après une erreur administrative. Après votre appel, vous êtes restés en D1, avec des points de pénalité. Comment est-ce que tu analyses ces différentes procédures judiciaires à l’encontre du club ?
On voit ce club qui part du quartier le plus difficile de Montpellier, un projet qui tient la route, une rénovation sur le quartier…  Et quand tu vois les coups que l’on prend…

« On a l’impression qu’il y a une volonté d’éliminer les clubs de quartier avec la professionnalisation du futsal et l’arrivée probable des droits télévisuels. On le voit clairement par à rapport aux sanctions qui visent certains types de clubs. »

Au delà de l’histoire sportive, le MMF est aussi devenu une institution sociale et solidaire au sein du quartier difficile qu’est le Petit Bard. Comment se passe l’encadrement des jeunes dans vos rangs ?
Au Petit Bard, l’un des constats que l’on a fait, c’est que la petite délinquance touche surtout les 16-25 ans. À 16 ans, l’échec scolaire arrive et il n’y a aucune structure qui prend en charge ces jeunes-là, qui sont livrés à eux-mêmes et donc qui tournent en rond. Ils fument s’ils n’ont pas commencé à fumer avant. Ce qu’il se passe, c’est qu’il y a des mecs au Petit Bard qui étaient connus pour vendre du haschich, donc tous les clients vont là-bas.

MMF

Parmi ses actions sociales, le MMF assure aussi du soutien scolaire pour de nombreux jeunes. 

Dans le quartier, les jeunes esquivent les parents, surtout le père, parce qu’ils ne travaillent pas. Ils ont l’impression d’être vus comme des vauriens. Ils rentrent quand tout le monde dort, ils sortent quand il n’y a plus personne. Il mangent dehors, donc il leur faut de la petite monnaie pour acheter leur paquet de cigarettes… Ils vont se faire avancer un peu de haschich, il ne vont pas savoir gérer. Il doivent de l’argent et vont aller voler pour pouvoir rembourser les 100 grammes de haschich. Donc c’est eux qui se retrouvent à arracher des chaînes, à arracher des sacs, faire les voitures…

Quelle est la solution proposée par le club ?
On a dit à la DDCS (Direction Départementale de Cohésion Sociale) que la petite délinquance touche surtout ces gens-là parce qu’ils n’ont aucune rentrée d’argent. La plupart ne sont pas en âge de toucher le RSA. Donc avec le service civique, ça leur permet d’avoir ce souci en moins. Et à partir de là, on peut travailler avec eux.

Quelle est la légitimité et la plus-value du club dans le combat pour l’insertion des jeunes du Petit Bard ?
Nous, ils nous connaissent, on a eu le même parcours. Dans le quartier, c’était des petits pour nous. Donc ils nous écoutent. On sait travailler avec eux. On les prend en main, on les sort de leur routine, ils sont impliqués dans le club, ils font des formations en interne au club ou à l’extérieur en fonction du projet, qu’il soit sportif ou non.

Quels sont les résultats ?
L’année dernière on avait pris douze services civiques. La moitié ne sont que des mecs qui ne font que rentrer et sortir de prison… Et la plupart sont en CDI aujourd’hui après leur service civique. Donc on nous a renouvelés pour l’année d’après, parce qu’ils savent qu’on est rares à pouvoir travailler avec ce public.

Dans ton discours et ton action, il y a une dualité assumée : s’émanciper de l’image du club de quartier, mais aussi assumer pleinement ses responsabilités sociales en tant qu’institution…
Oui, il y a les deux. On avait changé de nom, pour enlever celui de Petit Bard.

MMFLe Montpellier Méditerranée Futsal présent jusque sur les murs de la ville. 

Pourquoi ce choix ?
À un moment donné, tu deviens un club de haut niveau et donc tu représentes la ville de Montpellier. Tu ne dois pas te cantonner à ton quartier, sinon tu seras toujours considéré comme une association de quartier. Pour l’Académie, les parents ne veulent pas y mettre leurs enfants car c’est le club du Petit Bard, avec que des gens du Petit Bard… Donc c’était pour agrandir le club. Mais on a jamais nié notre histoire, la mention « PB98 » (Petit Bard 1998) inscrite sur le maillot est là pour nous le rappeler. Quand tu viens aux matchs c’est « Petit Bard, Petit Bard » que tu entends. L’histoire démarre de là.

« Quand tu vois le MHSC (club historique de foot de la ville aujourd’hui en ligue 1, NDLR), leur histoire vient d’où ? De la Paillade (quartier populaire et très mixte de Montpellier, NDLR), et ils n’ont jamais eu besoin de renier leurs origines de la Paillade, pour eux c’est cool, ça fait authentique. Nous, c’est autre chose… »

Quel est l’historique de la section féminine du MMF ?
On l’a créée l’année dernière parce qu’il y avait de la demande, tout simplement. Le foot féminin en général a pris de l’ampleur ces dernières années, notammant avec les résultats des bleues, et beaucoup de filles ont commencé à faire du foot. Il y avait des filles qui faisaient déjà du foot à 11 mais qui étaient attirées par le futsal. Et il s’avère qu’elles brillent ! On a eu une fille appelée en équipe de France : Nora Hamou. Et là, il y en a quatre pré-sélectionnées pour cette année. On va lancer de grosses détections pour faire une équipe de tueuses !

MMF

Habituellement réservée aux joueurs de handball du MHB, les joueurs du Montpellier Méditerranée se sont peu à peu imposés dans l’enceinte. 

Aujourd’hui, quelles sont tes ambitions pour le club ?
Pour moi, c’est de maintenir le fait que le club nous permette de développer beaucoup de choses autour de projets solidaires, humanitaires ou éducatifs. Après, c’est un plaisir de faire briller une équipe première. Mais l’équipe première doit donner de l’impact à tout le reste. Ce qui m’intéresse, c’est que l’on soit libres.

Ce que je veux, c’est servir l’interêt des gens. On peut dire ce qu’on veut, c’est des projets comme ça qui aident à faire baisser l’insécurité. Au lieu d’aller voter Front National, aidez ces projets-là, et vous participerez à la sécurité des gens.

Photographies © Montpellier Méditerranée Futsal. 

Précédent

À VOIR : La web-série qui casse les clichés du MMA avec la star montante de l'UFC, le Français Tom "Firekid" Duquesnoy

Puff Daddy veut lancer une app favorisant les business tenus par des entrepreneur.e.s noir.e.s

Suivant