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Société
Par Fanny Marlier

Daech : Les questions que vous n’osez pas poser

"Il n'y a pas de question bête". Depuis les attentats à Paris et en Seine Saint-Denis de ce mois de novembre, le mot "Daech" est partout. Si pour vous cependant, la signification de ce nom, les enjeux de cette organisation et ses origines restent confus, voici un petit éclairage.

On dit « Daech » ou « État islamique » ?

Le débat a ressurgi ces derniers jours à la suite des attentats de Paris et Saint-Denis, comment désigner cette organisation terroriste qui s’étend de Raqqa à Mossoul ?

« Daech » en arabe ou « L’État Islamique en Irak et au Levant » (EIIL) a révélé son existence en avril 2013. « Daech » serait l’acronyme du mot arabe « ad-Dawla al- Islāmiyya fi al-ʿIrāq wa-š-Šhām », « État islamique en Irak et dans le Cham ».

Seulement voilà, « Daech ne veut rien dire, cet acronyme n’existe pas en arabe. C’est simplement un élément de langage » note Wassim Nasr, journaliste à France 24 et spécialiste du mouvement djihadiste.

L’expression a d’abord été utilisée par les médias du monde arabe. En France, la question du choix des termes a déjà été soulevée, accusée de prêter à confusion sur la nature-même de l’organisation. En 2014, Laurent Fabius avait notamment déclaré devant l’Assemblée nationale qu’il fallait utiliser « Daech » plutôt qu’ « État islamique » : « Il voudrait l’être mais il ne l’est pas. Et c’est lui faire un cadeau que de l’appeler ‘État’ ».

Cela dit, la vocation de l’É.I, c’est bien de devenir un État. « L’É.I est un vrai événement socio-politique avec de réelles revendications. L’organisation est en train de construire un État viable, avec une population qui les soutient. En Syrie par exemple, la population n’a pas d’alternative viable », déplore Wassim Nasr.

> A lire sur le Courrier International : « Enquête. Ce que veut vraiment l’État islamique » 

D’où ça vient ? Comment est-ce devenu aussi puissant ?

En 2004 – un an après la déclaration de guerre des États-Unis à l’Irak – le jordanien Abou Moussab al-Zarqaoui forme le groupe « Tawid al-Jihad », « Monothéisme et jihad ». « Avant l’invasion des États-Unis, le djihadisme était inexistant en Irak », souligne Wassim Nasr. Abou Moussab al-Zarqaoui mène sa première grosse opération le 10 août 2003 : l’attentat contre le siège de l’ONU à Bagdad. L’année suivante, le mouvement prend une importance croissante. Al-Zarqaoui prête allégeance à Oussama Ben Laden, à l’époque chef d’Al-Qaïda. L’organisation devient une branche irakienne d’Al-Qaida et change son nom en « Al-Qaida au territoire Rafedin », ou « Al-Qaïda en Irak ».

En janvier 2006, le groupe d’al-Zarqaoui est intégré à une coalition de plusieurs entités jihadistes, regroupées au sein du « Conseil consultatif des Moudjahidines d’Irak », dont l’Irakien Abou Omar al-Baghadi prend le commandement. Comme l’explique Romain Caillet, spécialiste des mouvements islamistes à l’Institut français du Proche-Orient, « Le but de cette réorganisation était d’ ‘irakiser’ le jihad en Irak contre l’occupation américaine, jusqu’alors géré par des étrangers ».

À la mort de Zarqaoui en juin 2006, Abou Omar al-Baghadi créé un groupe terroriste : « l’État islamique d’Irak » (E.I.I). Mais il est rapidement tué par les forces américaines. Abou Bakr al-Baghadi devient alors le nouveau leader de l’E.I.I.

En 2013, Jahbat al-Nosra (le Front al-Nosra)  est créé par l’E.I.I, sur l’ordre de Baghadi, un groupe armé salafiste djihadiste affilié à Al-Qaïda apparu lors de la guerre civile syrienne. Baghadi met Abou Mohammed al-Joulani, membre de l’E.I.I, à la tête de cette organisation. Et déclare qu’il s’agit d’une branche de son groupe qui oeuvre en Syrie. La fusion des deux groupes donne naissance à « l’État islamique en Irak et au Levant » (E.I.I.L). Seulement, Abou Mohammed al-Joulani, dirigeant du Front al-Nosra, rejette l’annonce de Baghadi, et prête directement allégeance à Al-Qaïda.

> A lire sur Le Figaro : « Pétroles, taxes, trafics d’humains : comment Daech se finance »

Mais un an après, la relation entre les deux groupes se dégrade gravement, des affrontements éclatent. Al-Qaïda tente d’apaiser les tentions, et les encourage à se concerter à propos du combat à mener contre Bachar el-Assad, le président syrien en exercice. Ayman al-Zaouahiri, chef du réseau terroriste Al-Qaïda, demande à l’État islamique en Irak de se concentrer sur l’Irak, et de laisser la Syrie à Jabhat al-Nosra. L’État islamique rejette cette idée, et proclame son indépendance vis-à-vis d’Al-Qaïda, tout en restant en très mauvais termes avec al-Nosra.

A l’été 2014, Bagdadi poursuit le développement de son organisation par la création d’un Califat dont il prend la tête, sous le nom d’Ibrahim. L’État islamique s’étale désormais de la Syrie à l’Irak.

> Pour comprendre les différences idéologiques entre Al-Qaïda et l’E.I, c’est par ici.

Pourquoi Daech se déclare être un califat ? Qu’est-ce que cela signifie ?

Le califat est un concept de gouvernement. Il réinstaure l’ordre sunnite qui règne de manière spirituelle ou réelle (il s’était terminé à la fin de l’Empire Ottoman), où le pouvoir politique et religieux est entre les mains d’une seule autorité. « C’est le rêve de tout groupe islamiste », explique le journaliste Wassim Nasr. Il ajoute : « L’E.I veut installer ce califat afin d’avoir un État qui représente les musulmans du monde entier. Il veut que l’islam domine pour mener la bataille finale. »

Quels sont alors les liens de l’État islamique avec l’islam ? Pour Wassim Nasr, « l’E.I est une émanation de l’islam. Tout comme les Croisés étaient issus de la religion catholique. »

> A lire sur l’Express.fr : Le « Califat islamique » instauré par l’EIIL, c’est quoi ?

Qui sont les combattants de l’É.I ?

Les leaders de l’É.I sont pour la plupart irakiens. Le commandement regroupe avant tout d’anciens officiers de l’armée de Saddam Hussein reconvertis en jihadistes, suite à l’invasion américaine. Néanmoins, on y trouve des combattants de différentes nationalités. En Syrie, « les étrangers représenteraient près de 50% des troupes, qu’ils soient Arabes (Libyens, Saoudiens, Tunisiens…), originaires du Caucase (des Tchétchènes), de l’Occident (Français, Belges…) ou encore, à titre anecdotique, de la République Populaire de Chine (RPC) », explique Romain Caillet.

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