Oops! Aucun résultat
Arts
Par Camélia Kheiredine

QUI ES-TU : Narimène Bey, chanteuse lyrique

Chez Clique, on aime raconter les histoires de ceux qui se battent pour avoir la place qu’ils méritent. Et plus ils sont dans l’ombre, plus on a envie de leur donner un coup de projecteur. Aujourd’hui, on vous raconte l’histoire de Narimène Bey, une incroyable chanteuse lyrique dont le rêve est de monter sur une scène d’opéra.

L’Opéra est un univers ultra-codifié, dont on connait mal les coulisses. Pour Clique, Narimène lève le rideau et partage avec nous ses passions et ses grosses galères. Depuis petite, on la complimente sur sa voix et ses talents de musicienne… Pourtant, un élément freine sa carrière de chanteuse d’opéra : son voile.

Clique : Qui es-tu ?
Narimène Bey : Je m’appelle Narimène, je suis issue d’une famille nombreuse (une fratrie de six enfants) et j’ai grandi en province, dans les Vosges. Je suis d’origine algérienne, trente ans, mariée et un petit garçon. 

Comment la musique est-elle venue à toi ?  
Je pense que j’ai été sensible à la musique depuis toute petite, parce que ma mère chantait beaucoup à la maison. Elle nous faisait voir et écouter des comédies musicales à la télé. Elle a grandi en Algérie et quand elle est venue en France, l’une des premières choses qu’elle s’était dite, c’était qu’au-delà de faire réussir ses enfants à l’école, elle voulait qu’on fasse de la musique. Elle savait qu’il y avait cette possibilité en France.

J’étais l’aînée, donc tout de suite s’est posée la question de savoir comment faire pour m’inscrire à l’école de musique, les démarches administratives… Il fallait préparer une petite audition et apprendre un morceau par cœur. J’avais sept ans. Et ma mère s’était vraiment appliquée pendant des mois à me faire apprendre plusieurs chansons par cœur. J’ai été prise à l’école de musique.

Comment ça se passe, là-bas ?
Tu fais un parcours CHAM : une Classe à Horaires Aménagés Musicale. Certains grands musiciens sont passés par là. Tu dois choisir un instrument de musique ; moi, j’ai commencé par le violon. Au début, je voulais faire du piano, mais mes parents n’avaient pas les moyens de m’en acheter un. Tous les instruments de musique sont prêtés par l’école si tu es en difficulté financière, sauf le piano. C’est le seul que tu dois acheter.

Je rêvais de faire du piano. J’ai supplié mes parents d’en acheter un mais quand tu es petit, tu ne te rends pas compte du prix.

Je me rappelle que mon père allait dans les vides-greniers, dans toute la région, pour essayer de trouver un bon vieux piano pas cher. Mais bon, j’ai fini par faire du violon ! C’est un instrument qui demande énormément de travail. Il fait partie, avec le piano, de ce qu’on appelle les instruments les plus ingrats : si tu ne travailles pas régulièrement, tu n’auras aucun résultat.

Tu as toujours écouté de la musique classique ?
Pas spécialement. Je pense que j’écoutais un peu tout ce qui me passait par les oreilles. Mon père en voiture, c’était un mélomane. Avant, il travaillait dans les cabarets où il a côtoyé le monde de la musique dont Cheb Khaled. Il nous a raconté avoir été à un concert de Ray Charles. Il écoutait aussi Bob Marley. Je pense que ça résonne dans la tête d’un enfant. Et il n’est pas impossible qu’il nous ait fait écouter de la musique classique, mais bon, mes parents n’avaient pas spécialement la culture de la musique classique, de base.

Comment tu t’es découverte cette passion pour le chant lyrique ?
C’est arrivé quand j’avais seize ans. Entre douze et seize ans, je commençais à beaucoup chanter à la maison, à en casser les oreilles de mon père (rires). J’avais besoin de m’exprimer et de laisser sortir cette voix. À seize ans, je me suis renseignée pour savoir s’il y avait des cours de chant. Cette année-là, je m’étais mise en colère contre une très bonne amie à moi. Un jour de rentrée, elle était très bien habillée et je lui ai dit : « qu’est-ce que tu fais, tu vas passer une audition ? » et elle me dit « oui, une audition de chant ». Elle savait que le chant était ma passion et elle ne m’avait rien dit concernant ces cours…

Pas fair-play tout ça…
J’ai laissé passer. Et comme on dit chez nous, le mektoub (le destin) est toujours là pour t’aider et te rattraper. Quelques mois plus tard, notre professeur de solfège nous fait travailler un extrait de La Flûte enchantée de Mozart et nous fait écouter une interprétation par une chanteuse lyrique. J’ai eu un coup de cœur, ça m’a vraiment transcendé et profondément touché. Après le cours, je suis restée dans les couloirs, il n’y avait plus personne. J’ai regardé ma partition et je me suis dit « allez, chante !».

Un professeur m’a surpris et m’a dit « c’est vous qui chantiez ? C’est magnifique, j’ai cru que c’était un enregistrement. Vous n’avez jamais pensé à prendre des cours de chant ? ». Je lui dis que j’ai raté les auditions au début de l’année, malheureusement. « Ah bah, ça tombe bien, c’est moi le professeur de chant, et je vous fais rentrer dans ma classe dès mercredi. »

Ça a été une révélation pour moi, un cœur de cœur et un coup de foudre spirituel.

@Narimène Bey

Tu es une soprano, c’est ça ? Qu’est-ce que c’est ?  
C’est une tessiture vocale. Tu apprends à savoir si ta voix va plus dans les très graves, ou seulement dans les graves ou encore si elle monte dans les aigus ou les suraigus. Ça peut correspondre à alto, mezzo-soprano, soprano léger etc. Et moi je fais partie de la catégorie des sopranos coloratures, c’est-à-dire une soprano qui va dans les suraigus. On peut aussi l’appeler « la voix de sifflet ».

Avec du recul, je me rends compte qu’à l’époque, je chantais beaucoup de Mariah Carey parce qu’elle chante énormément dans les aigus. D’ailleurs, la mère de Mariah Carey est une chanteuse lyrique.

Quelle est ta chanson préférée de Mariah Carey ?
« If it’s over ». J’ai l’impression que cette chanson est faite pour être chantée dans les églises. On entend un orgue derrière, tu as presque l’impression de sentir les choeurs. Et puis il y a un moment très dramatique au milieu. Elle est vraiment très belle.

Mariah Carey – If It’s Over 

Penses-tu que le chant lyrique a tout intérêt à se marier avec d’autres genres musicaux ?
Oui, le chant lyrique a tout intérêt à s’ouvrir. Il ne s’agit pas forcément de mélanger les genres, mais plutôt d’évoluer et de s’ouvrir aux autres genres considérés bien souvent comme moins « savants ». Il ne devrait pas y avoir la musique classique d’un côté et les autres genres de l’autre. Malheureusement, dans les faits, c’est ce qu’on constate. J’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à intervenir en tant qu’artiste lyrique sur la pièce engagée Bug in The Program de mon ami Borelson.

Je suis amatrice de rap et j’ai trouvé cela très pertinent.

J’ai également eu la chance de chanter en arabe sur une mélodie classique et j’envisage des projets du même genre.

Narimène Bey et le groupe de Hip-hop Borelson & His Band, à partir de 3:00. 

Qui sont tes rappeurs préférés ?
Je suis une fan inconditionnelle d’Eminem. C’est le plus grand parolier de tous les temps, à mon sens. J’aime beaucoup Busta Rhymes également, ainsi que Dr. Dre.

Pour les personnes qui, comme moi, ne connaissent rien au chant lyrique, quels sont les trois morceaux que tu souhaiterais faire découvrir ?
L’air de « La Reine de la Nuit », qui est le plus connu et qui impressionne le plus. En deuxième, « Glitter and Be Gay », extrait de Candide de Bernstein.

La première fois que j’ai entendu ce morceau, je venais de commencer à enseigner le français dans une classe de BTS. J’ai voulu les sensibiliser à la musique lyrique qu’ils ne connaissaient pas du tout. Et je me suis dit que c’était l’occasion de leur faire découvrir cet univers.

En troisième, un extrait de l’opéra Les Contes d’Hoffmann d’Offenbach. C’est « L’air de la poupée », il est très rigolo à mettre en place scéniquement parlant. Tu joues une poupée du début à la fin, et tu dois reproduire les sons de la poupée avec ta voix. C’est assez impressionnant à voir aussi. 

Narimène qui chante « l’air de la poupée ». 

Pour revenir à ta classe de BTS, tu as eu des retours concernant cette expérience ?
Ils ont adoré. Mais c’est vrai que quand on est musicien, tout nous paraît évident alors que pas du tout… Et comme c’était leur première fois à l’Opéra, j’avais oublié de leur dire qu’il fallait regarder les sous-titres disponibles au-dessus de la scène. Ils m’ont dit « mais Madame, on ne comprenait rien ! » (rires). Mais oui, ils ont beaucoup aimé. J’ai fait exprès de les emmener voir cet opéra parce que c’est un opéra-comique. L’humour, c’est une des meilleures manières de les sensibiliser.

Est-ce que tu penses que la musique classique, l’opéra et le chant lyrique, sont des domaines artistiques fermés ?
Je pense que c’est encore dédié à un monde fermé, il ne faut pas se le cacher. C’est grâce à ma mère que je suis entrée dans ce monde-là. S’il n’y avait pas eu ma mère et cette envie-là, je ne serais jamais entrée dans cette école et je n’aurais jamais eu accès à ce monde. Je sais que c’est assez exceptionnel. En étant professeur, une des premières choses que j’essaie de faire, au-delà de leur apprendre le français, c’est de leur faire découvrir la musique classique parce que je sais que ça se perd énormément.

Il ne faut pas oublier que la question financière joue beaucoup dans ce milieu. J’ai eu la chance d’avoir des profs qui comprenaient la situation de mes parents : ils ne m’ont jamais obligée à acheter des partitions alors qu’en temps normal, tu es dans l’obligation d’acheter des partitions neuves. Moi, je peux te dire que j’en ai photocopié des partitions ! (rires) Sinon, je n’aurais pas pu suivre mes cours.

Les plus grands chanteurs et chanteuses lyriques qui ont réussi à atteindre un niveau d’excellence, c’est dû aussi à leur aisance financière. Ce sont des gens qui ont les moyens.

Si tu veux te faire remarquer ou parfaire ta formation lyrique, tu dois payer les frais d’inscriptions à des concours, à des stages de chant, l’hébergement et les transports sur place. J’ai des copines qui font ça toute l’année. Et toi, quand tu ne peux pas, bah qu’est-ce que tu fais ? Tu n’y vas pas ou tu te crèves la santé pour te payer un stage ou un concours. Et puis il y a le réseau. J’ai remarqué qu’il y avait beaucoup de piston.

D’autant plus que je ne viens pas avec le bagage le plus simple, avec ce que j’ai sur la tête (un foulard, NDLR). Donc c’est vraiment difficile. Ils ont tellement de longueurs d’avance sur la question de l’argent ou du réseau… Mais j’y arriverai à ma façon.

Le voile est un frein dans ta réussite ?  
Oui. Je le dis de la manière la plus humble possible… Quand on te dit pendant des années que tu as une voix faite pour être sur scène… C’est beau et ça donne du courage. Mais à côté de ces compliments, tu as beaucoup de professionnels qui te disent la même chose :

« Est-ce que tu te rends compte que tu vas dans un monde où tu vas devoir jouer des rôles et où il est juste impensable de porter un voile ? »

En fait, le fait même de chanter sur scène, c’est très souvent lié à l’apparence. Tu n’as pas que ta voix malheureusement. Il faut séduire sur scène, se dénuder jusqu’à parfois même montrer sa poitrine. J’ai des professeurs qui m’ont clairement dit que mon voile allait poser problème. Et dernièrement, j’ai reçu un gros coup de massue lors d’un concours prestigieux que j’ai passé en janvier…

Il y avait plusieurs étapes de sélection : une pré-sélection vidéo et une audition. Ma professeure m’a dit qu’avec ma voix, j’allais être sélectionnée sans hésiter… En fait, je n’ai même pas passé l’étape des pré-sélections vidéo. J’ai remis en doute ma voix et j’ai demandé les raisons de ce refus à ma prof, qui m’a expliqué : « mon ami qui fait partie du jury m’a dit : « j’ai reconnu ton élève, forcément, elle avait quelque chose sur la tête. Mais qu’est-ce que tu veux qu’on fasse après, avec elle ? »

Il lui disait à demi-mot qu’ils n’avaient pas pu me prendre à cause de mon voile.

@Narimène Bey

C’est hyper violent !
C’est vraiment difficile. J’essaie de toujours rebondir, de ne pas déprimer ni de m’attarder sur ce genre de choses. Mais c’est un constat : en France, c’est un vrai problème. J’ai passé des soirées et des journées à chercher des femmes qui étaient voilées dans le monde de la musique classique. J’ai arrêté de chercher dans l’Opéra parce que je n’ai pas trouvé. Mais j’ai cherché des violonistes, des pianistes voilées qui avaient réussi… Il n’y en a pas. Il y a des musulmanes, mais voilées ? Non. Dans l’Opéra, encore moins. Je sais que je mets les pieds dans un terrain houleux. Ça va être très difficile. On verra. Je ne sais pas. En tout cas, si ce n’est pas en France, ça se fera à l’étranger. Mais je reviendrai.

J’espère vraiment chanter sur une scène française. J’aime mon pays. Si c’est difficile, ici, en France, c’est qu’il y a du travail à faire. C’est plus intéressant. Il faut que ça puisse avancer.

Il y a un documentaire qui a été fait sur toi…
Il y a quelques années, il y a eu le premier festival de cinéma musulman en France : les Mokhtar Awards. Et pour la seconde édition, une amie tenait absolument à faire un reportage sur moi et mon parcours. À l’époque, j’avais énormément de mal avec l’idée que, dans la communauté arabo-musulmane, on puisse me voir comme une chanteuse, et être affichée en tant que telle, et avoir des problèmes ou des répercussions.

J’avais peur de tout ça, donc je ne voulais pas. Et en même temps j’avais peur aussi de ce qui pouvait se dire sur moi dans le monde occidental. La veille de la publication, mon amie me dit : « écoute, j’ai tout le film avec moi. Tu ne veux vraiment pas que je le diffuse ? » Elle a trouvé les mots justes. J’ai accepté et son reportage a été sélectionné.

J’avais été touchée parce qu’à la fin, il y a une fille voilée qui était venue me voir en me disant : « j’adore chanter de la musique classique, j’adore chanter de l’Opéra depuis toute petite. Et quand je te vois, je me dis que ce serait possible. » Ne serait-ce que pour elle… Si elle est venue me voir c’est que, je pense – enfin j’espère – qu’il y en a d’autres qui se cachent en France et qui le font aussi. Il leur faut, entre guillemets, un modèle.

Je ne me considère pas comme un modèle mais en tout cas, il faut quelqu’un qui essaye avant elles. Même si je me prends toutes les claques possibles et imaginables. Il faut quelqu’un qui puisse leur dire : « c’est possible, allez-y ! ». Il faut ouvrir la voie.

Ton histoire rappelle un peu celle de la candidate Mennel de l’émission The Voice, mais en beaucoup moins médiatisée… On se concentre sur votre voile plutôt que sur votre voix.
La problématique n’est pas la même que celle de Mennel. Elle chante de la variété française principalement. Même si elle a eu aussi beaucoup de freins, c’est un monde qui est un petit peu plus ouvert. Aujourd’hui je suis contente, elle a réussi à trouver sa place et à se faire un nom. C’est tout ce que je lui souhaite.

Maintenant, il faut bien préciser que le monde de l’Opéra et de la musique classique, c’est encore autre chose. Il faudrait aller, avec une caméra cachée, dans un cocktail après un concert ou un entracte, pour se rendre compte à quel point c’est bourré de préjugés. Avec tout ce que je sais, je n’imagine même pas l’horreur que ce serait pour la plupart des gens de voir une femme voilée sur scène.

Je me rappelle d’une fois, j’étais avec ma sœur dans le public d’une salle d’Opéra. On était dans une loge, et il y avait une femme de la bourgeoisie française, une cinquantaine d’années, qui était complètement écœurée de nous voir là. Elle n’a pas de cessé de faire des commentaires à voix haute. On était très étonnées, je ne sais pas… On est en France, dans les années 2010. Et c’est fou, j’ai fait un parcours qui ressemble à ceux de beaucoup de musiciens : solfège, cursus CHAM.

On m’a toujours dit que j’avais une très bonne oreille, que j’étais une bonne musicienne… Je ne vois pas en quoi le fait d’avoir quelque chose sur la tête changerait tellement les choses.

Je ne suis pas au bout de mes peines en France. Il y a un professeur qui m’a dit : « tu te rends compte quand même que tu demandes à être ‘cachée’… » « Cachée », entre guillemets, c’est lui qui a dit ça comme ça. «…Tu demandes à être cachée sur scène alors que la plupart des chanteuses et chanteurs demandent à jouer des rôles nus ?! ». J’ai compris, petit à petit, que le monde de l’opéra était hyper sexualisé et que tout tournait beaucoup autour du sexe.

La femme est beaucoup objectifiée sur scène ?
C’est vrai que c’est beaucoup le cas de la femme. L’homme aussi… Mais surtout la femme. Je me rappelle d’un cours où il y avait une amie qui avait chanté un extrait de l’opéra Falstaff. Dans ce morceau, elle incarne une femme mariée qui devait piéger Falstaff, un séducteur invétéré qui essayait de la séduire. Pour le prendre en flagrant délit, elle demande à son mari de se cacher. Elle chante et fait semblant d’être séduite par lui.

Au début de l’air, elle pousse des notes très aiguës… Notre professeure nous a demandé quelle signification nous donnions à ces notes. On a dit que c’était dû à de la colère, du mécontentement, de la haine… Mais en fait non, notre professeure nous a dit que ça provenait d’un orgasme. J’ai trouvé l’interprétation poussée à l’extrême. Elle a réussi à nous faire admettre que c’était la seule interprétation. Le sexe est clairement ancré dans la mentalité de la scène française lyrique.

Quel est ton rêve aujourd’hui ?
J’aimerais bien chanter dans les grands Opéras faire des grandes et belles scènes. Pour l’instant, je fais des petits concerts. C’est extraordinaire de pouvoir chanter dans les églises de la petite France des villages. Le public là-bas me regarde avec un œil complètement objectif, il ne voit pas mon voile. J’ai beaucoup de papis et de mamies qui me disent qu’ils ont été complètement transcendés et subjugués par ma voix.

Ce sont les églises qui viennent te contacter pour chanter ?
Dans la tradition musicale française, dès petit, on te fait jouer dans les églises. Ce sont des beaux lieux qui ont une bonne acoustique. Très souvent, les musiciens vont chanter et vont jouer dans les églises. Quand tu grandis, jouer dans une église prend plus de sens. Il n’y a absolument rien de religieux, les concerts ne sont jamais faits pendant une célébration religieuse ni pendant un office religieux. Ce sont des lieux appropriés et de plus en plus consacrés aux chanteurs et musiciens.

Narimène Bey chantant dans une église. 

Quel est ton plus beau souvenir de chant ?
Un jour, mon professeur me demande si je suis occupée durant l’été. C’était un été où il y avait le Ramadan. Il me dit « avec ta voix et ta spiritualité, j’aimerais t’inviter à l’Abbaye de Cîteaux ». Il était touché par le fait que je sois musulmane pratiquante et chanteuse. L’Abbaye de Cîteaux est un endroit exceptionnel de force et de spiritualité chrétienne, près de Dijon. Il y a des moines, là-bas, qui ont gardé la tradition la plus vieille du monde, qui remonte au Moyen-Âge.

À ce moment-là, ils étaient en train de légendariser des tableaux qui représentaient l’histoire de Marie dans la Bible. Ils avaient besoin d’une voix féminine. Et mon professeur a pensé à moi, une musulmane…

J’hallucine. Je lui demande quand même si ça ne risque pas de poser de problème : un jour, un ami russe voulait que je chante dans une église le jour de son mariage, mais malheureusement, le curé de son église n’a pas accepté parce que j’étais musulmane…

Et là on me dit que l’Abbaye de Cîteaux, réputée en France et dans le monde comme étant la résidence du Dalaï Lama, veut m’écouter chanter.

C’était une expérience extraordinaire : je jeûnais, j’ai été accueillie pendant le mois du Ramadan, on nous a préparé notre repas à l’heure. Et tous les matins, il y avait un moine qui partageait le petit déjeuner avec nous. C’était une semaine géniale : j’ai chanté du Mozart, du Bach… Le vendredi, il y avait un moine qui faisait sa profession de foi et on m’a demandé de chanter pour lui. Et wow…

Ça envoie vraiment un puissant message d’humanité et de fraternité.

Image à la Une : Narimène Bey.

Précédent

LE SON DU JOUR : Dans "Potato Salad", A$AP Rocky et Tyler, The Creator kiffent à Paris avec Jaden Smith

À VOIR : Le trailer du nouveau film de RZA avec T.I., Wesley Snipes et Terrence Howard

Suivant