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Société
Par Charlotte Vautier

Désastre humanitaire en Syrie : deux médecins racontent

Plus qu’un témoignage, c’est un appel à la mobilisation que les membres de l’Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (UOSSM) ont lancé le mardi 13 décembre lors d’une conférence à Paris.

De retour de mission humanitaire médicale dans les hôpitaux d’Alep – ou ce qu’il en reste – le Dr Raphaël Pitti (médecin anesthésiste-réanimateur) et le Dr Ziad Alissa (médecin anesthésiste-réanimateur et président de l’UOSSM) ont témoigné de la nécessité d’aider les médecins et les aides soignants restés en Syrie, qui sont « les vrais héros de cette guerre« . Il faut, d’urgence, « former ces héros » : c’est un des messages principaux que les deux médecins ont voulu porter ce soir-là.

Former pour mieux soigner

En janvier 2012, plusieurs médecins, affectés par le conflit qui déchire la Syrie, décident d’allier leurs forces pour venir en aide aux victimes en créant l’UOSSM. Si leur première mission est de soigner, ils se rendent rapidement compte de l’urgence de former du personnel médical. Dans les hôpitaux, le manque d’aide-soignants s’est accentué au fur et à mesure des déplacements de populations depuis la Syrie vers des villes sécurisées. Progressivement, les hôpitaux se sont vidés de leurs médecins et remplis de blessés. Quant au personnel de santé resté sur place, ce sont des médecins, infirmières et aides soignants… civils : ils n’ont pas été formés aux spécificités de la guerre.

« On n’est pas dans une situation de confrontation entre une armée et une autre armée. Normalement, les armées ont des organisations militaires sanitaires qui organisent la prise en charge de leurs blessés de guerre. »

« La guerre en Syrie est une guerre urbaine, cela veut dire que les blessés de guerre arrivent dans les hôpitaux civils dans lesquels le personnel de santé syrien ne connaissait pas les pathologies de guerre, et en particulier les pathologies par explosions […] les brûlés, les écrasements de membres, un certain nombre de pathologies liées à la guerre… » raconte Raphaël Pitti.

Depuis février 2016, prés de 8 500 personnes ont été formées par l’UOSSM (médecins, sages-femmes, infirmières, aides-soignants, casques blancs et secouristes). Tous volontaires, ils n’avaient parfois aucun lien avec le domaine médical avant de commencer une formation.

Pour préparer aux spécificités de la guerre, les formateurs et spécialistes enseignent douze matières : les techniques de médecines de guerre, les techniques de secourisme de guerre, les techniques de médecine d’urgence, les techniques d’obstétrique d’urgence (accouchement), la formation en échographie d’urgence, les soins de réanimation d’urgence, la réanimation cardio-respiratoire, les premiers secours, la protection des armes chimiques, les soins infirmiers et la formation.

La santé mentale et le soutien psychologique

Les blessures sont physiques, mais aussi psychologiques. En Syrie, tous les enfants de moins de six ans n’ont connu que la guerre. Le Dr. Ziad Alissa explique qu’il faut de toute urgence des centres qui traitent la santé mentale pour « des enfants qui ont vu des choses que l’on n’avait pas vues, certainement, depuis la Seconde Guerre mondiale« . Il continue : « en Turquie, il y a un de nos centres de soins psychologiques pour les enfants. Quand un avion passe au-dessus, les enfants se mettent sous les chaises pour se protéger. S’ajoute à cela que ces enfants ne sont plus scolarisés. Avec tout ce qu’ils ont vécu, imaginez-vous l’état psychologique de tous ces enfants. » L’UOSSM a initié la création de trois sites dédiés aux troubles psychiques en Syrie, en Turquie et au Liban. Tous les mois, environ 22 500 patients sont traités dans ces trois centres.

La souffrance des soignants est aussi à prendre en compte. « Autant on se préoccupe de la souffrance psychique des victimes, autant on oublie celle des soignants qui sont confrontés à une souffrance » souligne le docteur Pitti. « […] ils voient mourir énormément autour d’eux, et ça ils le gardent… On comprenait très bien qu’au fur et à mesure les médecins et spécialistes partaient et quittaient le pays au bout de deux ou trois ans. Qui peut leur reprocher de mettre en sécurité leur famille ?« .

La recherche comme témoin

À côté de leurs missions, les équipes de l’UOSSM ont mis en place un système de récupération de données médicales. Les statistiques permettent ainsi à l’organisation d’anticiper les besoins réels des malades et des blessés. Aucun système électronique de ce type n’existait dans les hôpitaux. « À travers les statistiques, on peut connaitre les besoins réels du terrain, à l’hôpital, au bloc opératoire ou à la maternité » explique le Dr Ziad Alissa, président de l’Union. « C’est ces liens avec l’équipe sur place qui nous permettent de connaître les vrais besoins que l’on transmet à nos collègues dans l’association pour qu’ils puissent aider en conséquence. Au-delà de la situation médicale, lorsque l’on est là-bas, on travaille au bloc opératoire ou en réanimation, on essaie de faire de notre mieux. Les liens avec les gens à l’intérieur sur place c’est très important« .

Le docteur Alissa a son idée quant aux attaques systématiques sur les structures médicales en Syrie : « Mon point de vue personnel est celui-ci. Dès le début (NDLR : des conflits en Syrie), lorsqu’il y avait des manifestations pacifiques et qu’il y avait des blessés, les blessés venaient dans les hôpitaux pour être soignés. Les premiers témoins de ces blessures c’est les médecins », explique-t-il. « Lorsqu’il y avait des arrestations et de la torture dans les centres de renseignement, les victimes étaient transférées après dans les hôpitaux. C’est les médecins qui sont les témoins depuis le début. Si l’on prend la parole d’un combattant, elle sera biaisée. L’équipe soignante pendant une guerre, c’est le vrai témoin neutre« .

Dr Ziad Alissa a confié lors de cette conférence qu’une femme de service – qui est devenue sage-femme après avoir suivi une formation avec l’UOSSM – avait vu, via internet, la manifestation organisée par l’organisation le 8 décembre dernier à Paris. Elle explique au docteur par téléphone depuis Alep : « On voit qu’il y a des gens qui se rassemblent et qui pensent à nous, ça nous fait du bien. Même si on va mourir, on préfère mourir en souriant« .

Le 15 décembre à 14h, les équipes de l’UOSSM se réuniront devant l’Hôtel de ville de Paris pour parler de la Syrie et acheminer médicaments et matériel médical. Si nous ne sommes pas sur le front comme ces médecins héros, nous pouvons au moins nous déplacer, nous renseigner et montrer notre soutien, chacun à notre manière. Pour nous ce sera demain. Rejoignez-nous si vous pouvez/voulez montrer votre soutien.

Pour revoir le Gros Journal avec le docteur Raphaël Pitti :

 

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