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Société

Les riches ne songent-ils qu’à asservir les autres ? 5 arguments pour le prouver, par les Pinçon-Charlot

À quelques jours de l'élection présidentielle, le couple de sociologues publie un petit livre intitulé "Les Prédateurs au pouvoir : main basse sur notre avenir". En une soixantaine de pages, celui-ci dresse le portrait d'un monde où le discours néolibéral n'admet plus d'alternative, où l'argent contrôle tout, notamment le politique, et où ceux qui le détiennent n'ont pas seulement renoncé à l'idée d'un monde commun : ils mènent aux plus faibles une guerre sans merci.

Leur nouveau livre, Les Prédateurs au pouvoir, crée le débat et interroge notre liberté. Ce n’est pas un ouvrage de recherche, comme ceux qu’ont coutume de signer les Pinçon-Charlot – grands sociologues de la richesse, experts de son pouvoir et de ses réseaux -, mais un brûlot politique, engagé et clivant. Il analyse comment une caste de riches, une « oligarchie » cupide et solidaire, mène un projet de domination total, à la fois médiatique et secret, violent et subliminal, conforté notamment par les politiques, dont certains candidats à la présidentielle. Évidemment, comme il est vecteur d’idéologie, il prendra tout son sens confronté à d’autres visions. Ce sont ces auteurs qui le rappellent eux-mêmes, au détour d’une petite phrase aussi simple qu’indispensable : « La pensée critique partagée est déjà une forme de résistance à l’inadmissible ».

Voici donc, en 5 points, les principaux arguments du nouvel ouvrage des Pinçon-Charlot.

1) Les riches favorisent la crise environnementale
Pour Michel et Monique Pinçon-Charlot, les riches (une classe mouvante dont ils donnent notamment les contours dans cet entretien) ont mis sous le tapis le sujet du réchauffement climatique grâce à la toute-puissance du lobbying, initié dans les années 70 par Exxon (devenu ExxonMobil), géant américain des hydrocarbures et grand pionnier du mouvement climatosceptique.

L’augmentation du nombre de réfugiés climatiques – estimé à 25 millions pour l’instant – ne les effraie pas, bien au contraire : ils ont les moyens de se protéger du monstre qu’ils ont créé grâce à des infrastructures qui les coupent encore un peu plus du monde. Comment payent-ils ? Avec l’argent… des victimes du réchauffement climatique, justement, qu’ils ponctionnent via de nouveaux outils financiers.

2) Le néolibéralisme contrôle tous les aspects de la société
Le couple de sociologues ne s’embarrasse pas de nuances. C’est écrit noir sur blanc : « L’argent au service de l’oligarchie = le totalitarisme ». Dommage, le totalitarisme n’est pas clairement défini dans ces pages… Mais la façon dont il se manifeste, elle, est clairement énoncée. L’argent, disent les auteurs, est concentré dans quelques mains « cupides ». Celles-ci alimentent un système autosuffisant, qui étouffe toute idée d’alternative à son existence.

Il s’agit, pour les Pinçon-Charlot, d’un point de non-retour : aujourd’hui, le néolibéralisme est une vision du monde définitive, un récit qu’on ne remet plus en question. Pour le combattre, ne reste qu’à exercer son esprit critique et mener une action globale. Hydre des temps modernes, ce « capitalisme oligarchique qui se nourrit de ses crises » se régénère et s’étend si on n’en attaque qu’un aspect à la fois.

3) La culture du secret est reine – et si vous osez le dire, on vous traitera de complotiste.
L’opacité et l’arbitraire du système néolibéral sont deux autres signaux de ce système « total ». Monique et Michel Pinçon-Charlot dénoncent un monde fondé sur le mensonge et le secret qui, sous couvert de grands discours « démocrates » et « droits-de-l’hommistes », se voue sans complexe à la vente d’armes et à la destruction massive de biens sociaux.

D’ailleurs, si le mensonge des élites est communément admis (preuve en est François Fillon, conforté dans sa candidature à l’élection présidentielle malgré les accusations de fourberie), point trop n’en faut tout de même : de manière générale, « l’arbitraire des privilèges doit rester caché pour rendre impossible à la volonté humaine le projet de la construction d’un monde plus équitable ».

Et lorsque la vérité éclate au grand jour, il reste une arme imparable : se défausser en se posant en victime… avant de crier, très très fort, à la « théorie du complot ».

4) Les élites mondialisées se fichent de la solidarité nationale
Pour le couple, les plus riches n’ont aucun scrupule à brûler leur nationalité sur l’autel du capitalisme. Ils lui préfèrent, de loin, une identité « mondiale », dérégulée et donc sans contraintes. Gérard Depardieu et Bernard Arnault, maîtres du genre et objets de scandales, en prennent évidemment pour leur grade. Mais la palme de la consternation est attribuée François Hollande.

Pour le couple, le Président de la République, ennemi autoproclamé de la finance, s’est mué, à peine élu, en petit soldat de l’oligarchie internationale. Et « les dizaines de milliards d’aides aux entreprises » écrivent les auteurs « n’ont guère servi à créer les millions d’emplois promis mais plutôt à engraisser les actionnaires à travers des augmentations de dividendes ».

En octobre dernier, dans son interview au Gros Journal, Monique Pinçon-Charlot disait de François Hollande qu’il a fait « pire que Sarkozy »… à propos duquel le couple a tout de même écrit un livre intitulé Le Président des Riches (2010, éd. La Découverte).

5) Le Pen, Macron, Fillon et Trump, suppôts du « système » qu’ils dénoncent.
Monique et Michel Pinçon-Charlot ne désignent pas de candidat et ne donnent aucune consigne de vote. Mais ils s’attaquent à Marine Le Pen, Emmanuel Macron et François Fillon qui sont, chacun à leur manière, en « osmose parfaite » avec le système qu’ils dénoncent.

Quand François Fillon s’en dit simplement la victime, Macron et Le Pen ont fait du mot « anti-système » un argument de campagne. Alors, pourquoi le premier est-il inquiété pour avoir, justement, fait profiter de ce système à ses enfants et son épouse ? Comment se fait-il qu’un déplacement d’Emmanuel Macron, ovationné à Las Vegas par le gratin des start-ups françaises en janvier 2016, fasse l’objet d’une enquête préliminaire pour soupçons de favoritisme ? (ici, une nuance est requise : à ce stade, l’enquête ne vise pas directement le candidat, qui a d’ailleurs 39 ans et non 36 comme l’avance le livre).

Plus flagrant encore : pourquoi Marine Le Pen, grande adepte du « tous pourris », conforte-t-elle l’obscurantisme et le culte du secret ? Pourquoi, visée par six affaires distinctes, entrave-t-elle systématiquement les démarches de la justice ? Et pour quelle raison s’est-elle opposée à la création d’une commission d’enquête sur les Panama Papers ? Le fait que deux de ses proches soient cités parmi les détenteurs des comptes offshore n’y est certainement pas étranger…

Les Pinçon-Charlot sont formels : aucun de ces trois candidats, une fois élu, ne dynamitera les institutions, trop content d’enfin accéder au trône de notre « monarchie présidentielle ».

C’est ce qu’a fait Donald Trump aux États-Unis : celui qui fustigeait les banques pendant sa campagne a placé, une fois élu Président, des personnalités richissimes aux manettes du pays. Parmi eux, des pontes de Goldman Sachs (la banque à l’origine de la crise financière mondiale de 2008), son gendre milliardaire Jared Kushner, ou encore Rex Tillerson. Ce dernier, depuis peu ministre des Affaires étrangères, est un proche de Donald Trump et un redoutable homme d’affaires, célèbre pour avoir fait fortune avec… ExxonMobil, la fameuse firme-mère du mouvement climato-sceptique. La boucle est bouclée.

Les Prédateurs au pouvoir. Main basse sur notre avenir, Textuel, avril 2017, 64 pp., 8 euros.
Image à la une : Michel Pinçon et Monique Pinçon-Charlot, photo de Pierre Pytkowicz

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