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Arts
Par Camélia Kheiredine

Mannequin le jour, artiste-plasticien la nuit : Josue Comoe, 23 ans, bouscule la représentation des minorités dans l’art

Josue Comoe est animé par une envie : celle de redonner de la visibilité et de la voix aux minorités à travers son art. À 23 ans, ce jeune mannequin pour des marques internationales a décidé de reprendre le contrôle de son image en se ré-appropriant son identité d'homme noir. Une identité souvent mise à mal dans les milieux de la mode et de l'art...

Lors de ses premiers pas dans la mode, Josue Comoe ne s’est pas forcément rendu compte des enjeux représentés par l’image de l’homme noir dans les milieux de l’art de la mode. Le déclic à l’origine de cette prise de conscience est simple : lorsque Josue avait le crâne rasé, les marques toquaient à sa porte mais depuis qu’il a décidé de laisser pousser son afro, c’est silence radio…

« J’ai commencé la mode quand j’avais 16 ans. Je me suis fait repéré et j’ai bossé très rapidement. J’ai eu le crâne rasé jusqu’à mes 20 ans et j’ai arrêté deux ans pour me concentrer sur mes études. Et puis… je ne me sentais pas prêt à entrer dans un milieu qui allait me dicter un code de conduite. J’étais trop jeune. À 22 ans, j’ai repris le mannequinat et j’ai laissé pousser mon afro depuis. Jusqu’à aujourd’hui, ça pose problème. »

En gardant son afro, Josue Comoe n’avait aucune visée politique, bien au contraire. Selon lui, ce sont les marques elles-mêmes qui ont politisé sa coupe de cheveux sans qu’il n’en ait eu l’intention. Comme un mannequin qui peut arborer ses cheveux lisses, il voulait faire de même avec ses cheveux crépus.

« Ils me disaient : ‘Sois tu rases, soit on change ta coupe de cheveux’. Homme comme femme, quand tu es noir à la peau foncée, on ne t’autorise pas à garder ton afro. Mais bizarrement, si tu es plus clair de peau… tu as le droit. C’est raciste, c’est tout. On ne me représente pas comme je suis réellement. »

Josue Comoe pour Chanel et Moncler.

C’est dans sa véritable passion qui est l’art que Josue Comoe a trouvé un certain refuge. Étudiant dans une grande école d’art, il finit par la quitter : là-bas, il était avant tout considéré comme l’élève noir, ivoiro-ghanéen et musulman de l’école et non comme un étudiant lambda.

« Le traitement, quand tu es noir ou arabe, change dans les grandes écoles. Il y a du racisme, de la négrophobie et de l’islamophobie. C’est réel hein ! Ça se traduisait par des éléments bien spécifiques. J’étais le seul noir de la promotion. Je n’ai jamais été aussi noir de ma vie. Certaines personnes me rapportaient toujours à ma condition de mec noir en mode : « Oublie pas que tu es le noir de l’école ». C’était pas marrant. Tu ne peux pas rire de ça. En plus, je viens du 93. Ils me le faisaient comprendre : « T’inquiète, on va t’apprendre l’art vu que tu viens de la banlieue ». C’était trop du paternalisme. Alors, après les attentats, laisse tomber… On questionnait mon rapport à la religion, on se méfiait, on doutait : j’étais la seule personne qu’on pouvait relier à l’Islam. J’ai décidé de partir à cause de l’accumulation de tous ces épisodes qui invalident la pédagogie de école. »

Toutes ses expériences personnelles et professionnelles liées à ses identités plurielles le poussent à vouloir changer les choses à son échelle. Josue Comoe veut transformer les séquences de sa vie en art. La passion qu’il voue pour cette discipline l’aide à transposer son vécu avec maturité, distance et réflexion. C’est une manière de lutter face à ces injustices sans clasher, comme il l’explique.

La question des minorités l’a fait vibrer mais surtout l’a fait peindre. L’artiste-plasticien se donne un objectif : celui de représenter, à travers son art, toutes les personnes qui n’ont pas de grande tribune pour se faire voir et de donner de la visibilité à celles qui sont écartées de l’espace public et médiatique. Afro-féminisme, personne atteinte d’albinisme, hommes et femmes noir.e.s de l’empowerment, sororité, femmes voilées… Josue Comoe aspire à créer des oeuvres qui ont un sens mais surtout, il souhaite raconter son histoire et celle des individus mal représentées en société à travers son regard. Et non à travers celui des autres.

« J’ai envie de créer des oeuvres qui appelle à la transcendance, des oeuvres qui aspire au meilleur, à quelque chose de bon et de grand. Il y a vraiment une part de spiritualité dans mes tableaux qui est très importante. J’ai envie que les gens apprécient mes tableaux sans même comprendre pourquoi. »

Avec plus de 10 000 retweets (dont un de Rokhaya Diallo) sur un post présentant son art, l’artiste commence à faire parler de lui. Le samedi 10 mars, pour rendre hommage à la journée internationale de la lutte pour les droits des femmes – tenue deux jours avant- Josue Comoe exposera tout une série de portraits de femmes noires au Palais des Arts de Marseille, en attendant sa toute première exposition à Paris qui ne devrait pas tarder….


© Josue Comoe


© Josue Comoe


© Josue Comoe


© Josue Comoe


© Josue Comoe

© Josue Comoe

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Image à la Une : Josue Comoe et ses peintures pour le collectif de photographe « LaMeute. »  

Article de Camélia Kheiredine. 

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