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Le Gros Journal

Le Gros Journal avec M. Night Shyamalan : « Kanye West représente le comble des obsessions de notre société »

Ce soir dans le Gros Journal, Mouloud Achour reçoit le maître du thriller et du fantastique, le grand réalisateur M. Night Shyamalan. Le réalisateur indo-américain de Sixième sens, Incassable et Signes, qui a popularisé le concept de « twist final », revient avec Split, en salles mercredi prochain.
Dans ce film James McAvoy incarne un schizophrène aux 23 personnalités qui kidnappe trois jeunes filles.
Après s’être mesuré à lui en tentant un « Gros pitch » du film, Mouloud Achour essaie de percer les secrets de ce génie de l’épouvante : y a-t-il une recette pour faire peur ? M. Night Shyamalan nous livre également son sentiment sur les États-Unis de Trump, et regrette la place laissée au « spectacle » et au « sensationnel » dans les médias comme dans le débat politique. Enfin, y aura-t-il bientôt une série CANAL+ réalisée par M. Night Shyamalan ? Il « adorerait »…


Le Gros Journal avec M. Night Shyamalan, l… par legrosjournal

Mouloud Achour : Bienvenue au Gros Journal.
Night : Merci de me recevoir !

Tout d’abord je dois te dire un mot au sujet de ce putain de film qui s’appelle « Split ». Il faut que je me lève et que je t’embrasse. Parce que, tout d’abord, le film est génial, c’est un classique de l’horreur. Je ne dis jamais ça, parce qu’en général je suis plutôt déçu par les films américains. Ça m’ennuie de voir Iron Man 22 vs Spider Man 23.
Ce que tu viens de dire est très intéressant. Parce que… Qu’est-ce qui pousse les gens à sortir et aller au cinéma ? Tout est dominé par les Spider-Man 25, Iron Man 73, et les autres. Je ne peux pas rivaliser et ne veux pas rivaliser avec l’exubérance de ces scénarios qui voient toujours plus grand et ne jurent que par les effets spéciaux. Quelle est mon arme ? Quel argument je peux utiliser pour faire sortir les gens et leur donner envie d’aller voir mon film ? C’est l’originalité.

Est-ce qu’on peut faire le pitch de « Split » ? Laisse moi commencer et tu termines, ok ?
Ok.

Au début du film on voit un père qui va récupérer des jeunes filles. Le père achète à manger pour tout le monde, ils se dirigent vers le parking, le père regarde quelqu’un et il disparaît. Puis on voit un mec, qui ressemble un peu à un graffeur. Il entre dans la voiture, une bombe à la main. Elles se retrouvent dans une cave, une cave mystérieuse, et le mec ouvre la porte. Est-ce un bon pitch ?
C’était pas mal ! Je t’écoutais, j’étais captivé. Tu veux que je finisse le pitch ?

Oui.
Puis elles entendent l’homme se disputer avec une femme, en dehors de la pièce. La femme lui dit : “Qu’est-ce que tu as fait ?”. Les filles commencent à crier : “On est là !”. Elle s’approche et ouvre la porte. Les filles crient quand elles s’aperçoivent qu’en fait il n’y a pas de femme, qu’il se parlait à lui-même et qu’il pense être les deux personnes. Elles se rendent compte qu’elles ont été kidnappées par un homme qui pense avoir plusieurs personnalités. Le film raconte l’histoire de ces trois filles qui essayent de manipuler les personnalités pour sortir de là, avant qu’une dernière personnalité n’arrive et ne leur fasse bien plus mal.

C’est comme ça que tu présentes ton film aux producteurs ?
Ah, pour le vendre ?

Oui. Comment tu vends tes films ? C’est la question que je voulais te poser.
J’essaye d’éviter les pitchs. J’écris le scénario quasiment gratuitement. Je l’écris et ensuite je leur tends le scénario. Et je leurs dis : “je veux faire ce film”. Donc ils peuvent lire tout le scénario du film.

Il y a une méthode pour faire peur aux gens. La méthode facile, avec les cris, et il y a une autre méthode. Pourquoi as-tu choisi l’autre ?
Je ne fais pas dans le spectaculaire. J’aime la suggestion, laisser une histoire en suspens, donner une partie de l’histoire et l’interrompre. Tu sais… Je pourrais parfaitement écrire une histoire sur nous deux enfermés ici. Une scène d’interview, avec les équipes, on entend un bruit, on essaye de continuer l’interview, mais une autre explosion survient et tout le monde s’inquiète. Les téléphones se mettent à vibrer. J’adore ça. Et tout d’un coup, les téléphones s’éteignent. Tout devient une question de vie ou de mort, on se demande ce qu’il se passe… C’est génial ! Ça ne coûte rien, mais j’adore. J’aime écrire comme ça.

Est-ce que tu peux prendre une photo de moi qui fait peur ? Parce que c’est ton truc. Je te donne cet appareil et…
Mon Dieu, voyons voir. Wow ! Oh, ça fait peur ! Je veux que tu penses à quelqu’un qui t’a menacé et à ce que tu lui ferais, ce genre de choses. Tu souris encore, tu ne penses pas aux bonnes choses. Non, tu es trop doux, je ne peux pas… Attends, ça c’est pas mal. Ça, c’est bien. Le fond orange là-bas a un peu aidé.

Tu sais ce que j’ai fait quand j’étais jeune et beau ? Je suis allé au ciné avec une fille pour voir « Sixième sens ». J’avais déjà vu le film. Je lui avais demandé si elle voulait sortir avec moi, mais elle m’a dit non. Donc au début du film, je lui ai raconté la fin.
C’est méchant, je ne peux pas rester.

Est-ce qu’on peut parler de ton enfance ?
Oui.

Sur ton passeport, tu es né Français.
Oui. À Pondichéry. Oui, en Inde. Mon passeport est français.

Ensuite tu es allé aux États-Unis.
Oui.

Tu as découvert ce livre de Spike Lee, où il raconte comment il a fait son premier film, sans budget et sans production.
Au début, je suivais le format de Spike, qui jouait dans ses films, écrivait et réalisait ses films de manière indépendante, comme Woody Allen, les frères Coen, etc. C’était un peu ce monde-là. J’ai compris que je n’étais pas Spike Lee ni Woody Allen, que je ne devais pas essayer de ressembler aux autres, ça ne me réussissait pas. Je me suis dit “qu’est-ce qui t’intéresse ?” J’étais dans ma chambre. J’ai regardé mes posters. Et il y avait Alien, L’Exorciste, Die Hard.

Que du gros !
Oui. Alors je me suis dit : “Pourquoi ne pas essayer ça ? Arrête de vouloir être ce que tu n’es pas”. J’ai donc écrit un film comme ça, c’était Sixième Sens.

Quand on regarde « Split », on voit que tu es influencé par la culture Internet, dans ta façon d’utiliser les polices, même dans ta façon de couper les scènes. Tu es très moderne, tu ne travailles pas à l’ancienne. Cette culture t’a influencé. Est-ce que tu suis toujours ce qui se passe sur internet ?
Non.

Dans le domaine créatif ?
Non, ce que j’ai fait, c’est… Ce que tu dis, je le dois surtout aux personnes avec qui je travaille. Je fais exprès d’employer des personnes pour qui c’est le premier ou le deuxième film. En travaillant avec des jeunes enthousiastes, bourrés de talents et en apportant notre expérience, tout finit par s’équilibrer.

L’une de mes scènes préférées dans « Split », c’est celle où il danse sur du Kanye West.
Oui.

Pourquoi as-tu choisi Kanye West ?
Eh bien …

Qu’est ce qu’il représente pour toi ?
Il représente… le comble des obsessions de notre société. C’est celui qui fait le plus de scandales, qui obtient le plus d’attention. On n’évalue même plus le degré de perspicacité ou d’absurdité, peu importe, tant qu’il y a du scandale et du spectacle. Et Kanye qui est d’ailleurs un génie de la musique, devant la caméra on ne sait jamais ce qu’il va faire ou dire. C’est ce qui est arrivé avec Trump, je ne suis pas capable d’écrire un truc aussi puissant que ça.

L’élection de Trump est-elle l’un de tes pires scénarios ?
Oui, il y a eu beaucoup de tweets pendant le déroulement des élections, beaucoup de gens twittaient : “J’espère que c’est un film de M. Night Shyamalan, j’espère que le dénouement sera inattendu”. Ça a été une nuit très décevante pour nous tous.

Ici, beaucoup de gens évoquent un divorce entre les médias et les vrais gens.
Oui.

Ils disent que les médias ne parlent pas de ce que pensent vraiment les gens, donc Trump a été élu. Es-tu d’accord avec ça ?
Je ne saurais pas te dire si c’est ça, mais je sais une chose : si toi et moi avons une chaîne d’info, qui dépend de l’audience. Mon salaire dépend du nombre de personnes qui me regardent. J’ai un candidat qui dit : “Je veux améliorer le système de santé, je veux faire ci, je veux faire ça…”. Ça n’intéresse personne. mais si j’ai un candidat qui débarque en disant : “Je vais construire un mur tout autour de chez nous et je vais me débarrasser de tous ces gens”…

« Nous allons construire un grand mur le long de la frontière sud ».
C’est du sensationnel ! C’est fantastique, et c’est pour ça qu’ils le laissent parler. Ça fait grimper l’audience. L’audience de CNN est hallucinante en ce moment ! Le spectacle ne devrait pas être estimé par les soi-disant chaînes d’information. C’est contradictoire. Les infos sont parfois ennuyeuses, mais elles n’en restent pas moins importantes. Il est important de dire que les travailleurs sont mécontents, qu’ils perdent leur travail. C’est tout ce qu’il faut dire. Pas besoin de spectaculaire. On en sait bien plus sur Kanye et Trump que sur ceux qui font vraiment avancer les choses aux États-Unis, car ils ne font pas sensation dans un journal.

Te sens-tu toujours aussi libre aux États-Unis ?
Bien sûr !

C’est une simple question.
Une seule personne ne décide pas pour nous aux États-Unis, on fait tous partie du changement. On redéfinit chaque jour la notion de nationalité, ce que cela signifie d’être citoyen aux États-Unis. Je suis l’homme le plus heureux du monde. Mes parents étaient des immigrés, je suis un immigré. J’ai grandi dans la plus belle des villes, à Philadelphie, j’ai eu une vie géniale, j’ai pu faire ce que je voulais, le rêve ! Si je veux que ce pays change, c’est à moi d’agir. Pour moi, il en va de ma responsabilité.

Si jamais tu as des problèmes de liberté aux États-Unis, tu es le bienvenu en France.
Merci.

Si tu veux faire une série pour CANAL+, libre à toi.
Oui, allons-y, je suis sérieux !

Moi aussi, je suis sérieux. je demande à CANAL+ et tu fais une série pour la chaîne.
J’adorerais en faire une.

Merci beaucoup.
Tout le plaisir était pour moi.

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