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Clique Data
Par Jalal Kahlioui

CLIQUE DATA : Une analyse scientifique des survêts de Jul

Depuis un peu plus de deux ans, Jul marque au fer rouge le rap français – pourtant, on sait au final peu de choses sur lui. Après avoir passé au peigne fin une douzaine d'albums, plus de deux cents titres et une vingtaine de clips, nous sommes arrivés à une conclusion : et si le meilleur moyen de comprendre Jul passait par… ses survêtements ?

Mise à jour 23/12/2016 : Alors qu’il a posé son empreinte sur 2016, Jul cartonne en cette fin d’année avec son ultime projet de l’année : L’OVNI. Essuyant les critiques artistiques dès ses débuts, le Phocéen a su mettre tout le monde d’accord, la presse, ses confrères rappeurs, et un public désormais acquis à sa cause. Ce vendredi 23 décembre, Jul s’offre un Zenith de Paris, plein et amplement mérité.

Depuis ses débuts, le rappeur marseillais n’a aucun complexe : qu’il s’agisse de sa manière singulière de rapper, de son usage de l’auto-tune proche du raï ou de ses instrus très simples, Jul trace son sillon. Son style musical peut cliver, mais sa sincérité et sa régularité parlent pour lui. Idem au niveau vestimentaire : le rappeur s’illustre par une tendance presque mécanique à ne porter QUE des survêtements. D’ailleurs concrètement c’est quoi, un survêtement ?

  • La Minute Historique

Flashback pour vos potes qui ne lâchent pas le survêt’ de Chelsea : le premier tracksuit (« tenue de terrain ») est apparu chez les athlètes anglais au début des années 1920 et il était en… laine. Quatre-vingt ans avant les errances en velours de Paris Hilton, le survêtement se compose déjà d’une veste et d’un pantalon chaud dont le but est de maintenir le corps des sportifs entre 38 et 39 degrés.

Jul vintage
Survêt’ de l’Irlande 1932 (qui passe franchement).

Bref, porter un survêtement, c’est être prêt à l’action. Dans les années 1970, la tenue explose en popularité grâce à l’acteur Bruce Lee et aux premiers breakdancers. La suite ? Jay Z en peau de pêche, Lacoste (et Ärsenik) en France, les chavs anglais en Tacchini : par un mélange de symbolique sportive, d’esthétique hip-hop et de simplicité pratique (pas besoin de réfléchir à sa tenue + validation immédiate des pairs), le survêtement devient l’uniforme des quartiers. Surtout quand il est enfoncé dans les chaussettes.

Retour à notre époque. En 2016, s’il y avait une Fashion Week du survêtement, Jul serait Anna Wintour.

Et pas juste parce qu’il est au sommet du game et qu’il a une coupe de cheveux étrange. Le rappeur pratique un port quasi journalier du combo veste + bas de jogging de foot : sur la dalle de son quartier, dans sa cabane d’enregistrement ou chez sa maison de disque (pour récupérer une énième récompense), Jul fait littéralement corps avec cette tenue qu’il ne quitte JAMAIS – ou presque.

  • Le calendrier vestimentaire de Jul :

Calendrier de Jul

Et il ne s’habille pas avec n’importe quel modèle. Le rappeur, comme ses confrères Gradur ou Alonzo, est un fin collectionneur de survêtements : dans sa production des deux dernières années, nous avons dénombré pas moins de vingt modèles différents (liste complète en fin d’article). Évidemment, Jul ne porte que des tenues de football – le sport populaire par excellence, où les meilleurs joueurs sortent souvent des milieux les plus défavorisés.

Le Marseillais a d’ailleurs été membre du centre de formation de l’OM pendant près de deux ans. L’ex-futur footballeur a donc mis des survêtements depuis qu’il est minot, et a pu assister à leur évolution.

Une photo publiée par GOODNECK (@goodneck77) le

Le précédent King de Marseille, en survêtement de l’époque.

« Depuis cinq ou six ans, le survêtement s’est vraiment répandu comme tenue de tous les jours chez les jeunes », nous confie-t-on chez un équipementier sportif. Cette intrusion de la panoplie sportive dans la rue serait-elle une volonté délibérée des marques ? « Pas vraiment, même si ce qui se passe sur le terrain et ce qui se passe autour (comme la mode) s’influencent réciproquement. Auparavant, les bas de survêtement étaient larges, ce qui n’était pas pratique pour jouer au foot. »

« Après plusieurs études, les coupes des pantalons ont donc été fuselées et resserrées à la cheville. Les vestes sont aussi beaucoup plus près du corps. Les tenues sont désormais plus esthétiques, ce qui a aidé à leur popularité… mais à l’origine il s’agissait d’une question pratique. »

On peut se demander si les rappeurs, au même titre que les grands joueurs, pourraient devenir des égéries à part entière pour ces marques. « Clairement, le rap est la musique la plus écoutée chez les moins de vingt ans, qui sont les plus gros acheteurs de survêtements. Le nom de Jul est sorti lors d’une discussion avec de jeunes consommateurs… Même s’ils étaient un peu gênés en le disant. »

Des centres de l’élite à la rue, le survêt’ a fait son chemin : les Sergio Tacchini et Lacoste vintage se sont fait supplanter par les ensembles plus contemporains aux couleurs des clubs anglais, espagnols ou italiens. Jul revendique clairement ne pas appartenir à l’ancienne école : « Tu parles de moi t’es à l’ancienne comme le survêt’ croco ». 

Peut-on penser pour autant que le rappeur ne fait que suivre la mode ?  Pourquoi une telle obsession pour le combo veste-bas de survêtement nylon-coton ? Dans quelle mesure ce dress-code monocorde en dit long sur l’un des plus gros vendeurs de disques du pays ? Est-ce qu’il repasse ses chaussettes ?


Le clip de « Gingst » est un modèle du genre : près d’une quinzaine de maillots et de survêtements de foot sont portés par le rappeur. 

Après analyse de la discographie déjà pléthorique de Jul, le mot « survêt’ » ou « survêtement » est mentionné près d’une vingtaine de fois. Présent dans ses couplets et jusque dans ses refrains, l’ensemble à virgule ou aux trois bandes est devenu le fil rouge vestimentaire de l’artiste. Une preuve de son attachement aux valeurs de son quartier et de son refus du star-system ?

  • Tous les chiffres de la garde-robe de Jul :

La garde robe de Jul en chiffres

Quand on se penche sur le contexte de l’utilisation du mot « survêt’ » dans ses paroles, le marseillais revendique le port de cette tenue partout où il se trouve – notamment dans les endroits où le combo est habituellement proscrit : la boîte de nuit ou le restaurant.

  • L’emploi du temps de Jul en survêtements, très chargé.

Les activités de Jul en survêtement

Certes, Jul n’a pas été le premier à amener le survêtement en boîte de nuit, mais (à tort ou à raison) l’artiste de Saint-Jean la Puenta est l’un des rares à ne pas l’avoir lâché en connaissant le succès. Même son concitoyen Soprano, qui a longtemps eu l’air de sortir d’une session futsal, met désormais des petits chapeaux.

Malgré ses centaines de milliers d’albums vendus, Jul se refuse toujours au bling-bling. Alors oui, il s’autorise parfois à name-dropper des marques italiennes de luxe ; mais ces références servent souvent d’accessoire pour valoriser autre chose : « Prada, survêt’ : mamma la dégaine ! ».

En faisant du survêtement sa marque de fabrique, Jul montre qu’il est toujours dispo pour taper un foot au quartier. Surtout, il s’abstient de faire des choix vestimentaires marqués qui pourraient trahir sa volonté de rester fidèle à la rue, ou le mettre à la mercé de ses détracteurs. Le survêtement est de fait la représentation matérielle de ses textes : « Moi c’est Jul ; tu m’connais, j’reste le même, sincère. Toujours le survêt’, les têtes cramées pour l’insert ».


Le clip « Allez le sang » de Jul, un des exemples de son attachement profond au quartier. 

Dans le dictionnaire, la définition du mot « uniforme » est la suivante :
« Costume ou vêtement dont la forme, la couleur, les dispositions sont les mêmes pour tous ceux qui font partie d’un même groupe. »

À travers une veste et un pantalon de sport standardisés, Jul se met à la fois à la hauteur des champions et de tous les anonymes qui portent leurs couleurs – une façon, peut-être, d’exorciser son angoisse de changer face à sa popularité. À longueur de textes, le rappeur clame son désir de rester le même et, surtout, raconte qu’il garde les mêmes problématiques que ses amis de quartier – et par conséquent de ceux qui l’écoutent : «Asics, survêt’ de l’OM, je garde mes problèmes».

  • Conseil mode : les marques de baskets que Jul porte le plus souvent lorsqu’il met un survêtement. 

Asics et Nike de Jul

À noter : dans des proportions négligeables, les claquettes Arena et Adidas font aussi partie de la panoplie. 

Étrangement, alors que l’essence du football est la compétition, la quête d’humilité de Jul s’accompagne d’une absence remarquée de référence à la concurrence. Le rap game et ses excès ne semblent pas l’intéresser : ses textes ressemblent à un reportage quotidien sur la vie des quartiers de Marseille et de leurs habitants.


Jul qui tape un foot détente dans son quartier. 

En ce qui concerne les survêtements, Julien Marie (de son vrai nom) se fait remarquer par son éclectisme dans ses choix de clubs et de sélections. Qu’elles soient prestigieuses ou non, en Champions League ou dans le ventre mou de la Ligue 1, de nombreuses équipes voient leur fanion évoqué par le rappeur : plus d’une quinzaine de clubs sont représentés, du F.C. Barcelone au Sporting Club de Bastia en passant par le Borussia Dortmund.

  • Analyse colorimétrique des goûts de Jul : couleurs échantillonnées sur ses vingt survêtements préférés  

Beaucoup de rouge chez JulSi le bleu et blanc de l’OM est évidemment présent, on note une forte dominance de rouge (Bayern, Espagne, Danemark…) et de noir (Juve, Allemagne, Man City…).

Des couleurs associées respectivement à la puissance, l’amour, la guerre et la révolution pour le rouge ; et à l’indifférence, la nuit, l’angoisse, la tristesse, la mort (et le chiffre 13 !) pour le noir. Tous les thèmes qui traversent l’œuvre de Jul… ou alors c’est juste que ces couleurs s’assortissent bien avec des Air Max 90.

Difficile de déterminer des tendances de fond justifiant le choix des équipes représentées par Jul, tant elles sont variées. On retient que l’Olympique de Marseille produit, sans surprise, le survêtement préféré du rappeur.

Et c’est la dernière question : est-ce que le rappeur mentionne les équipes en fonction de leur style de jeu et de leurs performances sportives sur la période ? Pour l’évaluer, nous avons listé ces équipes en les pondérant avec un facteur très objectif : la note moyenne qui leur est attribuée dans… les dernières versions du jeu vidéo FIFA, le « coeffi-sang FIFA » repéré sur le site FifaIndex.

Après analyse, le rappeur semble plutôt sensible aux équipes qui privilégient le « beau jeu » telles que Manchester City, le Borussia Dortmund et évidemment le Barça, sans que les conclusions soient vraiment flagrantes.

Des couleurs plutôt sobres. Des tenues haut de gamme, issues d’équipes qui pratiquent un football élégant. On aimerait se dire qu’en fin de compte, Jul en survêtement, c’est simplement un homme qui nous dit sa volonté de rester simple et populaire, comme le football.

Jul Kalenji

Et là, sans prévenir, le rappeur dégaine un survêt Kalenji jaune fluo à 14,99 euros. Et on se dit qu’il restera définitivement insaisissable.

Texte : Jalal Kahlioui / Graphisme : Erol Yildiz / Édition : Anthony Cheylan

Photo ci-dessus : Jul à Marseille le 15 octobre avec le Rat Luciano et un supporter du Real.

  • Ci-dessous les survêtements portés par Jul ces deux dernières années, leur note FIFA, leur nombre de citations dans ses textes (1 main = 1 fois) et une rime qui s’y rapporte.
Les survêtements de Jul
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