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Société
Par Inès Bouchareb

En France, Mohammed a 4 fois moins de chances d’être recruté que Michel

« J’aime pas les Arabes, alors fais gaffe à toi ! ». Ces propos racistes tenus par le patron d’une société de transports routiers ont été filmés par un employé, en caméra cachée, et seront diffusés ce soir dans un numéro de « Complément d’enquête » sur France 2, consacré au mal être au travail.


Complement d’enquête. Un patron à son salarié : « Je n’aime pas les Arabes »

Par ailleurs, une étude de l’Institut Montaigne, révélée par « Complément d’Enquête » corrobore cette défiance à l’égard des citoyens d’origine étrangère, musulmans ou supposés comme tels. Cette enquête dénonce de “fortes discriminations” à l’embauche liées à la religion, surtout envers les musulmans pratiquants.

Cette étude, qui met en exergue l’islamophobie flagrante des employeurs français, Marie-Anne Valfort l’a entamée il y a trois ans. Pour ce faire, cette chercheuse et maître de conférences à l’université Panthéon-Sorbonne, a mis au point des CV fictifs, a-t-elle expliqué à l’AFP. Ainsi, entre septembre 2013 et septembre 2014, elle a adressé ces fausses candidatures à 6 231 offres d’emploi de comptables, assistants et secrétaires comptables en métropole.

Nathalie, mieux que Samira


Les profils créés pour son étude sont identiques en tous points, à l’exception de la religion. Ils sont tous Français d’origine libanaise, nommés Haddad, nés à Beyrouth en 1988, arrivés en France au début du lycée en 2003, naturalisés en 2008 et titulaires d’un BTS comptabilité. Seuls t
rois éléments suggèrent leur appartenance religieuse : leur prénom – Dov et Esther pour les juifs, Michel et Nathalie pour les catholiques, Mohammed et Samira pour les musulmans -, leur scolarité dans une école confessionnelle et leur engagement dans l’association de scoutisme de leur communauté.

Elle a ensuite comparé le taux de convocation des différents candidat(e)s ; et les chiffres sont éloquents. En effet, un candidat perçu comme musulman pratiquant a deux fois moins de chances d’être convoqué en entretien qu’un catholique pratiquant (10,4% contre 20,8%). L’écart est encore plus grand si l’on isole les hommes: 4,7% contre 17,9%, du simple au quadruple. Les juifs pratiquants, eux, ont 24% de chances en mois d’être convoqués qu’un catholique, un écart qui varie peu selon le sexe.

En 2008 déjà, le ministère du Travail publiait une étude montrant que “les jeunes Français peu qualifiés d’origine apparente maghrébine ou noire africaine [étaient] victimes de discriminations à l’embauche par rapport aux jeunes Français d’origine apparente hexagonale ancienne.” Dans ce rapport-là, le candidat dit “d’origine apparente hexagonale ancienne” (comprendre caucasien) était favorisé près de 4 fois sur 5.

L’essentiel des différences de traitement pénalisant des jeunes d’origine maghrébine ou noire africaine se manifeste avant même qu’ils n’aient été reçus en entretien par l’employeur. Ils sont écartés beaucoup plus souvent que les autres dès la prise de contact, les différences de traitement pouvant prendre la forme de refus notifiés ou de mises en attente plus sournoises”, peut-on alors lire dans cette étude de 2006.

Le testing de Marie-Anne Valfort s’arrête aussi avant l’entretien et « sous-estime probablement les discriminations” qui sont présentes à chaque étape du recrutement.

« L’image dégradée de l’islam en France »


C’est un fait : les musulmans « sont beaucoup plus discriminés » par rapport aux catholiques en France « que ne le sont les Afro-Américains par rapport aux Blancs aux Etats-Unis”, d’après la même étude. Selon Marie-Anne Valfort,
 l’islam souffrirait d’une « image dégradée en France ». « Des enquêtes montrent que les Français associent spontanément l’islam à l’extrémisme religieux et à l’oppression de la femme », poursuit-elle. « Ces deux stéréotypes vont alimenter une discrimination très forte, en particulier à l’égard des hommes musulmans. Le recruteur les perçoit comme un risque accru de pratique religieuse transgressive sur le lieu de travail et les associe à un risque d’insubordination. »

Pour étayer cette thèse, Mme Valfort a créé des profils « laïcs » mentionnant un engagement dans une association de scoutisme laïc. Elle a comparé leur taux de convocation avec celui des « pratiquants ». L’impact est limité pour les candidat(e)s juifs, mais pas pour les hommes musulmans : en se montrant laïcs, ces derniers doublent leurs chances. À l’inverse, les catholiques « perdent à s’afficher comme laïcs », surtout les hommes, dont les chances d’être convoqués sont presque divisées par deux. « Il est probable que l’attachement des hommes au catholicisme soit perçu par les recruteurs comme un gage précieux de discipline », suggère l’étude.

Profils d’excellence : la discrimination s’intensifie

Pour souligner cette discrimination, la chercheuse a inclus des candidatures « d’exception », supérieures en termes de diplôme, de compétences et d’expérience. Chez les femmes, l’étude met en évidence « une disparition de la discrimination, non seulement à l’égard des candidates musulmanes mais aussi à l’égard des candidates juives ». Mais chez les hommes, au contraire, « la discrimination à l’égard des candidats masculins juifs et musulmans s’intensifie ». Les catholiques « d’exception » ont alors cinq fois plus de chances de décrocher un entretien que les musulmans « d’exception » et 1,5 fois plus que les juifs « d’exception ».

La question des discriminations au travail est revenue dans l’actualité lorsqu’il a fallu se pencher sur le cas du CV anonyme. Le gouvernement a refusé en mai de le généraliser, lui préférant des « actions de groupe » anti-discriminations. Le dispositif, s’il entre en vigueur, permettra aux victimes de saisir ensemble la justice, comme cela existe déjà sur les questions de consommation. Un employeur coupable de discrimination risque jusqu’à trois ans de prison et 45 000 euros d’amende.

Le reportage intitulé “Mon patron préfère les Blancs”sera diffusé ce soir sur France 2.

Retrouvez notre interview Clique avec la ministre du Travail, Myriam El Khomri :

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